2.1 quelques
échantillons de désinformation
2.2 Un
cas aigu : Libération :
2.2.1 Une journée normale à Libération
(mardi 22 mars 2005)
3 L’Europe : une
certaine idée du capitalisme
4 Le TCE : Une
idole : le marché. Un exclu : le social
4.1.1 Le TCE interdit toute restriction
aux mouvements de capitaux :
4.1.2 Le TCE instaure la primauté d’un
monétarisme sans contrôle :
4.1.3 Le TCE exclut une harmonisation
européenne dans le domaine de l’emploi
4.1.5 Le TCE exclut toute harmonisation
en matière pénale :
4.1.6 Le TCE interdit désormais les
subventions aux entreprises :
4.1.9 Le TCE interdit toute restriction
à la libre circulation des services :
4.1.10 Le TCE condamne les services
publics à disparaître :
4.1.11 L’Europe privilégie la logique financière et
actionnariale de l’entreprise :
4.2 Le
TCE : une attaque contre les services publics
4.4 La
directive Bolkestein inacceptée ?.
4.5 Le
TCE et Bolkestein n’ont-ils rien à voir ?
5 Le TCE : Une
injure à la démocratie et aux valeurs républicaines
5.1 Parce
que le citoyen n’en n’est pas à l’origine
5.2 Parce
qu’il est inaccessible au citoyen
5.2.1 Comparaison du préambules et
articles 1ers des constitutions de 1793, 1946, 2004
5.3 Parce
que le citoyen n’en n’est pas la finalité
5.4 Parce
que le citoyen n’y a pas voix
5.4.2 Ni par le biais du parlement
5.4.3 Ni par le biais de son gouvernement
5.5 Parce
que tout le monde ne sera pas citoyen..
5.6 Parce
que des valeurs essentielles manquent à l’appel
5.6.6 Il légalise le Lock-out
aujourd’hui non autorisé par le droit français
5.6.7 Droit à un salaire minimum et à
la retraite
5.7 Parce
que l’avenir de l’homme n’y est pas assuré
6.1 Pourquoi
les élites sont pour
6.1.2 Un exemple de club européen : confrontations Europe
6.1.3 Un exemple de club
planétaire : BILDERBERG
6.1.4 Un exemple de membre :
Pascal Lamy
6.1.5 Le syndrome de l’auto stoppeur.
6.1.6 Le complexe de surpuissance.
6.2 Pourquoi
la plupart des médias sont pour
6.3 Comment
des citoyens peuvent-t-il être pour cette Europe
6.3.2 Le mythe du citoyen consommateur
6.3.3 Le marché des indulgences
6.4 Pourquoi
une majorité de militants s’est prononcée pour le oui à gauche et chez les
verts
6.5 Pourquoi
la Confédération Européenne des Syndicats (C.E.S.) a voté une motion de soutien
6.6 Comment
les verts justifient leur Oui
6.7 Comment
les socialistes justifient leur Oui
7 Comment se prononcer en
tant que citoyen
7.1.1 Le citoyen dépossédé :
Platon contre Aristote
7.1.2 Le citoyen instrumentalisé
10 D’autres adresses
pour aller plus loin
Avertissement :
Je n'adhère en aucune manière au repli nationaliste et je souhaite, quitte à ce
qu’elle ne soit pas à 25, une Europe fédérale disposant d'un président élu au
suffrage universel, composée de citoyens impliqués, disposant d'un parlement
avec un véritable pouvoir législatif, d'une Europe qui se donne les moyens
d'une véritable politique sociale, qui implémente une véritable vision des
droits de l'homme, qui assume une vision de l'avenir compatible avec celui de
la planète et qui exporte son modèle via une politique étrangère respectueuse
de l’homme et dégagée des stricts intérêts commerciaux.
Cette constitution nous engage
nous et nos enfants.
La constitution est,
établie "pour une durée illimitée" (article IV-446)
Il n’est pas possible en tant que citoyen de se
satisfaire des slogans qui fondent les débats dans les médias.
Le but ici n’est donc pas d’offrir un nième point
de vue réducteur mais de fournir une
arme au sens « outil à caractère offensif » pour les citoyens qui
désireraient se documenter plus avant sur la constitution européenne et la
dynamique plus large dans laquelle elle s’inscrit.
Pour la bonne compréhension de ce qui suit lire TEC =
traité établissant une constitution pour l’Europe.
Le TEC constituant comme il sera montré plus loin
une violente atteinte aux principes démocratiques et à la citoyenneté et le
‘oui’ bénéficiant par ailleurs d’une intense campagne médiatique,
l’objectif est clairement ici de donner
une visibilité aux discours du non.
Loin des slogans j’ai privilégié les textes
s’attachant à une analyse rigoureuse du texte et de ses implications.
Les formidables enjeux liés au TEC ont heureusement
généré de tout aussi formidables réactions de chercheurs, sociologues,
philosophes, juristes, économistes qui ont trouvé en Internet un moyen de
publier leurs réflexions en évitant les fourches caudines des médias officiels.
Loin de moi l’idée de les concurrencer sur un terrain où je ne peux me
prévaloir d’aucune expertise. Je me contenterai juste de mettre leurs travaux
en perspective avec des commentaires de mon cru et dans la mesure du possible d’en
permettre l’accès via un lien et d’en effectuer un modeste résumé. Ceci dit
cela reste assez volumineux et je vous incite à n’y prendre que ce qui vous
intéresse.
Vous pourrez trouver ici le texte du
TCE.
Voici tout d’abord un rappel de la notion de
citoyenneté que j’ai trouvé ici trouvé sur le site http://www.diploweb.com/
« La souveraineté est la première des valeurs de la
République. Il s'agit d'un système qui dit à tout citoyen, c'est à dire tout
co-souverain : "Vous n'avez personne au-dessus de vous. Vous êtes
collectivement responsables de vous-même, puisque vous faites la Loi. Vous devez la bien concevoir et surveiller ceux qui la
mettent en œuvre. »
Il suffit d’écouter la radio, de regarder la
télévision ou d’ouvrir un journal pour s’apercevoir de l’unanimité dont les
médias font preuve en faveur de la constitution les incite à se croire
dispensés de prendre en compte les débats qui sont engagés dans de nombreuses
strates de la société. Les médias ont abdiqué leur
mission d’informateurs pour se faire acteurs.
Serge Halimi notait dès septembre
2004 dans Les cabris de Maastricht ,
le retour sur les ondes d’une campagne à sens unique : « Le rappel
des outrances de la propagande passée permet de prendre la mesure de la
troublante unanimité des discours présents. » et le site action-critique-médias de référencer dans un
document en cours de
constitution le dérapage généralisé des médias et de la communication
institutionnelle. On peut aussi pour rigoler voir ici comment les sondages qui
donnent le non gagnant ont pu être commentés. (ex : « Les
partisans du traité se rendent compte que leurs arguments rationnels, ardus et austères,
sont balayés par diverses allégations subjectives, simples et multiples. »)
Jean Paul Fitoussi
(professeur d’études politiques et membre du conseil d’analyse économique) dans
La politique de l’impuissance
La pensée unique est inconciliable avec l’ordre
démocratique. On le voit bien aujourd’hui sur les
questions européennes où jamais le débat n’a été aussi interdit. On assiste
même à une vraie hallali contre ceux qui souhaitent débattre de ces
questions.(….) Etrangement, ceux qui souhaitent l’Europe et la démocratie sont
qualifiés d’anti-européens alors qu’on sait que, sur le long terme, l’absence de démocratie ne peut aboutir qu’à la destruction
de l’Europe.
Voici
les chiffres résultant de l’observation des médias : pour la période du 1er
au 14 mars trouvés par la confédération paysanne de José Bové (dans le Monde du
17 mars 2005 "Si
le traité est voté, il n'y a plus d'échappatoire" par José Bové):à
la télévision, si on compte les invités sur les plateaux, il y a eu 69% du temps d'audience pour le "oui"
contre 31% pour le "non". A la
radio, en prenant en compte les commentaires et les propos des invités,
la balance est de 80% pour le "oui"
et 20% pour le "non". Enfin,
dans la presse écrite, avec les seuls commentaires et points de vue, on
arrive à un sommet de 85% en faveur du
"oui"!
Pour
une information honnête pendant la campagne du référendum relève par
exemple les choix de France-Inter
« L’émission "Question directe",
sur France Inter, depuis septembre 2004, a invité 16 fois le Parti socialiste
(dont 4 membres favorables au "non") ; 15 fois l’UMP ; 6
fois l’UDF ; 2 fois le PCF ; 1 fois les Verts (dont le représentant
était favorable au "oui") ; 1 fois Philippe de Villiers. Au
total : 34 personnalités favorables au "oui" et 6 favorables au "non". »
L’émission "Respublica", sur
France Inter, depuis mai 2004, a invité 9 fois le PS (dont 2 représentants
favorables au "non") ; 11 fois l’UMP ; 3 fois l’UDF ;
2 fois le PCF ; 3 fois les Verts (tous les représentants étaient
favorables au "oui") ; 1 fois le MRC ; 1 fois la LCR. Au
total : 24 personnalités favorables au "oui" et 7 favorables au
"non".
Une Lettre ouverte au CSA, à Radio
France et au Ministère de la propagande cite en exemple le 1er
des spots qui seront diffusés par 11 chaînes de radios en métropole et 5 dans
les DOM-TOM :
Voici le texte du spot : « Article
47 ; Des citoyens de l’Union, au nombre d’un million au moins, peuvent
inviter la Commission à soumettre une proposition appropriée sur des questions
pour lesquelles ces citoyens considèrent qu’un acte juridique de l’Union est
nécessaire. »
Alors que l’alinéa 4 de l’article I -47 dans sa
totalité est ainsi libellé : « Des citoyens de l’Union, au nombre
d’un million au moins, ressortissants d’un nombre significatif d’États membres
, peuvent prendre l’initiative d’inviter la
Commission, dans le cadre de ses attributions , à
soumettre une proposition appropriée sur des questions pour lesquelles ces
citoyens considèrent qu’un acte juridique de l’Union est nécessaire aux fins
de l’application de la Constitution. »
Il ne s’agit donc ni plus ni moins que d’un
mensonge par omission qui augure de ce que seront les prochains spots et tout
cela au frais du citoyen.
Mieux
vaut être riche et bien portant » (par le Ministère de la propagande et
ses auxiliaires) dénonce les écrans publicitaires vantant sur différents
médias la constitution et qui « ont tous en commun d’extraire du projet
de Traité constitutionnel une courte citation qui, parce qu’elle met en avant
des déclarations d’intentions consensuelles, ne peut être qu’approuvée, comme
si ces citations étaient représentatives de l’ensemble du Traité et de son
‘esprit’, » et de donner comme exemple : « l’Europe
souhaite approfondir le caractère démocratique et transparent de sa vie
publique et œuvrer pour la paix, la justice et la solidarité dans le
monde » ou « Un
niveau élevé de protection de l’environnement et l’amélioration de sa qualité
doivent être intégrés dans les politiques de l’Union et assurés conformément au
principe du développement durable »
Dans L’Europe, l’Europe...: L’impossible débat, sur France Inter, on
voit que c’est « l’existence même d’un débat devient l’enjeu d’un
‘débat’ » et que « la scène vaut la peine d’être étudiée de
près. »
A titre personnel je me suis amusé à décrypter les
positions du journal Libération auquel je suis abonné et qui en dehors
du fait d’être d’une scrupuleuse malhonnêteté dès lors qu’il s’agit d’aborder
la constitution européenne, doit subir de plus une terrible schizophrénie puisqu’il publie (rarement)
dans ses pages tribune libre, rebond, etc.… des opinions de personnes tout à
fait honorables bien qu’opposées au TCE mais se refuse à considérer que ces
opinions peuvent prêter à débat puisqu’il s'acharne à longueur d’articles et
d’éditoriaux à renvoyer les arguments du non à de
simples postures, stratégies ou pulsions relevant d’une pathologie facilement identifiable.
J’ai noté de ci de là :
Editorial
de Jean-Michel Thénard (21 février 2005): «[la] Nouvelle génération
au PS, qui, avec François Hollande, a fait le choix d’un oui de raison contre
le non fabiusien, synonyme d’opposition réflexe à Chirac. »
Editorial
de Gérard Dupuy (lundi 07 mars 2005): « A l'intérieur de la
gauche, l'hostilité à l'égard de la construction européenne appuyée sur un
héritage marxisant et un nationalisme jacobin (compères intermittents), est
aussi vieille, et même plus, que le traité de Rome lui-même. »
Editorial
du même Jean-Michel Thénard (19 mars 2005) « Le oui de gauche, lui,
a fait le pari que l'électorat saura en rester au sujet traité parce que
l'Europe le vaut bien. Le pari du rationnel contre le passionnel »
Editorial
de Jean-Michel Thénard (encore lui !) « Le non triomphe et il
entrera [Chirac] dans l'Histoire comme le président qui a fait imploser
l'Europe. Celui qui aura vu sous son règne la France quitter son rôle d'acteur
majeur de la construction européenne pour se draper dans le splendide refus
solitaire d'une Union «libérale» à 25. »
Article
(demie-page titre en gros par Jean Quatremer) « Le Pacte de stabilité, nouveau
symbole de souplesse » sous-titré « Sa réforme [le pacte de stabilité] prouve que les
textes européens ne sont pas aussi définitifs que le dénoncent leurs
détracteurs. » tentant de démontrer que la règle de
l’unanimité n’a pas bloqué cette réforme : « Les
gouvernements ont une nouvelle fois fait la preuve que rien n'est jamais
«inscrit dans le marbre» au sein de l'Union européenne, contrairement à ce
qu'affirment les opposants au projet de Constitution, en assouplissant le pacte
de stabilité et de croissance, ce corset qui contraint les politiques
budgétaires »
Le même Jean Quatremer dont on a pu juger de l’objectivité étant en charge ces
jours ci de répondre sans parti pris aux grandes questions que se posent les
lecteurs sur la constitution ce qui donne en gros à gauche OUI avec une phrase
d’un tenant du oui, NON à droite avec une phrase d’un tenant du non et pleine
page le jugement du roi Salomon par Quatremer. Libération dont une majorité des
lecteurs doivent être du coté du non ne recule devant rien pour faire campagne
et surtout pas devant le fait de prendre ses lecteurs (futurs ex lecteurs) pour
des imbéciles.
Le
déséquilibre est d’ailleurs flagrant. Ainsi le mardi 22 mars 2005 y avait-il 5
articles en faveur du oui dont une tribune de Bernard Poignant et aucun en
faveur du non.
On peut se rappeler à ce sujet que Noam Chomsky
(voir ici) notait dans «La
fabrication du consentement » en 1988 que « le rôle que s’assignent les médias n'est pas d'informer les
citoyens, mais de fabriquer leur consentement. » et que « la propagande découle de la conviction qu`il
appartient à une élite éclairée de conduire les masses ignorantes.»
Les conditions de délivrance par
les médias d’une information complète et objective ne sont plus réunies. Le
citoyen doit prendre l’habitude de se constituer ses propres canaux
d’information !
Et suivre le conseil de Daniel Schneidermann dans Libération du 25 mars 2005
intitulée « Référendum: oui-carotte contre oui-bâton » :
Descendez
sur le Net. En bas, sur la Toile, on discute pied à pied des
articles du projet de Constitution. Leurs contradictions, leurs ambiguïtés,
leur découpage. Oui ou non, l'article 144 ouvre-t-il la voie à la directive
Bolkestein ? On plonge dans les entrailles du texte. On essaie de comprendre.
Il règne un appétit de savoir, une conscience de l'enjeu, un désir forcené de
ne pas voter à la légère [...] Une immersion
prolongée rend surréalistes les retours à la surface [comprendre les
médias officiels].
Internet est le recours de ceux
qui veulent savoir
Pour comprendre l’Europe
et la dynamique dans laquelle s’inscrit le traité il me semble indispensable de
commencer par La constitutionnalisation
du capitalisme, analyse remarquable et passionnante de Yves Bonin
qui effectue la synthèse socio-historique de la construction européenne en
s’appuyant notamment sur les travaux de la chercheuse Belge Corinne Gobin.
On y lira que « L’objet
même de cette construction, …est d’en finir avec le conflit politique (et
syndical), de passer du gouvernement des hommes
à l’administration des choses, d’instaurer le règne des experts; et pour cela de dissoudre,
subvertir, noyer les instances et les lieux de débat (de conflit) et de
décisions démocratiques, de les vider de leur substance, de les contourner, de
les délégitimer. »
On y découvrira comment à
un droit social ou droit historique issu des luttes et qui est le
compromis d’intérêts contradictoire, on va substituer au sein de l’Europe un
droit a-historique dit auto-référent :« [il consiste] à
définir des normes supérieures d’où toutes les autres découlent. Ce Droit est autonome par rapport à la sphère politique ou
sociale. Il se crée dans la seule sphère juridique, se sécrète
lui-même, se «déroule» selon ses propres logiques juridiques, s’auto-engendre,
et ne s’appuie pour évoluer que sur la jurisprudence et la doctrine. Parce
qu’il n’est pas le produit des conflits sociaux et politiques (au moins le
prétend-il, car il découle naturellement en fait d’une domination sociale et
politique) , il est a-historique »
« on ne va pas du conflit à la loi, qui
en enregistre le résultat historique, mais on déduit la loi de valeurs
installées a priori. Et du même coup, on ne reconnaît pas au moins
symboliquement des adversaires dressés l’un contre l’autre, et qui parviennent
mon an mal an à un compromis: tout le monde fait partie du même monde, on est
partenaires, on fait partie du même réseau. Les
classes se dissolvent au profit des multitudes d’individus, censés agir au nom
des mêmes ‘valeurs’»
On y voit que la norme
suprême qui a présidé à la construction de l’Europe et de laquelle tout le
droit découle est sans surprise celle de la « libre concurrence du
marché », que« la seule «valeur» qui s’impose à toutes les
autres est celle de la compétitivité de l’entreprise » et que la
liberté qu’on nous fait miroiter est celle du «
libre renard dans le libre poulailler ».
Il démontre surtout à
propos de l’Europe qu’on nous propose que :
« Il est absurde de vouloir y injecter du social, ou de
détourner ce système pour le transformer en système à visée avant tout sociale:
il a été bâti d’emblée pour des objectifs inverses. »
L’Europe qu’on nous prépare est
une Europe des experts dans laquelle le citoyen n’a pas sa place
A LIRE:
La Constitution
européenne et les services publics - Alain Lecourieux - Membre du Conseil
Scientifique d’Attac
La
constitutionnalisation du capitalisme, analyse remarquable et passionnante
de Yves Bonin s’inspirant de Corinne Gobin
Il faut lire le projet
de constitution européenne de Robert Joumard (directeur de recherche
à l’INRETS)
A VOIR
Le site de l’union pour une Europe sociale
La constitution européenne est un gigantesque
trompe l’œil qui d’un coté liste des valeurs et organise simultanément leur
inconsistance juridique de telle sorte qu’il soit impossible des les opposer
devant un quelconque tribunal et d’un autre coté consacre les ¾ du texte à
définir de manière extrêmement précise, les principes fondateur de la libre
concurrence et de l’économie de marché, ceux la même qui commencent à être
contestés dans leurs effets par une frange de plus en plus importante des
populations qui en sont victime. Elle compte bénéficier en ce sens de la
dynamique de l’entrée des pays de l’est pour lesquels le marché et la société
de consommation sont des rêves restés trop longtemps inaccessibles.
Robert
Joumard
L'article I-4-1
classe sur un plan identique parmi les libertés fondamentales "la libre
circulation des personnes, des services, des marchandises et des capitaux",
périphrase reprise dans le préambule de la charte des droits fondamentaux
(partie II).
Cette exigence est le leitmotiv de tout le texte, le mot
"marché" y figurant 78 fois, et le mot" concurrence" 27
fois (mais "progrès social" trois fois et "plein emploi"
une seule fois). On détaillera plus loin cette sacralisation de
l'ultra-libéralisme économique, auquel toutes les autres politiques sont
subordonnées. La loi absolue du marché n’est plus une option à soumettre aux
électeurs, mais un acquis constitutionnel, à ne pas discuter.
Christian Saint Etienne Pdt de l'Institut France Stratégie dans
Le Figaro 08/02/05
La concurrence totalement débridée conduit au triomphe des normes
les plus minimales, proches de l'absence de toute
norme. Elle est la négation pure et simple de ce que les démocraties libérales
modernes ont voulu construire depuis deux siècles.
La directive Bolkestein est-elle le fruit mauvais d'un passé vicié que l'actuel
projet de traité constitutionnel va rendre impossible ? En réalité, le projet de
traité constitutionnel consolide la base juridique qui fonde la directive
Bolkestein !
Le corpus juridique européen nous conduit-il vers une démocratie ou vers
une zone de marchéisme débridé ? La
réponse à cette question est maintenant aveuglante.
Un réseau de 300 économistes
européens (le mémorandum-group) spécialiste
de politique Européenne a étudié le projet européen et fait dans un document de synthèse (EuroMemorandum)
des critiques et des propositions
Ils constatent que :
Le projet de Constitution Européenne, signé
à la fin du mois d’octobre et désormais soumis à la procédure de ratification, ne permet pas de
garantir la réussite du Modèle Social Européen et s’y oppose sur de nombreux
points.
En premier lieu, le déficit démocratique dont souffrent
les traités européens n’est pas corrigé dans les principaux axes du texte. Le Parlement
Européen ne dispose toujours pas du droit d’initiative en matière législative
tandis que des domaines clés comme la fiscalité et les droits des travailleurs
demeurent en dehors de son champ de compétences. Les règles de
politiques économiques et sociales inscrites dans la Constitution donnent aux
dispositions restrictives et préjudiciables des Traités, une valeur
constitutionnelle. Elles deviendront très difficiles à modifier, même si un
consensus académique venait à les remettre en cause ou si de nouvelles majorités politiques se dégagent.
La
partie III de la Constitution tente de protéger les orientations néolibérales
pourtant controversées des critiques
grandissantes théoriques et politiques, en leur conférant un statut Constitutionnel.
Cela reflète une attitude ascientifique et profondément antidémocratique.
Notre principal désaccord porte sur le cadre de politique économique et sociale
de ce projet de Constitution, entièrement sous l’emprise des valeurs de la concurrence et du
libre -marché. La Constitution n’accorde aucune place à un
secteur public développé soumis au contrôle démocratique, bien qu’il
soit indispensable à la cohésion économique et sociale. La priorité accordée
par la Constitution à la libre concurrence ouvre la voie au dumping social et au nivellement
par le bas des droits sociaux. Le cadre macroéconomique, extrêmement restrictif
n’est pas en mesure de garantir un développement économique durable et le plein
emploi. Enfin, la Constitution n’accorde à l’UE aucune compétence pour garantir la protection
sociale, les droits des travailleurs et la cohésion sociale partout
dans l’Union alors que les droits de employeurs sont sans cesse réévalués.
Et proposent de:
Lutter contre la pauvreté en s’appuyant sur
un budget européen accru permettant des transferts directs vers les personnes
les plus touchées par ce fléau.
Mettre un coup d’arrêt à la déréglementation et à l’intensification
de la concurrence. L’Union doit abandonner son projet de
directive sur la mise en œuvre du marché unique dans le secteur des services et
proposer un moratoire sur la privatisation des services publics tant qu’un
audit indépendant et approfondi sur les conséquences économiques et sociales
des précédentes vagues de libéralisation, de déréglementation et de privatisation
ne sera pas effectué et débattu publiquement.
Lutter contre la détérioration des conditions de travail dans
l’Union, par l’abandon du projet de directive sur la durée
du travail, qui relève la durée maximale autorisée et explorer au contraire les différentes voies
possibles de réduction du temps de travail
Réviser entièrement la politique économique et sociale de l’UE,
avec pour ambition de promouvoir un véritable Modèle Social Européen, constituant une
alternative au modèle américain, dont les éléments clés, devant
faire l’objet d’un large débat public, sont les suivants :
- le plein emploi, dans le cadre de conditions de
travail décentes et de rémunérations suffisantes pour permettre à chacun de
mener sa vie de manière digne et indépendante
- une protection sociale permettant à chacun de se
prémunir contre le risque de pauvreté et d’exclusion
- la justice sociale définie comme l’absence de
discrimination et d’inégalités excessives en matière de revenu, de richesse et
d’accès au biens et services publics
- le développement durable , permettant la
préservation de l’environnement
- des relations internationales équilibrées et une
aide au développement efficace, conditions indispensables à la paix et à la
stabilité politique
L’essence de cette constitution peut être trouvée
dès le 2ème article de la partie II (‘les objectifs de l’union)
article I-3-2
L'Union offre à ses citoyens un espace de liberté, de sécurité et de justice
sans frontières intérieures, et un marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée.
Le marché et la concurrence sont ensuite déclinés,
précisés et ressassés tout du long de
la partie III Les politiques et le
fonctionnement de l'Union dans des articles qui vont
tous dans le même sens et dont voici quelques exemples (relevés par Philippe
Collod, juriste de formation et ancien directeur d’entreprise).
Article III–156 : les restrictions tant aux mouvements de capitaux qu’aux paiements entre
les Etats membres et entre les Etats membres et les pays tiers sont interdites.
Articles III–188 : Dans l’exercice des pouvoirs et dans
l’accomplissement des missions et des devoirs qui leur ont été conférés par la
Constitution et le statut du Système européen de banques centrales et de la
Banque centrale européenne, ni la
Banque centrale européenne, ni une banque centrale nationale, ni un membre
quelconque de leurs organes de décision ne peuvent solliciter ni accepter des
instructions des institutions, organes ou organismes de l’Union, des
gouvernements des Etats membres ou de tout autre organisme.
et n’autorise que des encouragements à la
coopération entre Etats en ce domaine :
Article III-207 : La loi ou loi-cadre européenne peut établir
des actions d’encouragement destinées à favoriser la coopération entre
les Etats membres et à soutenir leur coopération dans le domaine de
l’emploi par des initiatives visant à développer les échanges d’informations et
de meilleures pratiques …
La loi ou
loi-cadre européenne ne comporte pas d’harmonisation des dispositions
législatives et réglementaires des Etats membres.
elle ne peut
statuer que pour éviter les distorsions de concurrence et seulement à
l’unanimité.
Article III-171 : Une
loi ou loi-cadre européenne du Conseil établit les mesures concernant l’harmonisation des législations relatives
aux taxes sur le chiffre d’affaires, aux droits d’accises et autres impôts
indirects, pour autant que cette harmonisation soit nécessaire pour assurer
l’établissement ou le fonctionnement du marché intérieur et éviter les
distorsions de concurrence. Le Conseil statue à l’unanimité, après
consultation du Parlement européen et du Comité économique et social.
Article III-272
de la section 4 ‘Coopération
judiciaire en matière pénale’ : ‘La loi ou loi-cadre européenne peut établir
des mesures pour encourager et appuyer l’action des Etats membres dans le
domaine de la prévention du crime, à l’exclusion de toute harmonisation des
dispositions législatives et réglementaires des Etats membres’.
Article III-167.1 : ‘Sauf dérogations
prévues par la Constitution, sont incompatibles avec le marché intérieur,
dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides
accordées par les Etats membres ou au moyen de ressources d’Etat sous quelque
forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en
favorisant certaines entreprises ou certaines productions’.
Article III-166
1 : Les Etats membres, en ce qui concerne les
entreprises publiques et les entreprises auxquelles ils accordent des droits
spéciaux ou exclusifs, n’édictent ni ne maintiennent aucune mesure contraire
à la Constitution, notamment à l’article I-4, paragraphe 2, et aux articles
III-161 à III-169’.
Article III-209 : L’Union
et les Etats membres, conscients des droits sociaux fondamentaux, [ … ] ont
pour objectif la promotion de l’emploi, l’amélioration des conditions de vie et
de travail, permettant leur égalisation dans le progrès, une protection sociale
adéquate, le dialogue social, le développement des ressources humaines
permettant un niveau d’emploi élevé et durable, et la lutte contre les
exclusions [ … ] A cette fin, l’Union et les Etats membres agissent en
tenant compte de la diversité des pratiques nationales en particulier dans
le domaine des relations conventionnelles, ainsi que la nécessité de
maintenir la compétitivité de l’économie de l’Union. Ils estiment qu’une telle
évolution résultera tant du fonctionnement du marché intérieur, qui favorisera
l’harmonisation des systèmes sociaux, que des procédures prévues par la
Constitution et du rapprochement des dispositions législatives, réglementaires
et administratives des Etats membres.
Sous-section 3 Liberté de prestation de services Article
III-144: Dans le cadre de la présente sous-section, les restrictions à
la libre circulation des services à l’intérieur de l’Union sont interdites à
l’égard des ressortissants des Etats membres établis dans un Etat membre autre
que celui du destinataire de la prestation.
Le
terme de ‘services publics’ est banni du TCE qui retient celui de ‘Services
d’intérêt économique général’.
On
ne trouve aucune trace de ces SIEG dans les objectifs de l’Union ; le
traité emploie à leur égard des formules ambiguës ou contradictoires pour les
soumettre aux règles de la concurrence ; exemple :
Article II-96 Accès aux services d’intérêt économique
général : ‘L’Union reconnaît et respecte l’accès aux services d’intérêt
économique général tel qu’il est prévu par les législations et réglementations
nationales, conformément à
la Constitution, afin de
promouvoir la cohésion sociale et territoriale de l’Union.
Le ‘conformément à la Constitution’ renvoie au
primat de la concurrence libre et non faussée, et à ses règles.
Ce
principe martelé tout au long du traité traduit la conviction des rédacteurs
que ‘l’équilibre atteint par le marché est le
meilleur possible’, que toute intervention publique ne peut que le
détériorer, qu’il convient donc de diminuer l’influence de l’Etat en commençant par la baisse des impôts.
Pour
être certain qu’il ne puisse y avoir de confusion, le praesidium est allé
jusqu’à préciser : « Cet article ne crée pas de droit nouveau.. »
On ne saurait être plus clair.
Rappelons
également que cet article est l’un des principaux arguments du oui
socialiste : François Hollande : « pour la
première fois, la Constitution reconnaît les services publics »
Il
suffit par ailleurs d’aller voir ce qui se dit dans les clubs (voir
confrontations Europe par exemple) où se rencontrent industriels et hommes
politiques pour se rendre compte qu’il n’y a pas un groupe international qui
n’ait actuellement dans ses projets d’investir ces fameux SIEG.
Par ailleurs le TCE se
borne à constater que certains droits existent dans certains états (pour le
moment mais qu’en sera-t-il lorsque ces droits seront assurés par le privé et
qu’il faudra confronter l’intérêt de l’entreprise avec le principe de
péréquation des droits). En aucun cas il s’agit de droits reconnus au citoyen
européen Ces
articles excluent donc toute harmonisation !!. par exemple :
Concernant la sécurité
sociale:
Article II-94 .
1 L’Union reconnaît et respecte le droit d’accès aux prestations de
sécurité sociale et aux services sociaux
assurant une protection dans des cas tels que la maternité, la maladie, les
accidents du travail, la dépendance ou la vieillesse, ainsi qu’en cas de perte
d’emploi, selon les règles établies par le droit de l’Union et les législations
et pratiques nationales.
Nous
pouvons rappeler ici que la formulation « reconnaît et respecte »
dégage juridiquement l’état de toute obligation en la matière et que ne pas
préciser par exemple la nature du système de sécurité sociale est une porte
grande ouverte aux fonds de pensions. D’ailleurs là aussi le praesidium s’est
chargé de déniaiser les idéalistes : « La référence à des services
sociaux vise les cas dans lesquels de tels services ont été instaurés pour
assurer certaines prestations, mais n’implique aucunement que de tels services doivent être
crées quand il n’en existe pas. »
La constitution a déjà intégré la
future privatisation des services publics
Rappelons ici, que l’Europe, renonçant à
défendre son propre projet en matière de régulation des entreprises, a
adopté en juillet 2003 les normes comptables de l’IASB (organisme privé
filiale à 100% d’une fondation américaine basée à Londres), qui privilégient
la logique de court terme des investisseurs financiers, celle de l’entreprise qui s’achète et se vend comme toute autre
marchandise. L’entrepreneur est ainsi appelé à devenir spéculateur,
et le concept d’entreprises socialement responsables renvoyé aux discours.
Les fondateurs de la Communauté
Européenne avaient choisi le Marché comme instrument de sa construction, 50 années plus tard l’Europe a le marché pour idole.
Certains articles frisent d’ailleurs l’obsession ou
la caricature.
article III-131
Les États membres
se consultent en vue de prendre en commun les dispositions nécessaires pour éviter que le fonctionnement du marché intérieur ne
soit affecté par les mesures qu’un État membre peut être appelé à
prendre en cas de troubles intérieurs graves affectant l’ordre
public, en cas
de guerre ou de tension internationale grave constituant une menace de guerre,
ou pour faire face aux engagements contractés par lui en vue du maintien de la
paix et de la sécurité internationale.
Même en cas de guerre, la
constitution protège le marché...
Contrairement à ce
que les partisans du oui laissent à faire accroire et comme on pouvait s’y
attendre, le traité se garde bien d’offrir un cadre aux services publics
puisque l’objectif à terme est bien évidemment de généraliser le principe de la
« concurrence
libre et non faussée »
Corinne Gobin
décrit ainsi la mutation de l’état social :
Nous semblons en
effet passer d’une organisation politique où certains instruments ont été
conçus pour fonder et réaliser des droits (comme les systèmes de sécurité
sociale) à un système où ces mêmes instruments seraient avant tout au service des
politiques de marché, et ne seraient plus que subsidiairement
fondateurs de droits, et seulement de droits “désuniversalisés” pour répondre à
la situation de marchés diversifiés.
Voici les liens de dépendance des articles
concernant les services publics. Si on
ne prend que le 1er, l’Europe offre un socle juridique aux services
publics comme le clament les partisans du oui. Si on les considère les uns par
rapport aux autres, il devient flagrant qu’il s’agit à nouveau d’un trompe
l’œil (de citoyen) qui définit en fait le cadre de leur démantèlement.
Une lecture parallèle s’impose (d’après ATTAC):
Article II-96 :
Accès aux services d’intérêt économique général
L’Union reconnaît
et respecte l’accès aux services d’intérêt économique général tel qu’il est
prévu par les législations et pratiques nationales, conformément à la
Constitution, afin de promouvoir la cohésion sociale et territoriale de
l’Union.
Article 16
(actuellement en vigueur)
Sans préjudice des
articles 73, 86 et 87, et eu égard à la place qu’occupent les services
d’intérêt économique général parmi les valeurs communes de l’Union ainsi qu’au rôle
qu’ils jouent dans la promotion de la cohésion sociale et territoriale de
l’Union. La Communauté et ses États membres, chacun dans les limites de leurs
compétences respectives et dans les limites du champ d’application du présent
traité, veillent à ce que ces services fonctionnent sur la base de principes et
dans des conditions qui leur permettent d’accomplir leurs missions.
Il suffit déjà de mettre en vis à vis cet autre
article :
Article III.122 (nouvelle rédaction) :
Sans préjudice des articles III-238, III-166 et
III-167, et eu égard à la place qu’occupent les services
d’intérêt économique général en tant que services auxquels tous dans l’Union
attribuent une valeur ainsi qu’au rôle qu’ils jouent dans la promotion de la
cohésion sociale et territoriale de l’Union. L’Union et ses États membres,
chacun dans les limites de leurs compétences respectives et dans les limites
du champ d’application du présent traité, veillent à ce que ces
services fonctionnent sur la base de principes et dans des conditions,
notamment économiques et financières, qui leur permettent d’accomplir leurs
missions. La loi européenne définit ces principes et ces conditions. sans
préjudice de la compétence qu’ont les États membres, dans le respect de la
Constitution, de fournir, de faire exécuter et de financer ces services.
Pour s’apercevoir que :
a) Les services publics
« économique » restent soumis aux règles de la concurrence (III-166) et à la limitation des aides publiques (III-167). Aucun changement puisque ces
articles sont la transposition mots pour mots des articles 86 et 87 qui ont servit à détruire les
services publics (France
Télécoms, EDF, GDF, La Poste, ANPE,etc...).
b) La notion de
« valeur commune » disparaît
ce qui est un recul important.
c) La précision apportée sur les « conditions économiques et
financières » du fonctionnement renforce l’idée d’une gestion
« comptable » des services publics. Pas vraiment une avancée !
d) Introduction du principe d’une loi « cadre » précisant les
principes et conditions de fonctionnement des services publics. Notons que
cette loi ne pourra néanmoins pas remettre en question les principes
« constitutionnels » de mise en concurrence et de restrictions des
aides !
Ce qui a été noté par
une foultitude de personnes qui se sont attachées à effectuer l’exégèse d’un
texte à 2 niveaux de lecture.
Aucune garantie pour les services
publics dans le projet de Constitution, par Jean-Jacques
Chavigné et Gérard Filoche
Tout d’abord, le projet de Constitution n’utilise jamais le terme de “ services
publics ”. Le terme “ public ” est banni du vocabulaire de l’Union
européenne. Le projet de Constitution ne veut connaître que les Services
d’Intérêt Economique Général (SIEG).
Le respect de l’accès aux SIEG n’apparaît que dans l’article II-36. Mais cet
article ne crée aucun droit nouveau : le projet de Constitution se
contente d’affirmer que l’Union “ reconnaît et respecte l’accès aux services
d’intérêt général tels qu’il est prévu dans les législations et pratiques
nationales ”. Il n’implique en aucun cas la création de services
d’intérêt général lorsqu’ils n’existent pas.
Ce n’est qu’à l’article III-122 que les SIEG trouve une base juridique.
Mais le contenu de cet article se contente de reprendre, sans changement
significatif, ce qui était déjà inclus dans l’article 16 du Traité instituant
la Communauté Européenne (TCE) : “ ... l’Union et les Etats membres...
veillent à ce que ces services fonctionnent sur la base de principes et dans
des conditions, notamment économiques et financières, qui leur permettent
d’accomplir leurs missions ”. Rien de nouveau, donc, sous le soleil et aucune
raison de se féliciter puisque cet article n’a pas apporté la moindre
protection à la libéralisation des services publics des Etats membres de
l’Union : transport ferroviaire, transport aérien, services postaux,
télécommunications, énergie...
Et, comme dans le Traité instituant la Communauté Européenne (TCE), cet article
soumet les SIEG à deux autres articles qui en fixent aussitôt les limites
étroites. Dans le projet de Constitution, il s’agit des articles
III-166 et III-167 qui reprennent intégralement les articles 86 et 87 du TCE. Ces deux
articles interdisent aux SIEG de bénéficier d’aides publiques qui “ faussent ou
qui menacent de fausser la concurrence ” et les soumettent aux règles de la
concurrence. C’est ces deux articles qui ont servi de
point d’appui à l’offensive continue contre les services publics des Etats
membres depuis plus de dix ans.
Le projet de Constitution par son absence de définition des “ services publics
” et par la soumission à la concurrence qu’il impose aux SIEG ne présente,
contrairement à ce qu’affirment les partisans du projet de Constitution, aucune
garantie contre l’un des aspects les plus négatifs de la directive
Bolkestein : son attaque en règle contre les services publics.
Pire, l’article III-48 encourage la libéralisation des services : “ Les
Etats-membres s’efforcent de procéder à la libéralisation des services au-delà
de la mesure qui est obligatoire... ” !
Certains d’ailleurs ne s’y sont pas trompés :
Ernest-Antoine
Seillière, président du Medef(SIC !)
L'acquis social doit céder le pas devant
la nécessité économique...
La Constitution est un progrès pour une économie plus flexible et
pour un Etat allégé. Elle bénéficiera aux entreprises.
Depuis longtemps
les entreprise sont dans l’attente d’une libéralisation de ce secteur laquelle
est déjà bien avancée.
Cahier
de politique économique" n°13 de l'OCDE
Si l'on diminue les
dépenses de fonctionnement, il faut veiller à ne pas diminuer la quantité de
service, quitte à ce que la qualité baisse. On peut réduire, par exemple, les crédits de
fonctionnement aux écoles et aux universités, mais il serait
dangereux de restreindre le nombre d'élèves ou d'étudiants. Les familles
réagiront violemment à un refus d'inscription de leurs enfants, mais non à une
baisse graduelle de la qualité de l'enseignement. Cela se fait au
coup par coup, dans une école et non dans un établissement voisin, de telle
sorte qu'on évite un mécontentement général de la population.
Le marché
de l’enseignement Raoul Marc Jennar en 2003
l’éducation n’est plus un
droit assuré par un service, ce n’est plus qu’un marché qu’il faut
impérativement ouvrir à la concurrence. La grande ambition inscrite dans les
textes les plus fondamentaux sur le droit pour tous au savoir est reléguée aux
oubliettes. Mme Viviane Reding, commissaire européenne à l’éducation et à la
culture l’affirmait dans un récent article : « il faut rendre nos universités
compétitives sur le marché mondial de l’enseignement supérieur]» Elle faisait ainsi écho à une
déclaration du représentant de l’Union européenne auprès de l’OMC affirmant, en
juin 2000, « l’éducation et la santé sont mûres pour la libéralisation. »
dans Le traité constitutionnel
et l’éducation le Collectif havrais pour le NON A LA CONSTITUTION
EUROPEENNE relève que « C’est toute une conception du système éducatif qui
est en cause : s’agit-il de former des citoyens ou de futurs salariés
précaires ? », que « tout concorde à mettre l’éducation
nationale au service du marché et de la libre concurrence. »
et que « La raison d’être des services dont il est question dans ce traité
n’est plus la réponse aux besoins des populations. Ces services sont tenus de
présenter un intérêt économique et sont astreints à la compétitivité et à la
rentabilité. ».
S’en suit une analyse des articles concernant
l’éducation. Par exemple :
Article II-74
« 1/ Toute personne a droit à l’éducation
ainsi qu’à l’accès à la formation professionnelle et continue. »
« 2/ Ce droit comporte la faculté de suivre
gratuitement l’enseignement obligatoire. »
« 3/La liberté de créer des établissements
d’enseignement dans le respect des principes démocratiques ainsi que le droit
des parents d’assurer l’éducation et l’enseignement de leurs enfants
conformément à leurs convictions religieuses, philosophiques et pédagogiques
sont respectés selon les lois nationales qui en régissent l’exercice. »
Seul
l’enseignement obligatoire étant gratuit, c’est donc la porte ouverte à la privatisation de l’enseignement supérieur prévu d’ailleurs par le même article dans La liberté de
créer des établissements d’enseignement.
Que cette directive soit inacceptable en l’état,
même notre président fait mine de le découvrir maintenant. Qu’elle ne soit pas
d’ors et déjà acceptée est un autre débat.
Raoul Marc JENNAR reprend dans Quelques
vérités sur Bolkestein l’historique de cette directive :
-
Adoption à Lisbonne par les chefs d’état, dont le
couple Chirac Jospin, d’une stratégie pour faire de l’Europe « l’économie
la plus compétitive du monde. ».
-
Adoption par
le parlement le 13 février 2003 d’une résolution dont : - au point
35, il « se félicite des propositions visant à créer un instrument
horizontal pour garantir la libre circulation des services sous forme de
reconnaissance mutuelle. » - au point 39, il considère que « les
principes du pays d’origine et de la reconnaissance mutuelle sont essentiels à
l’achèvement du marché intérieur des biens et des services » votée par
une majorité dont des solialistes (Catherine Lalumière, Michel Rocard, Martine
Roure, …) et des écologistes (Gérard Onesta, Yves Piétrasanta).
-
Adoptée le 13 janvier 2004 par la commission européenne
(dont Michel Barnier UMP).
-
Passe sans encombre en examen intergouvernemental
-
Est confortée par les chefs d’état (dont
Jacques Chirac) lors du Sommet européen
des 25 et 26 mars 2004, à Bruxelles qui adoptent un texte dans lequel on peut
lire, à propos de la stratégie de Lisbonne : « Dans le secteur des services, qui demeure fortement
fragmenté, une concurrence accrue s’impose pour améliorer l’efficacité,
accroître la production et l’emploi et servir les intérêts des consommateurs.
L’examen du projet de directive sur les services
doit être une priorité absolue et respecter le calendrier envisagé. »
-
Une audition d’experts est organisée au Parlement
européen le 11 novembre ; à la demande de Mme Patrie et du Groupe de
la Gauche Unitaire Européenne (dont Raoul Marc JENNAR. Il se dégage de
la majorité des interventions que cette directive va provoquer la plus
formidable insécurité juridique, qu’elle rend inopérante la directive existante
sur le détachement des travailleurs, qu’elle compromet gravement la Convention
Rome I (respect du droit du pays dans lequel le travailleur exerce son
activité), qu’elle ruine toute possibilité pour les Etats qui organisent un
système de couverture des soins de santé de pouvoir maintenir une telle
politique, qu’elle consacre, à l’instar du traité constitutionnel européen,
l’abandon de la technique de l’harmonisation comme instrument prioritaire de
l’intégration européenne.
-
La Commission européenne rejette en bloc toutes ces
observations.
-
Lors du Conseil des Ministres chargé des questions
de compétitivité les 25-26 novembre 2004, « la proposition de directive
fait l’objet d’un accueil globalement favorable par les Etats membres. »
La France indique qu’elle ne s’oppose pas à
l’application du principe du pays d’origine.
-
M. Barroso déclare le 2 février 2005,
que « la libéralisation des services est la
première de ses priorités. » Il précise que son programme
constitue « une rupture claire avec la
pensée européenne d’un passé récent quand les préoccupations environnementales
et l’amélioration des droits des travailleurs recevaient la même priorité que
la nécessité de générer de la croissance. » (sic)
Raoul Marc JENNAR remarque enfin
judicieusement que : « Les prises de position tonitruantes
des autorités françaises n’ont pour seul but que de repousser l’examen de la
proposition Bolkestein après le référendum. Elles ont pour effet que cet examen n’aura plus lieu sous une présidence
luxembourgeoise favorable à des amendements significatifs du texte, mais sous une
présidence britannique très attachée au texte initial. »
La directive Bolkestein est l’aboutissement d’un long processus
historique qui a impliqué tous les gouvernements .
Les socialistes dans leur argumentation en faveur
du oui mette en avant le fait que le TCE constituerait un rempart contre Bolkestein.
(Pourquoi le traité
est un rempart contre les dérives libérales type Bolkestein).Il
suffit de s’intéresser un tant soit peu au sujet pour s’apercevoir qu’il ont
perdu à la fois tout sens de la mesure et du ridicule. Voir à ce sujet sur
l’excellent site de l’urfig,
l’analyse qui en est faite dans Bolkestein :
La direction du PS trompe les Français où il est rappelé que le chef de file des députés
européens socialistes français, M. Bernard Poignant, est un grand défenseur de l’AGCS (voir sur son site).
On pourra noter dans Qui lit le
projet de constitution y trouve Bolkestein par Jean-Jacques Chavigné
que la directive Bolkestein trouve une sérieuse base juridique dans de
nombreux articles du projet de Constitution :
- L’article 1-3 alinéa 2 affirme, tout
d’abord que l’Union se fixe pour objectif " un marché intérieur où la
concurrence est libre et non faussée ".
-L’article 1-4 considère comme "
libertés fondamentales " : " La libre circulation des personnes,
des services, des marchandises et des capitaux, ainsi que la liberté
d’établissement...garanties par l’Union... "
Il relève que « C’est, en effet, au nom de
cet objectif, de la libre circulation des services et de la liberté
d’établissement que la directive Bolkestein va tenter de lever tous les
obstacles qui entravent ces " libertés " : les services publics,
les monopoles de Sécurité sociale, les droits du travail nationaux, la
protection des usagers et des consommateurs. »
L’article III-137 stipule :
" les restrictions à la liberté d’établissement des ressortissants d’un
Etat-membre sur le territoire d’un autre Etat membre sont interdites. "
Le projet de directive
Bolkestein tire toutes les conséquences de cet article. Pour faciliter la
circulation des services, il veut interdire tout obstacle administratif à
l’établissement des prestataires de services. Un prestataire de services serait
soumis uniquement à la loi de son pays d’origine et ne devrait donc plus se
conformer à des règlements et des exigences administratives nationaux
divergentes.
L’article III-144 précise "
les restrictions à la libre prestation des services à l’intérieur de l’Union
sont interdites à l’égard des ressortissants des Etats membres établis dans un
Etat membre autre que celui du destinataire de la prestation ".
Impossible, aussi, d’imposer (en
dehors de normes incontrôlables en matière de salaires minimum et de durée du
travail) à des entreprises de construction polonaises ou baltes, le respect des
conventions collectives ou tout simplement du droit du travail du pays
destinataires. Impossible, également, d’imposer à une entreprise de
construction slovaque ou lettone le respect des règles de sécurité pour les
échafaudages ou les chantiers de désamiantage...
L’article III-145 donne une
définition très large des " services " : " Aux fins de la
Constitution, sont considérés comme services, les prestations fournies
normalement contre rémunération ". Combinée à l’absence de définition des
services publics et aux restrictions apportées aux SIEG au nom de la
concurrence " libre et non faussée " dans le projet de Constitution,
cette définition extrêmement large des services offre un solide point d’appui à
l’entreprise de démolition des services publics orchestrée par la directive Bolkestein.
L’article III- 210
qui interdit toute harmonisation entre les droits du travail des Etats-membres
de l’Union.
En fait, ce projet de
directive arrive au moment opportun pour les libéraux : au moment où
entrent dans l’Union dix pays d’Europe centrale et orientale dont les droits du
travail et de protection des consommateurs sont nettement inférieurs à ceux de
l’Europe des quinze. C’est donc tout à fait sciemment que la directive Bolkestein
prend appui sur l’article III-210 pour organiser le dumping social entre les
dix et les quinze.
L’article III-209 précise sans la
moindre ambiguïté que c’est le " fonctionnement
du marché qui favorisera l’harmonisation des systèmes sociaux ".
C’est très exactement l’objectif de la directive Bolkestein : favoriser
l’harmonisation par le bas des systèmes sociaux en les mettant en concurrence
directe les uns avec les autres.
Raoul Marc JENNAR conclue dans Quelques
vérités sur Bolkestein « Cette proposition illustre par
anticipation les législations européennes futures une fois adopté le traité
constitutionnel. Elle constitue un exemple, parmi beaucoup d’autres, des efforts de
dérégulation proposés par la Commission européenne et soutenus par tous les
gouvernements »
Contrairement à ce que l’on cherche à nous faire accroire, la
directive Bolkestein est consubstantielle à la future constitution. Elle sera
appliquée d’une manière ou d’une autre.
Le 14 octobre 2004,
l’Assemblée nationale française a discuté, sans vote, de l’adhésion de la
Turquie à l’Union européenne.
Cette
décision a été mûrie de longue date dans les clubs qui regroupent les puissants
des 2 cotés de l’atlantique.
Elle est désormais irréversible
sauf à mettre en place les conditions de renégociation de l’Europe que l’on
veut.
Bush
ouvre à la Turquie la porte de l'Europe le Figaro 13/08/2002
Sans craindre
d'arriver comme un chien dans un jeu de quilles, les États-Unis ont pris hier la défense de
leur poulain turc à Copenhague. Alors que s'ouvrait le Conseil
européen des chefs d'État et de gouvernement consacré à l'élargissement de
l'Union, les
Américains ont engagé les Quinze à intégrer la Turquie le plus vite possible.
Ils leur ont demandé de répondre favorablement à la requête d'Ankara, qui
souhaite entamer dès 2003 des négociations.
Robert Badinter,
ancien ministre de la justice, ancien président du Conseil constitutionnel dans
un article
du Monde 22/10/04 et un autre du Figaro du
13/11/2004
M. Chirac s'était
indigné de ce que le président Bush se fasse le premier champion de l'entrée de
la Turquie dans l'UE. Il aurait été avisé de s'interroger plus avant sur cette
insistance, dont le premier motif n'était certes pas de renforcer l'Union
européenne, ni de contribuer à la naissance d'une Europe-puissance, ce projet
des Pères fondateurs dont, aujourd'hui, on nous invite à faire notre deuil.
Croyez-moi, si le
président George
W. Bush est le premier champion de l'entrée de la Turquie dans l'UE, ce n'est sûrement
pas pour voir émerger une Europe plus forte !
Si les chefs
d'État et de gouvernement choisissent d'ouvrir les négociations d'adhésion à la
Turquie lors du prochain Conseil européen [ce qui a été fait], cela signifiera
qu'inévitablement,
dans quelques années, la Turquie figurera parmi les États membres de l'Union.
Jamais depuis trente ans on n'a vu un candidat ne pas être reçu... Ceux qui
prétendent le contraire ne le font que pour atténuer dans l'opinion la portée
de l'acceptation de la candidature turque
Accepter la Turquie c’est
abdiquer toute vocation pour l’Europe à servir de contre modèle aux américains
C'est
dans la logique de cette constitution qui soumet les
Européens aux USA à travers l'Otan.
L'article I,41,2
stipule: «La politique de l'Union () respecte les obligations découlant du
traité de l'Atlantique Nord pour certains Etats membres qui considèrent que
leur défense commune est réalisée dans le cadre de l'Otan et elle est
compatible avec la politique commune de sécurité et de défense arrêtée dans ce
cadre.»
L'article I,41,7ajoute:
«Les engagements et la coopération dans ce domaine [en cas d'agression]
demeurent conformes aux engagements souscrits au sein de l'Otan qui reste, pour
les Etats qui en sont membres, le fondement de leur défense collective et
l'instance de sa mise en oeuvre.»
Pascal Lamy Commissaire
responsable pour le commerce de 1999 à 2004, a seulement deux
arguments pour l'admettre à l'Europe. « Nous
nous sommes engagés à son égard » ce qui évidemment n'a
aucune valeur.et ensuite: "Elle est devenue
une démocratie moderne". Cet argument à propos d’un pays où
la démocratie est bafouée tous les jours masque bien entendu de coupables
raisons qui ont bien été résumées dans cet article :
Jean-François
Bayart (ancien directeur du
Centre d'études et de recherches internationales -CERI-) in Le
Monde ici
, 24/4/2004
Plusieurs
arguments militent en faveur de l'ouverture des négociations en
décembre. : La vigueur d'une économie de marché forte de 65 millions de consommateurs,
reposant sur quelques groupes d'envergure internationale, sur un tissu de PME très
compétitives et sur une main-d'œuvre de qualité
procurerait à l'UE un potentiel de croissance d'autant plus aisé à
réaliser que le niveau des investissements directs étrangers reste très faible
à l'aune d'un pays émergent (0,75 % du PNB). Plus spécifiquement, Istanbul,
première ville du bassin méditerranéen, représente un pôle industriel et une plaque tournante
commerciale que l'UE aurait avantage à absorber.
Ce qu’a bien compris ce responsable UDF
Une Europe en voie
d'extension indéfinie serait une Europe en voie de dissolution. Élargie demain
à la Turquie, après-demain à la Russie, à l'Ukraine, au Maghreb, elle se réduirait
définitivement à une zone de libre-échange. L'UDF veut une Europe
défendant un modèle de société original qui porte haut et fort nos valeurs et
qui soit capable de parler d'égal à égal avec les États-Unis et la Chine.
Accepter la Turquie dans une
Europe où la concurrence est libre et non faussée c’est acter la victoire du
marché sur l’Europe sociale
A LIRE:
L'illusion
des droits fondamentaux dans la Constitution européenne par
Alain Lecourieux (membre du Conseil Scientifique d'Attac France)
Constitution européenne
et modèle social européen: analyse juridique d'une imposture politique de Serge
Regourd , Professeur de droit public à l'Université des sciences sociales
de Toulouse. (Résumé ci-après)
Coup d'état
idéologique en Europe d’Anne Robert (Le Monde diplomatique de novembre
2004)
Dire Non à la
constitution Européenne pour construire l’Europe de la fondation Copernic qui se
donne pour objectif de « remettre à l'endroit ce que le libéralisme
fait fonctionner à l'envers »
Il faut lire le projet
de constitution européenne de Robert Joumard (directeur de recherche
à l’INRETS)
ET AUSSI:
L’initiative
féministe européenne pour le non à la constitution qui dénonce l’orientation patriarcale et néolibérale de la
construction européenne
Au nom
des droits des femmes, Non à cette Europe là de la Commission Femmes, genre et mondialisation- ATTAC où il est démontré que la
Constitution ne satisfait pas les droits des femmes et ne répond pas à
l’exigence élémentaire d’égalité entre hommes et femmes.
Pourquoi le
projet de Constitution Européenne est-il un piège pour les femmes d'Europe
Centrale Et Orientale de Monika
Karbowska qui
analyse très finement en quoi «La Constitution
Européenne [est] un outil de destruction de droits des femmes en Europe Occidentale, notamment de leurs droits sociaux. »
L’illusion des droits fondamentaux
dans la Constitution européenne par Alain Lecourieux
La constitution
européenne est-elle "bonne pour l'environnement" par Jean-Marc Jancovici, expert en environnement faisant référence en
la matière (voir son site)
La
commission européenne : sur pouvoir et sous démocratie de Raoul Marc JENNAR qui
analyse comment « La construction
européenne, depuis une dizaine d’années, a pris une orientation qui échappe aux
aspirations citoyennes et au contrôle démocratique »
L’illusion
des droits fondamentaux dans la constitution européenne
Une politique
étrangère, de sécurité et de défense européenne soumise à l'Otan et à Washington
Anne
Cécile Robert
relève que "L’autoproclamation d’une Constitution européenne, même par
le subterfuge d’un traité international, masque donc une intention politique
liée au contenu ultralibéral du texte lui-même. Eu égard au caractère fondateur
d’une Constitution, imposer le mot sans la réalité, c’est vouloir imposer le libéralisme lui-même au mépris des règles
démocratiques de base."
« l’objet
essentiel d’une Constitution étant d’organiser les “pouvoirs publics” tout en
laissant les choix de fond au verdict des électeurs, le recours à un “traité
établissant une constitution” revient à tenter de court-circuiter la
souveraineté populaire pour imposer, par un acte solennel, les principes du
libéralisme économique. »
Dans Dire Non à la constitution Européenne pour
construire l’Europe de la fondation Copernic, on
retrouve ces 2 points :
« Une constitution
doit émaner d’une assemblée constituante. Ce n’est pas le cas ici.
Ajoutons qu’une assemblée constituante ne s’improvise pas. Elle doit s’appuyer
sur la souveraineté populaire pour trouver sa légitimité. Celle-ci ne se
décrète pas, elle se construit. Vu l’histoire de la construction européenne, cela suppose un débat démocratique prolongé,
impliquant profondément les peuples. »
« Enfin une constitution doit se borner à inscrire les valeurs communes, les principes fondateurs et à organiser
les institutions. Le projet de « constitution » adopté par les chefs
d’Etat et de gouvernement n’est pas du tout de cette nature. Il fixe dans le
détail toute sorte de choix politiques, sociaux, économiques. Choix qui
devraient pouvoir être modifiés lors d’un changement de majorité politique et
ne pourront plus l’être. »
Si les citoyens des différents pays
avaient contribué à définir les valeurs qui les unis, le contenu de cette
constitution serait tout autre
Serge
Regourd
relève: « Il est d’abord permis de s’interroger sur les vertus démocratiques d’un texte de 448
articles, d’un volume quinze fois supérieur au
texte de la Constitution Française, agrémenté de deux annexes, 36
protocoles, 39 déclarations, dont la complexité rédactionnelle décourage la
lecture, même diagonale, de l’honnête citoyen ordinaire. »
Jugeons du préambule et du 1er
article de quelques constitutions (Toutes les constitutions du monde ici)
constitution de 1793
Le peuple français, convaincu que l'oubli et le mépris des
droits naturels de l'homme sont les seules causes des malheurs du monde, a
résolu d'exposer, dans une déclaration solennelle, ces droits sacrés et
inaliénables, afin que tous les citoyens, pouvant comparer sans cesse les actes
du gouvernement avec le but de toute institution sociale, ne se laissent jamais
opprimer et avilir par la tyrannie ; afin que le peuple ait toujours devant les
yeux les bases de sa liberté et de son bonheur, le magistrat la règle de ses
devoirs, le législateur l'objet de sa mission.
En conséquence, il proclame, en présence de l'Être suprême, la déclaration
suivante des droits de l'homme et du citoyen :
Article premier.
Le but de la
société est le bonheur commun.
Le gouvernement
est institué pour garantir à l'homme la jouissance de ses droits naturels et
imprescriptibles.
Au lendemain de la victoire remportée par les
peuples libres sur les régimes qui ont tenté d'asservir et de dégrader la
personne humaine,
le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de
race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés.
Il réaffirme solennellement les droits et libertés de l'homme et du citoyen
consacrés par la Déclaration des droits de 1789 et les principes fondamentaux
reconnus par les lois de la République.
Il proclame, en outre, comme particulièrement nécessaires à notre temps, les
principes politiques, économiques et sociaux ci-après :
La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de
l'homme.
Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit
d'asile sur les territoires de la République.
Chacun a le devoir de travailler et le droit
d'obtenir un emploi. Nul ne peut être lésé, dans son travail ou son
emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances.
Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l'action syndicale et
adhérer au syndicat de son choix.
Le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent.
Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la
détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des
entreprises.
Tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères
d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la
propriété de la collectivité.
La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur
développement.
Elle garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs,
la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs.
Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de
la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit
d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence.
La Nation proclame la solidarité et l'égalité de tous les Français devant les
charges qui résultent des calamités nationales.
La Nation garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction, à
la formation professionnelle et à la culture. L'organisation de l'enseignement
public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l'État.
Article premier.
La France est
une République indivisible, laïque, démocratique et sociale.
Constitution
Européenne de 2004
Sa Majesté
le Roi des Belges, le Président de la République tchèque, Sa
Majesté la Reine de Danemark, le Président de la République fédérale
d'Allemagne, le Président de la République d'Estonie, le Président de la
République hellénique, Sa Majesté le Roi d'Espagne, le Président de la
République française, la Présidente d'Irlande, le Président de la République
italienne, le Président de la République de Chypre, la Présidente de la
République de Lettonie, le Président de la République de Lituanie, Son Altesse
royale le Grand-Duc de Luxembourg, le Président de la République de Hongrie, le
Président de Malte, Sa Majesté la Reine des Pays-Bas, le Président fédéral de
la République d'Autriche, le Président de la République de Pologne, le
Président de la République portugaise, le Président de la République de
Slovénie, le Président de la République slovaque, la Présidente de la
République de Finlande, le gouvernement du Royaume de Suède, Sa Majesté la
Reine du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord,
S'inspirant des héritages culturels, religieux et humanistes de l'Europe, à
partir desquels se sont développées les valeurs universelles que constituent
les droits inviolables et inaliénables de la personne humaine, ainsi que la
liberté, la démocratie, l'égalité et l'Etat de droit ;
Article1-1. Inspirée par la volonté des citoyens et des États d'Europe
de bâtir leur avenir commun, la
présente Constitution établit l'Union européenne, à laquelle les États membres
attribuent des compétences pour atteindre leurs objectifs communs.
L'Union coordonne les politiques des États membres
visant à atteindre ces objectifs et exerce sur le mode communautaire les
compétences qu'ils lui attribuent.
On constatera qu’on est
passé de 1793 à 2004 du peuple au roi et de la recherche du bonheur à
l’attribution de compétences : tout un symbole !
Citons également :
article 28 de la
constitution de 1793 :
Un peuple a toujours le droit de revoir,
de réformer et de changer sa Constitution. Une génération ne peut assujettir à
ses lois les générations futures.
Qu’il
suffit de comparer avec un article pris
au hasard dans la section III du TCE :
Article III-232
Lorsque, dans un État membre, un produit fait l'objet
d'une organisation nationale du marché ou de toute réglementation interne
d'effet équivalent affectant la position concurrentielle d'une production
similaire dans un autre État membre, une taxe compensatoire à l'entrée est
appliquée par les États membres à ce produit en provenance de l'État membre où
l'organisation ou la réglementation existe, à moins que cet État n'applique une
taxe compensatoire à la sortie. La Commission adopte des règlements ou
décisions européens fixant le montant de ces taxes dans la mesure nécessaire
pour rétablir l'équilibre Elle peut également autoriser le recours à d'autres
mesures dont elle définit les conditions et modalités.
Ou
a celui-ci :
Article III-436.2
Le Conseil, sur proposition de la Commission, peut
adopter à l’unanimité une décision européenne modifiant la liste du 15 avril
1958 des produits auxquels les dispositions du paragraphe 1, point b),
s’appliquent. » Paragraphe 1 b) : « Tout État membre peut
prendre les mesures qu’il estime nécessaires à la protection des intérêts
essentiels de sa sécurité et qui se rapportent à la production ou au commerce
d’armes, de munitions et de matériel de guerre ; ces mesures ne doivent
pas altérer les conditions de la concurrence dans le marché intérieur en ce qui
concerne les produits non destinés à des fins spécifiquement militaires. »
Pour
constater que le niveau de langage n’est pas le même.
Le TCE énonce (en ‘Partie I’) les valeurs
communes aux Etats membres fondant l’Union et intègre (en ‘Partie II’) la Charte des
Droits fondamentaux de l’Union qui nourrissent aujourd’hui la plupart des
discours en faveur du traité. Mais quelle valeur leur attache-t-il ?
La portée juridique des droits fondamentaux se trouve annihilée par
plusieurs dispositions complémentaires entre elles.
Les droits sont tout d’abord soumis à interprétation du praesidium
C’est annoncé dans
le préambule de la charte : « la
charte sera interprétée en prenant dûment en considération les explications
établies sous l’autorité du Praesidium de la Convention ».
Le praesidium était composé du Président de la Convention, Valéry Giscard
d’Estaing et d’un représentant par Etat. Pour trouver ces explications, il
faut aller fouiller dans les dizaines d’annexes qui accompagnent le projet de
Constitution. Le diable se nichant souvent dans les détails et les personnes ayant rédigé ces
interprétations ne pouvant être suspectées d’humanisme éclairé le voyage
semblait mériter le détour. Jugez-en :
L’article II.62. indique que « Toute personne
a droit à la vie » (inspiré d’ailleurs directement par les lobbies
anti-avortement pour leurs combats futurs) et que « Nul ne peut être
condamné à la peine de mort, ni exécuté » mais les explications du
Præsidium indiquent que « La
mort n’est pas infligée en violation de cet article dans les cas où elle
résulterait d’un recours à la force rendu nécessaire :a) Pour assurer la
défense de toute personne contre la violence illégale, b) Pour effectuer une arrestation régulière.,
c) Pour réprimer conformément à la loi, une émeute
ou une insurrection » « Un État peut prévoir dans sa
législation la peine de mort pour des actes commis en temps de guerre ou de
danger imminent de guerre ; une telle peine ne sera appliquée que dans les cas
prévus par cette législation et conformément à ses dispositions...».
Une
police tirant à balles réelles sur des fuyards ou des émeutiers, un état
exécutant des déserteurs ou des militants pacifistes respecteraient les valeurs
affichées par l’union !!!.
L’article
II.66
stipule que. : "Toute personne a droit à la liberté et à la
sûreté". Mais les explications du præsidium donnent des exceptions
pour le moins étranges. : « Nul ne peut être privé de sa liberté,
sauf dans les cas suivants : … d) S’il s’agit de la détention régulière
d’une personne susceptible de propager une maladie contagieuse, d’un aliéné,
d’un alcoolique,
d’un toxicomane
ou d’un
vagabond.
Pénalisation
de la consommation de drogues, internement des fous et des malades, retour au
délit de vagabondage : c’est le
grand bond en arrière !!!
L’article
II.67.affirme : « Toute
personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et
de ses communications » Mais le præsidium fixe des limites :
« Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique [sauf si elle]
est nécessaire (...) au bien être économique du
pays, à la protection de la morale. »
Il
devient maintenant possible d’espionner l’individu au nom de la morale et du
bien être économique . C’est surréaliste !!!
L’article II-72 cite : « Toute personne a
droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association à tous
les niveaux, notamment dans les domaines politique, syndical et civique, ce qui
implique le droit de toute personne de fonder avec d’autres des syndicats et de
s’y affilier pour la défense de ses intérêts. » mais (accrochez-vous)
le præsidium précise « L’exercice de ces droits ne peut faire l’objet
d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des
mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à
la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la
protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et
libertés d’autrui. Le présent article n’interdit pas que des restrictions
légitimes soient imposées à l’exercice de ces droits par les membres des forces
armées, de la police ou de l’administration de l’État. »
Toute
réunion ou association y compris politique et syndicale peut être interdite au
nom de la morale, de la sécurité nationale, de la sûreté publique ou de la
défense de l’ordre. C’est beau comme du Pinochet !
L’article
II-81
stipule : « "Est interdite toute discrimination fondée
notamment sur le sexe, la race, la couleur, les origines ethniques ou sociales,
les caractéristiques, la langue, la religion ou les convictions (...)"
Après cet élan humaniste, retour aux durs réalités grâce au præsidium qui
explique : « le paragraphe ci-dessus ne confère aucune compétence
pour adopter des lois anti-discrimination dans ces domaines ».
Traduction :
il serait dommageable pour le fonctionnement du marché que des lois
anti-discriminations voient le jour !
puis détachés de toute
contrainte à charge de l’union
Article II-111 : Champ d’application : La présente
charte n’étend pas le champ d’application du droit de l’Union ni ne crée aucune
compétence ni aucune tâche nouvelles pour l’union. ..
C’est la clé de la
charte puisque cet article assure aux états que cette charte n’est là que pour
le décor et qu’elle ne crée aucune compétence nouvelle (pour les traduire
législativement et les contrôler judiciairement notamment), ce que s’empresse
de confirmer le præsidium : « le paragraphe 2 confirme que la
charte ne peut avoir pour effet d’étendre les compétences et tâches conférées à
l’Union. » On ne saurait être plus cynique.
La constitution organise elle-même l’impossibilité de mettre en œuvre les droits qu’elle
cite
puis soumis
à toutes les autres dispositions de la
constitution
Article II-112.2 : Les droits reconnus par la présente Charte
qui font l’objet de dispositions dans d’autres parties de la Constitution s’exercent dans des conditions et limites y définies..
Ce qui veut
dire, en langage courant, que les droits sont subordonnés dans leur exercice
aux conditions et limites fixées par toutes les autres dispositions de la
Constitution. On ne saurait marquer plus clairement la subordination
de l’être humain aux marchandises, services et capitaux.
ainsi qu’aux traditions
des états membres
Article II-112.4 : Dans la mesure où la présente Charte reconnaît des droits
fondamentaux tels qu’ils résultent des traditions constitutionnelles communes
aux Etats membres, ces droits doivent être interprétés en harmonie avec
lesdites traditions.
Ainsi, à titre d’exemple, le
principe de ‘Dignité humaine’ de l’Article II-61 : ‘Dignité humaine. La
dignité humaine est inviolable. Elle doit être respectée et protégée’,
devra être interprété en harmonie avec les traditions du pays concerné ! Chacun pourra se référer à ce qu’il
connaît des traditions de respect de la dignité humaine dans certains pays
européens pour mesurer combien l’article II-112.4 limite l’exercice de ce droit
fondamental.
Avant
d’être rendus facultatifs et non invocables en justice
Article II-112.5 : ‘Les dispositions de la présente Charte
qui contiennent des principes peuvent
être mises en œuvre par des actes législatifs et exécutifs pris par les
institutions, organes et organismes de l’Union, et par des actes des Etats
membres lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union, dans l’exercice de
leurs compétences respectives. Leur invocation devant le juge n’est admise
que pour l’interprétation et le contrôle de tels actes’.
Ultime protection : aucun état, pas plus que
l'union, n'est obligé de traduire ces fameux droits de la Charte des droits
fondamentaux par des actes législatifs et aucun citoyen ne pourra en invoquer
le manque devant un juge :
Dans
Constitution européenne et modèle social
européen: analyse juridique d'une imposture politique Serge
Regourd (professeur de droit public à l'Université des sciences sociales de
Toulouse) se livre à une analyse juridique très poussée dans laquelle il relève
que :
Serge Regourd
la Charte paraît constituer un leurre juridique, n’ayant d’autre fonction que
de conférer un supplément d’âme symbolique à une réalité qui en manque
cruellement. D’ailleurs après que l’article I. 9 ait indiqué que « l’Union
adhère à la Convention Européenne de sauvegarde des droits de l’homme »
mais que cette adhésion « ne modifie pas les compétences de l’Union telles
qu’elles sont définies dans la Constitution », l’article II. 111-2 précise
clairement que « la présente charte ne crée
aucune compétence ni aucune tâche nouvelle pour
l’Union »… L’article II. 112-2 ajoute que « les droits
reconnus par la présente charte » s’exercent dans « les conditions et
limites » définies par les autres parties de la Constitution […] au-delà du leurre, c’est bien d’une
régression qu’il s’agit quant à la conception des droits et libertés en cause.
Selon le modèle du Préambule de la Constitution de 1946 en France, conforme à
cet égard à la conception qui a fondé la Déclaration universelle des Droits de
l’Homme de 1948, les droits consacrés en matière sociale correspondent à une
conception des « droits-créances », traités comme des prestations, des garanties que
la puissance publique doit assurer à ses citoyens, créances
précisément constitutives de « l’Etat-providence », et opposées à une
conception libérale des droits conçus comme simples facultés individuelles
reconnues aux individus que la puissance publique doit respecter. Or, il est à
cet égard symptomatique que dans la charte, nombre de droits à incidence
sociale soit précisément présentés à partir de la formule : « L’Union
reconnaît et respecte » (par exemple : le droit des personnes âgées à
mener une vie digne…-art. II. 85-, idem art II. 86 pour les personnes
handicapées…) qui
n’exprime aucune garantie à la charge de la puissance publique.
La charte des droits fondamentaux est un leurre
destiné à vendre un texte invendable
Article I-47 4 : Des citoyens de
l’Union, au nombre d’un million au moins, ressortissants d’un nombre
significatif d’Etats membres, peuvent prendre l’initiative d’inviter la
Commission, dans le cadre de ses attributions, à soumettre une proposition
appropriée sur des questions pour lesquelles ces citoyens considèrent qu’un
acte juridique de l’Union est nécessaire aux fins de l’application de la Constitution [ … ]’.
Serge Regourd
Le rôle prévalent de la Commission s’exerce
également à l’encontre de cette autre prétendue formidable « avancée
démocratique » que constituerait le droit de
pétition (Article I. 47-4). Certes un million, au moins, de citoyens
ressortissants d’un nombre significatif d’Etats
membres, peuvent exercer ce droit de pétition, mais celui-ci
consiste seulement à « inviter la Commission à soumettre une proposition
appropriée… aux fins de l’application de la Constitution » !... D’une
part, il ne s’agit que d’une
« invitation » à l’égard de laquelle la Commission
conserve un pouvoir discrétionnaire, d’autre part et surtout, dans l’hypothèse
la plus favorable où une telle invitation produirait effet, ce ne peut être que pour conforter l’application de la
Constitution telle qu’elle est, et évidemment pas pour
l’infléchir…
Serge Regourd
le projet de Constitution (art I. 26-2) réaffirme
le principe du monopole de l’initiative législative au profit de la Commission,
l’organe intégré, expression de ce pouvoir technocratique si souvent
dénoncé : « Un acte législatif de l’Union ne peut être adopté que sur
proposition de la Commission […] le cœur de la
« gouvernance » selon l’expression à la mode européenne, reste plus
que jamais la Commission, dépourvue de toute légitimité
démocratique.
Le Parlement ne peut émettre de projet de loi. Il peut seulement présenter des demandes laissées
au bon vouloir de la Commission :
Article III-332 : ‘ Le Parlement européen peut, à la majorité des membres qui le composent, demander à la Commission de soumettre toute proposition appropriée sur les questions qui lui paraissent nécessiter l’élaboration d’un acte de l’Union pour la mise en œuvre de la Constitution. Si la Commission ne soumet pas de proposition, elle en communique les raisons au Parlement européen’.
Seule la commission a l’initiative des lois
Article I-34 Les actes législatifs :1. Les lois et
lois-cadres européennes sont adoptées, sur proposition de la Commission,
conjointement par le Parlement européen et le Conseil conformément à la
procédure législative ordinaire visée à l'article III-396. Si les deux
institutions ne parviennent pas à un accord, l'acte en question n'est pas
adopté.
Cela
veut dire que ni le parlement, ni le conseil des ministres ne peuvent le
faire. Ce sont pourtant les seuls organes européens qui représentent
directement ou indirectement les citoyens.
La commission dispose de plus d’un droit de veto sur les votes du
parlement
Article
III-396 1. Lorsque, en vertu de la Constitution,
les lois ou lois-cadres européennes sont adoptées selon la procédure
législative ordinaire, les dispositions ci-après sont applicables.
2. La Commission présente une proposition au Parlement européen et au Conseil.
3. Le Parlement européen arrête sa position en première lecture et la transmet
au Conseil.
4. Si le Conseil approuve la position du Parlement européen, l'acte concerné
est adopté dans la formulation qui correspond à la position du Parlement.
De plus :
Le Conseil européen et le Conseil des Ministres ne sont pas censurables.
La Commission est formée de personnalités choisies
et ne peut être censurée qu’à la double majorité des membres du
parlement et des deux tiers des suffrages exprimés.
Serge Regourd
La Commission dispose, par ailleurs, d’un pouvoir de blocage comparable s’agissant des
« coopérations renforcées » que pourraient vouloir mettre en œuvre un
tiers au moins des Etats membres (articles I. 44 et III. 419)
Les états s’engagent à ne pas mettre en œuvre de politique contraire
aux objectifs de l’union
Article III-199 Le Conseil des
ministres adopte des décisions européennes qui définissent la position de
l'Union sur une question particulière de nature géographique ou thématique. Les États membres veillent à la conformité de leurs
politiques nationales avec les positions de l'Union.
Les citoyens
européens pourront-ils élire un gouvernement dont le programme ne serait pas
conforme aux règles du traité ? Non puisqu’il serait condamné par la
constitution à trahir son programme.
La constitution sera-t-elle modifiable ?
l’argument selon lequel depuis le traité de Rome,
tous les traités européens ont été conclus avec une clause de révision à
l’unanimité, ne peut être défendu pour les raisons suivantes :
- 6 pays étaient signataires du traité de Rome, 9,
12 puis 15 pour les suivants. On a pu mesurer au fil de l’augmentation du
nombre des signataires, les inconvénients d’une telle règle,
- 10 nouveaux pays sont entrés depuis dans l’Union
et leurs intérêts, phénomène nouveau, s’opposent globalement à ceux des pays
fondateurs.(Ceci est très important et il ne faut pas oublier Mr Barroso qui
lors du débat sur Bolkestein avertissaient les pays nantis qu’ils ne pouvaient
escompter se protéger contre les attentes légitimes des nouveaux entrants),
- Il ne s’agit pas ici d’un traité, mais de la reprise
de l’ensemble des traités antérieurs dans un acte visant à ‘établir une
Constitution pour l’Europe’
- et s’agissant du traité constitutionnel, c’est la
règle de la triple unanimité qui devra s’appliquer.
La
constitution pourra-t-elle être amendée ? Non puisqu’il faudrait une
triple unanimité : celle d’une convention qui réunirait un représentant de
chaque état puis celle des gouvernements appelés à la valider puis celle liée à
sa ratification par la totalité des états membres par voix parlementaire ou de
référendum
S’agissant du même processus que celui
en oeuvre pour l’établir, il suffit de constater ce qui se passe actuellement
pour savoir que ce n’est pas si simple que certain voudraient le faire croire.
Soyons sur que si par malheur elle devait passer, ses tenants, échaudés par le
peu d’enthousiasme des peuples pour plébisciter leurs projets se garderaient
bien de leur en proposer un nouveau de sitôt. Le coloriage de cette
constitution en social promis par François Hollande pour 2007 s’il revient au
pouvoir relève au choix d’un mensonge éhonté ou du grave délire d’un esprit
perturbé.
Aucune
constitution au monde n’est verrouillée de la sorte.
Voter pour une telle constitution serait
un suicide
Pour
comprendre comment l’Europe a peu à peu pris l’habitude de se couper des
citoyens, on pourra lire également l’enquête sur l’état de la démocratie
menée en Norvège sur l'état de la démocratie et qui décrypte les mécanismes qui
ont mené là bas mais partout en Europe également à la « rupture du lien démocratique qui place l'exercice du
pouvoir sous le contrôle des électeurs ». Cette
article relève notamment que « Le déficit démocratique ne provient donc
pas de la délégation du pouvoir législatif à une instance supérieure (l’Europe),
mais de l'absence
d'assise démocratique des institutions auxquelles est délégué ce pouvoir »
Ce n’est donc pas l’Europe qui est en cause mais cette Europe-ci.
Le TCE dénie lui-même certains des
droits fondamentaux qu’il affiche puisque
alors que l’article II-80 proclame ‘Toutes
les personnes sont égales en droit’, et que l’article II-81 édicte ‘toute
discrimination exercée en raison de la nationalité est interdite’,
l’article
I–10.1
énonce : ‘Toute personne ayant la nationalité d’un Etat membre possède la
citoyenneté de l’Union’. Excluant de fait de la citoyenneté
les 11 millions d’étrangers résidant en Europe.
Dans Ce traité, une avancée sociale
de Etienne Adam :
« Il
[le droit au travail] est défini par des textes comme le préambule de la
constitution française « art 5: chacun a le droit d'obtenir un emploi ».
La charte sociale européenne de 1961 veut assurer « l'exercice effectif du
droit au travail ». Dans le traité on ne trouve, dans la partie libertés,
que l'art II-75 : « toute personne a le droit de travailler et d'exercer une
profession librement choisie et acceptée ». On voit bien le glissement du
droit au travail (garanti et assuré par la société) à la liberté de travailler qui est l'interdiction du travail forcé. En
conséquence, jusqu'en 1989 le droit à une indemnisation chômage est
prévu : Art. 11 :« Tout être humain qui en raison de la situation
économique se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la
collectivité des moyens convenables d'existence » (Constitution de 1946),
elle doit même être suffisante.Titre I, 10 : « Les personnes exclues du
marché du travail [...] doivent pouvoir bénéficier de prestations et de
ressources suffisantes. » (Charte des droits sociaux fondamentaux de 1989.)
Ce droit à un revenu de
remplacement disparaît dans le traité qui se contente d'avaliser ce qui se fait dans les
différents pays: Titre IV, art II 94 : Sécurité sociale et aide sociale « 1. l'Union
reconnaît et respecte le droit d'accès aux prestations de sécurité sociale et
aux services sociaux assurant une protection [...] en cas de perte d'emploi,
selon les règles établies par le droit de l'Union et les législations et
pratiques nationales. ». »
« Art. II-34 §3 : (…) Afin de
lutter contre l’exclusion sociale et la pauvreté, l’Union
reconnaît et respecte le droit à une aide sociale et à une aide au logement. » Seul le droit à l’aide au
logement est reconnu
ce qui représente un recul sur la Déclaration universelle des droits de l’homme
qui, en 1948, proclamait : « Toute personne
a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé,
son bien-être et celui de sa famille, notamment pour l’alimentation,
l’habillement, le logement, les soins médicaux
ainsi que pour les services sociaux nécessaires » (article 25. 1).
Ni le droit au travail, ni le droit au logement pourtant fondateurs
de la dignité humaine ne sont plus garantis par cette constitution !
Elle
a fait l’objet d’une bataille féroce perdue par les tenants de la séparation
nette de l’état et de la religion.
En
cause notamment l’article 51 :
Article
51 : Statut des églises et des organisations
non confessionnelles
1.
L’Union respecte et ne préjuge pas du statut dont bénéficient, en vertu du
droit national, les églises et les
associations
ou communautés religieuses dans les Etats membres.
2.
L’Union respecte également le statut des organisations philosophiques non
confessionnelles.
3.
Reconnaissant leur identité et leur contribution spécifique, l’Union maintient
un dialogue ouvert,
transparent
et régulier, avec ces églises et organisations.
Qui a fait l’objet des critiques
suivantes :
1. L'Eglise catholique
entretient des relations diplomatiques avec chacun des pays de l'Union au même
titre que la Chine, l'Iraq ou les USA, et son nonce apostolique auprès de
l'Union représente les intérêts du Saint Siège. En même temps, l'article 51
cherche à obtenir pour l'Eglise un statut de société civile européenne.
2. L'article 51 garantit à l'Eglise catholique des exemptions en matière de
législation du travail qui contredisent le principe de non-discrimination.
3. L'article 51 garantit à l'Eglise un droit de consultation pré-législative.
Pour le moment elle est consultée sans que cela soit pour autant une obligation
de la part des institutions européennes.
William Gasparini maître de conférences à l’Université Marc
Bloch, membre du Conseil scientifique d’Attac in Dans services publics et laïcité des
institutions : les dommages collatéraux d’une Constitution contestée
D’inspiration clairement anglo-saxonne, l’article
II-70 de ce Traité garantit la liberté de religion (préférée à la liberté de conscience)
et autorise son expression par l’enseignement, les rites, tant dans l’espace public que privé.
Aucune
restriction ne s’applique aux représentants des institutions et rien
n’interdirait demain, dans l’hypothèse d’une ratification, à tel ou tel investi
d’une fonction, de condamner publiquement au nom de ses valeurs religieuses
l’avortement, le contenu d’un enseignement, voire la loi sur l’interdiction des
signes religieux à l’école récemment adoptée en France. Ainsi, le rejet de R.
Buttiglione n’est pas une victoire prometteuse de la laïcité qu’aucun article
ne garantit par ailleurs, mais, comme l’écrit (candidement) B. Poignant,
président de la délégation socialiste française au Parlement européen : la
punition « par les protestants, anglicans du péché d’arrogance, du
catholicisme qui se prétend tout le christianisme ». Pauvre victoire en
vérité qui prépare d’autres déconvenues et nous dessine une société où le communautarisme s’insinue
dans les failles ouvertes par ce texte.
L’église
ne s’y est d’ailleurs pas trompée :
Mgr Hippolyte Simon, archevêque de
Clermont et vice-président de la Commission des épiscopats de la Communauté
européenne Nous
décentrer de nos replis gaulois et prendre de la hauteur":
Certes, le traité constitutionnel ne parle pas
explicitement des racines chrétiennes. Mais il en parle implicitement puisqu’il
est fait mention des racines religieuses de l’Europe, non seulement dans le
préambule mais aussi dans l’article 52. Sur ce point encore, ce traité est donc
un progrès par rapport à celui de 2000. Et puis, à partir du moment où les Églises sont
pleinement reconnues comme partenaires de l’Union qui « promet d’entretenir un
dialogue ouvert, transparent et régulier » avec elles, il n’y a pas
lieu de s’enfermer dans des regrets.
Voir
également le texte
de Jean Paul II appelant à une constitution européenne en juin 2002
Les églises
deviennent des partenaires de l’union européenne
Monika
Karbowska remarque que « L'égalité entre les femmes et les hommes ne fait pas partie des
valeurs qui fondent l'Union », ni le « droit à l'avortement et à la contraception » et que
« Se marier et fonder une famille sont des droits garantis dans l'article
II-69 mais pas le droit de divorcer. » et note que les « femmes étrangères ou
immigrées » étant exclues de la citoyenneté européenne comme toute personne
n’ayant pas la nationalité d’un état membre (article I–10 ) elles « [resteront]
soumises aux traditions oppressives de leur pays d'origine ».
Cette
article relève également que les femmes seront les 1ères victimes d’une logique
« qui accordent
la suprématie à la ‘compétitivité de l'économie’ par rapport à ‘l'amélioration
des conditions de vie et de travail’ (article III-209) » et note : « Les
délocalisations touchent des secteurs très féminins, comme l'électronique, le
textile, les centres d'appel»
Par ailleurs les filières de la prostitution seront favorisées par
le fait que « Les restrictions aux mouvements de capitaux sont
interdites (articles III-156 et 157) et rendent incontrôlable le blanchiment
dans les paradis fiscaux de l'argent du trafic et de la prostitution. »
Il est noté que « La Convention qui a établi le projet de
TCE s'est illustrée par sa composition très masculine ».,que la parité n’est pas citée et notamment pas dans l’article I-46
qui défini le principe de démocratie représentative.
Le principe
de laïcité n’ayant pas droit de citer et les Eglises et les communautés
religieuses étant reconnues comme interlocutrices régulières (article I-52),
l’article note que cela peut amener « une menace
croissante contre les droits acquis comme la contraception, l'avortement »
L’association
Janusz
KORCZAK qui
milite pour le respect de l’enfant est l’une des seules à avoir étudier
l’impact de laconstitution de ce point de vue. Dans La future constitution européenne réduit les
droits de l’enfant ! elle note que la constitution est en
recul par rapport aux traités précédents de l'Union Européenne sur
la question des droits de l’enfant. :
·
L’absence de toute référence à la Convention
Internationale relative aux Droits de
l’Enfant
(CIDE) ou à la Convention Européenne
sur l’Exercice des Droits de l’Enfant (CEEDE) dans le préambule de la
partie II, soulignée depuis longtemps par DEI-France.
La CIDE avait pourtant été adoptée à l’unanimité à l’O.N.U le
20 novembre 1989 et elle a été ratifiée depuis par tous les pays du monde sauf,
à ce jour, deux (États-Unis et Somalie). La CEEDE avait été
ratifiée par la France le 4 juin 1996.
·
La formulation de l’article II-84 qui
propose une nouvelle version très réduite des droits reconnus
aux enfants, en 3
alinéas de six lignes qui prêteront à toutes les interprétations.
·
Les réserves et les recours quant aux
difficultés d’applications, qui sont les mêmes pour l’ensemble de la Charte des
droits de la Constitution. Aux réserves d’usages (respect des compétences et
tâches de l’Union et principe de subsidiarité, priorité aux traditions constitutionnelles et
des obligations internationales communes mais non pas particulières,
etc.), la charte sera interprétée « en prenant dûment en
considération les explications établies sous l’autorité du praesidium de la
Convention ».
Un praesidium dont la composition n’a absolument rien de démocratique.
Article II-88 : Droit de négociation et d’actions
collectives : Les travailleurs et les employeurs,
ou leurs organisations respectives, ont, conformément au droit de
l’Union et aux législations et pratiques nationales, le droit de
négocier et de conclure des conventions collectives aux niveaux appropriés et de
recourir, en cas de conflits d’intérêts, à des actions collectives pour
la défense de leurs intérêts, y compris la grève.
Ces droits historiquement acquis sont tout simplement abandonnés.
Cette constitution renie des droits acquis de haute lutte par nos
ancêtres
A
l’heure où de multiples questions surgissent quant à l’avenir de l’homme sur
cette terre voire l’avenir de la vie sur terre, il est un besoin urgent que
quelque part à travers le monde un autre modèle de société puisse rencontrer le
terreau nécessaire à son émergence. La constitution stérilise tout espoir que
quelque part en Europe un tel projet puisse émerger.
Jean-Marc Jancovici note les contradictions du texte qui
s’il cite dans ses valeurs, le développement
durable, la préservation, la protection
et l'amélioration de la qualité de l'environnement et l'utilisation prudente et
rationnelle des ressources se fixe dans le cadre d’une politique
libérale dont on sait le peu de cas qu’elle fait de ces valeurs un certain
nombre d'objectifs souvent beaucoup plus concrets et parfaitement antagonistes
ce qui donne dans le texte: une croissance économique
équilibrée, une économie sociale de marché hautement compétitive , une expansion de la consommation dans
l'Union, l’accroissement de la productivité de l'agriculture,
le développement de réseaux transeuropéens dans les secteurs des infrastructures
du transport..
Dominique
Bourg
professeur de philosophie à l'université de Troyes regrette pour sa part que la
Constitution fasse parfois se succéder des articles aux objectifs
contradictoires. " Vouloir favoriser à la fois la croissance économique et la
protection de l'environnement, c'est très sympathique, mais ce n'est pas
toujours conciliable, assure-t-il, Et le texte ne dit pas
comment trancher le cas échéant. " Le philosophe trouve par ailleurs
dommage que le principe d'information et de participation n'ait pas été ajouté
dans la section consacrée à la politique environnementale de l'Union aux côtés
des principes de précaution, de prévention et du pollueur-payeur.
Raphaël
Romi
professeur de droit à l'université de Nantes note que les principes exposés
semblent aller dans le bon sens mais que la Constitution européenne ne semble
pas modifier en profondeur le droit européen de l'environnement. " Si
la notion de développement durable est reprise de nombreuses fois dans le
texte, elle est malheureusement bien souvent dénuée
de force juridique, remarque Raphaël Romi, pour la simple
et bonne raison que le développement durable n'a
pas de définition juridique en tant que tel. " Celle
introduite par le texte constitutionnel est sans doute trop large pour être opposable
devant une juridiction. Elle lie en effet la croissance économique, la
stabilité des prix, une économie sociale de marché hautement compétitive, le
plein emploi et la protection de l'environnement.
Article III-239
Toute mesure
dans le domaine des prix et conditions de transport, adoptée dans le
cadre de la Constitution, doit tenir compte de la situation économique des
transporteurs.
Que fait cet article dans une constitution ? Certes, c’est un rescapé du traité de Rome.
Ça montre à l’évidence comment a été établi cette constitution. Pas d’assemblée
constituante... mais
une convention ouverte aux lobbies. Et le jour de cet article-là,
c’était le lobby des transporteurs routiers... et quand on connaît le poids des
transports dans la facture écologique…
article III-123
La politique agricole commune a pour but : a) d’accroître la
productivité de l’agriculture en développant le progrès technique,
en assurant le développement rationnel de la production agricole ainsi qu’un emploi optimum des
facteurs de production, notamment de la main d’oeuvre,..
Que fait cet article dans une constitution ? Le jour de cet article-là, c’était le lobby
des céréaliers et autres gros producteurs. Il n’y avait personne pour défendre
des valeurs comme l’entretien des paysages, la préservation des sols, la
solidarité avec les agriculteurs des autres pays.
Et
Jean-Marc Jancovici de conclure :
« On peut donc regretter que le présent
traité n'ait pas pris acte des travaux de nature scientifique intervenus entre
temps [depuis le traité de Rome],
qui montrent que de baser l'avenir sur le postulat d'une expansion indéfinie
est devenu un pari très risqué »
Par
élite il faut entendre ceux qui sont désignés ou élus pour influer sur le cours
des choses : hommes politiques, banquiers, grands patrons, responsables
syndicaux, intellectuels, … L’effet d’entraînement qu’elles possèdent est
important.
Ces
élites se rencontrent régulièrement, les individus sont chaleureux, se
tutoient, lisent les mêmes livres, mangent ensembles, parle des mêmes sujets et
en viennent à partager les mêmes objectifs. Cela amène un lissage des idées qu’en d’autres temps certains
avaient dénoncés sous le terme de « pensée
unique ». Leurs prises de position et leurs oppositions sont le
plus souvent posturales dans le but d’asseoir l’image qui leur sert au
renouvellement de leur mandat mais le sentiment qui prédomine chez eux est
celui d’appartenir à un même monde : celui des puissants. C’est l’effet Club.
Cela évoque ce que Fernand Braudel, Historien des civilisations analysait
dans Civilisation
matérielle, économie et capitalisme. Il y découpait la société en 3
étages : le rez-de-chaussée du clan ou de la famille, reste en deçà des
règles ; l'étage central qui regroupe les acteurs participant aux échanges
locaux, applique les règles, ce sont les citoyens; l'étage supérieur de la macroéconomie et la macropolitique
cherche à s'abstraire en permanence de l'application des règles, visant des
situations de rente, oligopole ou monopole. « Ainsi, les
tenants de la "grande-politique" cherchent constamment à s'abstraire des rudes exigences du
débat démocratique, dont ils prônent par ailleurs, à juste titre,
les vertus ».
Braudel nous dit qu’il est dans la nature de nos
société que les élites cherchent à s’abstraire des règles. Les enjeux
démocratiques consistent à ce que l’étage du milieu soit suffisamment fort pour
mettre en place des contre-pouvoirs efficaces.
On est au coeur de la problématique actuelle qui voit cette Europe
conçue et pilotée par des experts se détacher inexorablement des logiques
citoyennes et des principes qui fondent la démocratie.
Les élites sont le pouvoir, les citoyens
le contre pouvoir. Leurs intérêts sont antinomiques.
Il s’agit d’un des clubs les plus actifs et des plus
modérés sur l’Europe. Il se définit lui-même « mouvement
civique et un lieu de travail en commun pour les dirigeants d’entreprises, les
syndicalistes, les acteurs associatifs et politiques, les intellectuels et les
étudiants. Elle est devenue un interface entre la société et institutions
communautaires. » son conseil
d’administration est composé de Philippe Herzog, député européen,
ancien membre du parti communiste français, Jean-Christophe Le Duigou,
ancien directeur des impôts, dirigeant de la CGT, Jean Peyrelevade, ancien président du Crédit lyonnais, Michel
Rocard, premier ministre entre 1988 et 1991
et sa direction est composée de Jacky
FAYOLLE, Michèle Debonneuil, Claude FISCHER,
Jean GANDOIS, Philippe
HERZOG, Jean-Christophe
LE DUIGOU, Jacques
MAIRE, Francis
MER, Jean PEYRELEVADE, Franck RIBOUD,
Jean-François
TROGRLIC et son comité
de parrainage d’un mélange d’hommes politique de droite (Jérôme Monod,
le
big boss de l'Elysée qui tire les ficelles de la Chiraquie) et de gauche (Martine Aubry, Jacques Delors,
de journalistes (Alexandre Adler encore lui !), d’hommes de média (Pierre
Lescure), de syndicalistes, de sociologues (Edgar Morin, Alain
Touraine) et de beaucoup de grands patrons (Michel Edouard Leclerc, Francis
Mer, Serge Tchuruk, …)
On peut discerner les
intérêts en jeux lorsque, pendant que le groupe Politique
industrielle et service public propose de « Débattre et proposer
pour faire
évoluer le statut des Services d’Intérêt Général dans l’Union Européenne et la
doter d’une capacité de politiques industrielles », le
groupe Identité
d'entreprises européennes « cherche à apporter
une contribution pour que l’entreprise devienne un sujet reconnu dans le Traité
constitutionnel et soit promue comme un acteur essentiel de la société. »
et se demande « Comment promouvoir les entreprises porteuses de projets
d'intérêt communautaire et/ou acteurs pour des missions d'intérêt général
(exemples : formation
tout au long de la vie, environnement, réseaux de SIG, projets industriels
pilotes)? »
Pendant ce
temps le groupe
éducation propose ce genre d’analyse qui prépare l’université à la
concurrence internationale:
« l’Université
européenne est en crise, sur le déclin et en voie de paupérisation. Et cela
dans tous les Etats membres. La première raison est idéologique : l’attachement
viscéral des acteurs du système universitaire aux deux piliers, en
Europe, de l’aura universitaire – autonomie intellectuelle
et démocratisation
du savoir – leur interdisent d’imaginer qu’il est possible
à l’université européenne de tirer son épingle du jeu du mouvement
d’internationalisation et de compétition(de concurrence internationale) qui la
traverse. »
De toutes parts des lobbies agissent pour
livrer au marché les services publics.
Le lobby citoyen n’existe qu’au moment du
vote. Ne l’oublions pas !
« le
Traité de Rome de 1957, qui donna naissance au Marché Commun, a été pensé lors
des réunions du groupe Bilderberg » George McGhee, ancien ambassadeur américain en RFA
Ce groupe regroupe la crème de l’élite des 2 bords
de l’atlantique. On y retrouve des politiques, des banquiers mais aussi des
journalistes… Voici comment Libération en présentait le casting dans un article d’août 2003.
« Les
«privilégiés» de ce raout euroaméricain sont des hommes politiques de haut rang
(du numéro deux du Pentagone, Paul Wolfowitz, à Dominique de Villepin, ministre
français des Affaires étrangères, en passant par Valéry Giscard d'Estaing, président
de la Convention européenne) ; des patrons de multinationales (les PDG de
Thales, Axa, Nokia, Daimler Chrysler, Novartis...) ; des gouverneurs de banques
centrales (du Français Jean-Claude Trichet au Norvégien Svein Gjedrem) ; des
journalistes acceptant la règle de l'omerta (Newsweek, The Financial Times, La
Repubblica, The Economist, Nicolas Beytout pour Les Echos [rédacteur
en chef] ou Alexandre Adler
pour Le Figaro [Conseiller
éditorial]) ;
des têtes couronnées (l'Espagnol Juan Carlos, la reine Béatrix des Pays-Bas) ;
des Premiers ministres (le Danois Anders Fogh Rasmussen et le Portugais José Durao Barroso)
; des experts (le juge antiterroriste Bruguière, des membres de l'Ifri
Institut français des relations internationales ou de la Brookings
Institution, un centre de recherches de Washington). »
On peut consulter ici la liste des participants en 2003 et donc rajouter Frits Bolkestein
Commissaire européen chargé du marché intérieur, Pascal Lamy
Commissaire européen chargé du commerce, Jean-François Copé, porte parole du gouvernement,
Mario Monti Commissaire européen à la
concurrence (membre du comité de direction de ce groupe de 1983 à 1993), Pierre Lellouche
Vice-président de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN et rappeler que le Baron Seillières fait partie du
comité directeur et que l’ancien président de la Commission
Européenne, Romano
Prodi en faisait partie.
Pour situer les objectifs de ce groupe prenons 2
déclarations de son fondateur David Rockfeller (Il a également fondé la
Commission trilatérale) :
David Rockfeller en 1991 dans un discours devant la Commission
Trilatérale :
(in Tocqueville
magazine : mondialisme et
nouvel ordre mondial )
Nous sommes reconnaissants envers le Washington Post, le New York Times,
Time Magazine et d’autres grands journaux, leurs directeurs ayant participé à
nos rencontres et ayant respecté la promesse de discrétion pendant près de 40
ans. Il nous aurait été impossible de développer notre Plan pour le Monde toutes ces années durant si les projecteurs avaient
été braqués sur nos activités. Le Monde est maintenant
plus sophistiqué et plus préparé à accepter un Gouvernement Mondial. La
Souveraineté Supra-Nationale d’une Elite intellectuelle et de banquiers est
sûrement préférable au principe d’Autodétermination Nationale des peuples,
pratiquée tout au long de ces derniers siècles.
David Rockfeller en 1999 à la presse :
Quelque chose doit remplacer les gouvernements et le
pouvoir privé me semble l'entité adéquate pour le faire
Ce qui est en jeu c’est l’existence d’un
monde où tout n’est pas marchandise
On peut s’étonner de
retrouver Le président de la convention
Valery Giscard D’Estaing ainsi
que 3 commissaires dans les réunions du groupe Bilderberg dont l’objectif
n’est ni plus ni moins que de gouverner le monde.
Rappelons à ce propos que dans le serment
d’indépendance que prêtent les commissaires européen on trouve: « ne sollicitent ni n'acceptent d'instructions d'aucun
gouvernement ni d'aucun organisme. »
Et s’engagent à exercer leurs fonctions
« en
pleine indépendance, dans l’intérêt général »
Voyons maintenant ce qu’il en est de l’indépendance et des objectifs de Pascal Lamy commissaire européen socialiste lorsqu’il rencontre ses amis du TABD
Trans Atlantic Business Dialogue, un des plus puissants lobbies d’affaires du
monde (in Combien de temps
encore, Pascal Lamy ? par Raoul Marc Jennar pour Oxfam)
Pascal Lamy à Berlin, devant
l’assemblée du TABD 5 mois après sa prise de fonction à la commission
C‘est vraiment agréable de se retrouver dans le milieu des affaires (...) Vous voulez que nous allions de l’avant et
que nous changions les politiques. Nous
sommes décidés à le faire. (...) La nouvelle Commission soutiendra [les
propositions du TABD] de la même manière que la précédente. Nous ferons ce que
nous avons à faire d’autant plus facilement que, de votre côté, vous nous indiquerez vos priorités (...) Je crois
que le monde des affaires doit aussi parler franchement et convaincre que la libéralisation du commerce et en général la globalisation sont
de bonnes choses pour nos peuples...
Pascal Lamy à Bruxelles
devant les mêmes 8 mois plus tard
Les relations de
confiance et les échanges d’informations entre le monde des affaires et la
Commission ne seront jamais assez nombreux » (...) Nous consentons de grands efforts pour mettre en œuvre vos
recommandations dans le cadre du partenariat économique
transatlantique et, en particulier, il y a eu des progrès substantiels dans les
nombreux domaines sur lesquels vous avez attiré notre attention. (…) En conclusion, nous allons faire notre travail sur la base de vos
recommandations...
Les élites sont en mission commandée pour
des intérêts qui ne sont pas ceux des citoyens.
Interview de Jacques
Delors sur LCI le 30 juillet 2004 :
Jacques
Delors : J’ai beaucoup
de critiques contre ce texte. La première, c’est la "clause de
révision". Comment peut-on accepter ça alors que si, un jour, dans quinze
ans, la Turquie adhère, quatre-vingts millions d’habitants, le système de
décision n’irait pas du tout, déséquilibrerait le système. Deuxièmement, on a
ajouté dans ce texte, dit "Constitution", une troisième partie
intitulée "les Politiques". C’est comme si, dans la Constitution
française, chaque fois qu’on changeait de gouvernement, on changeait de
constitution pour dire qu’on allait faire telle ou telle politique sociale. Une politique que vous appliquerez au jour le jour, ce n’est
pas du ressort de la Constitution ! Troisièmement :
l’Union économique et monétaire doit être rééquilibrée dans le Traité. C’est un
point extrêmement important. Et quatrièmement, sur la politique sociale :
même avec les réserves que j’ai dites, on peut avoir un texte amélioré. Comme
par hasard, les deux groupes de travail, là, qui
n’ont pas fonctionné à la Convention, c’est celui sur l’Union économique et
monétaire et celui sur le social. Mais sur ces quatre points-là, il
faut revenir en arrière. Il faut
revoir les textes. (...)
Thierry
Guerrier : (..) pour le référendum, vous votez
non ?
Jacques
Delors : Comment ? Ah, je voterai oui ! Je voterai oui. Je ne veux pas que l’Europe s’arrête.
La plupart de ces élites sont en tant qu’experts
embarqués dans l’aventure Européenne. L’Europe est leur jouet. Ils y ont une
histoire, des amis, des relais, un auditoire, un avenir. Pour beaucoup elle les
nourris. Tel l’auto-stoppeur qui se laisse aller au confort de la voiture qui
l’emmène, ils ne sont pas prêts à en descendre pour les beaux yeux de principes
désuets tels que démocratie ou justice d’autant que plus d’un s’illusionne sur
le fait de pouvoir influer sur le parcours de la voiture.
On retrouve par exemple cette dynamique chez les
écologistes qui ont beaucoup investi dans l’Europe et squattent les places de
devant.
Citoyens et élites ne veulent pas aller
dans la même direction. Leurs intérêts sont contradictoires.
Le fait de pouvoir instrumentaliser l’Europe ou la
faire évoluer au bénéfice des objectifs que l’on prétend poursuivre est l’un
des fantasmes les plus répandus chez ces élites. Ils se leurrent bien entendu
sur la force intrinsèque du système qui les nourris. Prenons l’exemple de François
Hollande qui déclare dans un interview sur
le site de
campagne du oui socialiste « Dès à présent,
je prends d’ailleurs l’engagement, si nous revenons au pouvoir en 2007, de
promouvoir un traité social qui s’ajoutera aux dispositions actuelles »
Pourquoi ne s’occupe t-il pas dès maintenant de promouvoir le traité social
qu’il appelle de ses vœux ? (bel aveu au passage des lacunes du traité
actuel !). Sachant que la constitution une fois votée sera fossilisée par
la règle de la triple unanimité et que sa dimension sociale, volontairement
oubliée dans le texte actuelle n’est certainement pas ce qui a le plus de
chance de susciter dans un avenir proche l’enthousiasme général, on ne voit pas
bien comment Superman Hollande pourrait tenir cette promesse mais sans doute y
croient-ils
Les élites se mentent à
elles-mêmes. Ne nous fions pas à leurs discours !
encore que…
Une vieille tentation des élites est de faire le
bien des gens malgré eux. On trouve cette logique à l’œuvre actuellement aux
Etats-Unis chez les néo-conservateurs américains (voir Le triomphe
de la révolution néo-conservatrice américaine)
qui sont « largement
pessimiste quant à la capacité des masses à discerner la voie du Bien. »
et qui pensent comme leur idéologue Strauss que « la solution
proposée est alors celle d’un Prince – philosophe roi - qui gouverne sans
concession, qui s’octroie la capacité de dissimuler ou mentir au peuple lorsque l’opportunité le requiert !
»
On retrouve également cela à l’œuvre chez nous
lorsque les élites, prétextant de la complexité du texte, font fi des moyens
pour aller au plus court, à grands coups chantages (la France n’existera plus
au sein de l’Europe) et de mensonges, vers le résultat escompté. Cela donne par
exemple le « Pourquoi
le traité est un rempart contre les dérives libérales type Bolkestein »
des socialistes et le « Il
n’y a plus de directive Bolkestein » de François
Hollande (réécouter ce grand
moment de radio où François Hollande répond à ce sujet au téléphone sonne
de France Inter à un auditeur) ou l’abandon de toute déontologie
journalistique dans les médias.
Voir également le débat à ce sujet entre Aristote
et Platon résumé plus loin.
Les élites nous mentent. Ne nous
fions pas à leurs discours !
Au travers de
cette constitution à laquelle le citoyen n’a pas contribué, ce qu’on nous
demande maintenant n’est ni plus ni moins que d’acter et reconnaître la
vocation naturelle de ces élites à déterminer la politique de l’Europe, bref à
abdiquer définitivement de notre rôle de citoyen.
Les journalistes entretiennent une
complicité malsaine avec le pouvoir.
Jacques
Duquesne, président du conseil de
surveillance de L'Express
l’avoue ici:
Il faut le
reconnaître: de graves dérives sont apparues ces dernières années dans
l'exercice de notre profession. Des journalistes, qui devraient être des «contre-pouvoirs»,
des «watch dogs», comme aimait à le répéter
Françoise Giroud, se sont liés aux hommes et aux femmes des pouvoirs
politique, économique, culturel, sportif, et autres.
C’est l’effet club évoqué plus haut et que
dénonçaient Bourdieu, Pierre Carles dans « pas vu pas
pris », ou Daniel Carton dans « bien
entendu c’est of » où il note que la connivence entre journalistes politiques : Mêmes
écoles, mêmes relations, même milieu social, mêmes dîners en ville, mêmes
intérêts parfois, " et où il montre que l’indépendance et l’intégrité
journalistiques apparaissent inéluctablement comme de belles illusions, ou tout
au moins une
gageure intenable pour qui veut réussir professionnellement dans le traitement
de l’actualité politique. Un sociologue récents ont une vision plus
compréhensive du dur travail du journaliste. Cyril Lemieux, sociologue
des médias et disciple de Luc Boltanski analyse dans « mauvaise presse » les
différents niveaux de grammaire dont doit user le journaliste pour sortir des
infos dont la grammaire privée (le tutoiement) et s’attache à des propositions
ayant pour objectif de permettre au journaliste de « résister aux
séductions, intimidations et frustrations dont ils sont la cible de la part de
certains interlocuteurs ou supérieurs hiérarchiques et à travers eux, par
exemple, de certains actionnaires ou annonceurs »faisant le postulat
d’une volonté déontologique que l’on constate de plus en plus absente.
Le pouvoir a acheté les médias.
On constatera
opportunément qu’au delà des opinions de ceux qui font ces médias et qui sont
très largement nourris au lait du libéralisme, une très nette majorité des
médias Français appartiennent à des groupes industriels : Lagardère,
Bouygues, Dassault, des fabricants d’armes (qui sont tout
particulièrement intéressés à l’article. I-41-3 : « (…) Les Etats membres s’engagent à améliorer progressivement
leur capacité militaire. ») ou de béton !!!, que Libération
vient de se vendre à 39% à Rothschild dont le nom seul
doit se faire retourner Sartre dans sa tombe (Voir
à ce sujet le dossier la concentration
des médias en France).
Cela n’est pas sans effet. On sait depuis longtemps
que publicité et indépendance éditoriale ne sont compatibles qu’à tant que
cette indépendance ne s’exerce pas au détriment du donneur d’ordre. On imagine
ce que l’arrivée massive d’industriels au capital et dans les conseils
d’administration des grands médias peut induire en terme d’indépendance. Voir
par exemple à ce sujet Comment
« Le Monde » défend les intérêts du groupe Lagardère qui relève
que « Au moment où le
groupe Lagardère entre au capital du Monde S.A., le Monde publie, dans son
numéro daté du 18 mars 2005, un article qui sélectionne et organise
l’information dans un sens favorable aux intérêts du groupe Lagardère »
On peut en conclure comme Christian Pradié
dans Les enjeux de la
financiarisation des industries culturelles que « La capacité
d’influence sur l’opinion et sur la décision publique amène évidemment à
affaiblir l’état d’indépendance et de pluralisme des moyens nationaux
d’expression » et que « l’application mal maîtrisée de politiques se
réclamant du libéralisme économique en ce domaine fait peser une menace sur les
règles du libéralisme politique ».
On constate dans le cadre de cette campagne
européenne que dès lors que les intérêts en jeux deviennent importants, il n’y
a plus ni indépendance, ni déontologie qui vaille.
L’appartenance des médias à des groupes industriels est une honte
pour notre « démocratie »
Lorsque les enjeux sont d’importance, il faut les contourner !
Pourquoi un texte mijoté dans des cénacles d’experts
où le citoyen n’a pas voix, incapable d’exprimer les valeurs qui fonderaient
une citoyenneté européenne, brutal au point de soustraire aux débats publics
futurs des politiques économiques qui servent exclusivement les intérêts du
marché, cynique au point de faire de ce même marché une idole vénérée à
longueur de pages, rejetant l’humain dans des formules creuses et sans portée,
pourquoi un tel texte recueillerait l’assentiment des citoyens ?
Francis Fukuyama a théorisé en 1988
puis en 1998 la fin de l’histoire (voir La
fin de l'histoire selon Fukuyama) « Il se peut bien que
ce à quoi nous assistons, ce ne soit pas seulement la fin de la Guerre Froide
ou d'une phase particulière de l'Après-guerre, mais à la fin de l'Histoire en
tant que telle : le point final de l'évolution
idéologique de l'Humanité et l'universalisation de la Démocratie libérale occidentale
comme forme finale de gouvernement humain »
Fukuyama estime, en effet, non seulement que la
démocratie libérale est en voie de s'imposer partout dans le monde mais qu'elle
constitue un acquis dont les principes sont désormais si profondément intégrés
au patrimoine culturel de l'humanité pour qu’il soit raisonnable de penser
qu'ils puissent être un jour oubliés et rendus inopérants.
Le libéralisme favorise le développement des
richesses qui, à son tour, favorise la recherche scientifique et ses applications,
lesquelles permettent d'accroître à nouveau la richesse. Le désir suscité par le mode de vie que rend possible de
telles richesses contribuera ensuite puissamment à la diffusion des régimes
économiques qui rendent possibles leur production ou leur acquisition.
Le philosophe économiste psychanalyste Cornélius
Castoriadis, mort en 1997 disait "Il
est ahurissant de penser qu'il y a eu des idéologues et des écrivains pour
parler de l'époque contemporaine comme d'une époque d'individualisme alors que
précisément, ce qu'il faut surtout déplorer actuellement, c'est la disparition des individus véritables devant cette espèce
de conformisme généralisé.".
On trouvera également dans Comment
la dictature de la consommation désespère le citoyen
la relation d’une conférence du philosophe Bernard Stiegler disciple de
Derrida : « Que nous dit-il ? En gros ceci ! Que notre état
contemporain d'individu consommateur, appartenant à une foule indifférenciée
d'individus- consommateurs, reproduisant à peu près en même temps les mêmes
actes de consommation, soumis aux mêmes injonctions ou aux mêmes manipulations
de la part notamment des médias de masse, détruit
peu à peu en nous tout sens de notre singularité, produit un
sentiment irrépressible de honte, de dégoût de soi, d'où ne peut que surgir du
pire. Le pire pouvant prendre de multiples visages, celui de Richard Durn ou
celui de ces hommes et de ces femmes qui prêtent à Jean-Marie Le Pen le destin
d'un sauveur. Ou encore celui de notre docilité.
»
Noam
Chomsky notait que les médias fabriquaient du
consentement. Il n’est pas très difficile d’imaginer quel type de consentement
est recherché à travers eux par la société de marché.
La plupart des citoyens se sont soumis à la norme dominante qui est
celle du marché.
Que reste t-il de la citoyenneté ?
On voit bien que ce qui se joue sur ce référendum
passe quelque part au sein de l’individu entre le citoyen et le consommateur et
que le débat possède une dimension intime voire schizophrénique.
Dans Marchandisation
et citoyenneté, Patrick MIGNARD professeur
d'économie à l'IUT de Toulouse met en évidence le paradoxe qu’il y a se
prétendre citoyen dans une économie de marché.
Patrick MIGNARD
Aujourd'hui c'est chose acquise et intégrée,
la morale marchande nous pénètre toutes et tous et nous détermine dans notre
comportement social ainsi que dans le jugement et la perception que nous avons
de l'Autre.
Remettre en question la marchandise est socialement
considéré comme parfaitement irresponsable. On conteste, on fustige
le marché pour ses excès, parce que « on ne le contrôle pas
suffisamment », mais en aucun cas on ne remet en question son existence,
son essence. Ainsi se développe une espèce de « contestation molle »,
de pseudo radicalité, qui donne l'impression de la radicalité à celles et ceux
qui la tiennent ou qui la reçoivent, contestation qui devient l' « alibi démocratique » de la
perpétuation du système marchand.
Assimiler « citoyenneté et
« économie de marché » constitue une des plus grande mystification de
ces deux derniers siècles. En effet, qu'un système,
qui a pour principe d'instrumentaliser l'être humain, puisse se parer,
idéologiquement, du concept de citoyenneté a quelque chose d'extraordinaire.
Et ça marche. Ca marche au point que le rapport marchand structure notre
rapport social dans ce qu'il a de plus intime et personnel.
Ainsi, la rationalité marchande ne nous
agresse plus parce que nous l'avons intégré, elle est en nous. Nous l'avons
intégré comme nos ancêtres avaient intégré les valeurs de leur époque. Elle est en passe de constituer, et constitue pour la plus
grande masse, l'essence de
notre comportement social.
La plupart des citoyens ont intégré soit par résignation, soit par
dépit, soit par intérêt, le postulat d’une société de consommation
incontestable et éternelle. Ils ont de ce fait désinvesti la politique et
abdiqué leur citoyenneté pour ne plus être que simples consommateurs.
Le citoyen peut de nos jour abdiquer en toute bonne conscience de
son rôle de contre pouvoir aux
puissants. Le marché lui propose pour l’aider dans cette démarche toute
une série de produits conçus pour.
Une brève parlait
aujourd’hui d’une ONG (Greenfleet)
proposant aux automobilistes de planter 17 arbres en Australie pour compenser
leurs émissions de gaz. Voila qu’on peut même maintenant rouler en toute bonne
conscience.
Il est stupéfiant
de constater à quel point le système a des capacités comme dans 1984 de Georges
Orwel à intégrer sa propre contestation. On l’a constaté avec le mouvement des
antipubs récupéré par les publicitaires avec leurs affiches pré-taguées dans
les mois qui suivaient, on le constate avec le mouvement alter-mondialiste
duquel il suffirait d’être militant voire juste solidaire ou du commerce
équitable où il suffirait d’acheter
quelques paquets de café ou tablettes de chocolat pour s’absoudre de son mode
de vie et de son apolitisme coupables.
On a dénaturé à
grands coups d’entreprise citoyenne, citoyen du monde et autre consommation
citoyenne le terme de citoyen. Il est de la dernière mode de se dire citoyen de
là ou d’ailleurs,
il n’est pas un magazine branché qui n’ait inclus le militantisme
alter-mondialiste dans la panoplie du jeune métropolitain au courant et les
mouvements se revendiquant de la citoyenneté fleurissent. Les saisons
qui viennent seront citoyennes !
En parallèle, pour donner du grain à moudre
et absorber les velléités contestataires de ce nouveau citoyen
« responsable », un mythe a été créé
ex-nihilo : celui de la croissance soutenable qui rendrait la société de
consommation vers laquelle l’Europe nous propulse compatible avec l’avenir.
rapport Brundtland En 1987 pour la Commission des Nations Unies sur l’Environnement
et le Développement
Aujourd’hui, ce dont nous avons besoin, c’est d’une
nouvelle ère de croissance, une croissance vigoureuse et, en même temps,
socialement et environnementalement soutenable
Reste à se poser
la question de savoir si « croissance » et « environnementalement
soutenable » sont des termes compatibles alors que des milliers de
scientifiques à travers la planète s’éreintent
à avertir les politiques de ce que l’activité de l’homme provoque un
réchauffement catastrophique de l’atmosphère et une extinction massive des
espèces animales et végétales et qu’en une fraction infinitésimale de
l’histoire de l’humanité ont été pillées une bonne partie des ressources de la
terre.
Nous avons hérité de la terre de nos ancêtre et nous l’avons volé à
nos enfants
Le crépuscule de la
croissance de Jean-Marie
Harribey Professeur agrégé de sciences économiques et
sociales
Le capitalisme est sidérant par sa propension à
légitimer le calcul le plus individuel, les choix les plus conformes à
l’intérêt exclusif d’une minorité, sous le couvert d’une
aspiration devenue quasi universelle au progrès, le progrès matériel étant le
vecteur essentiel du progrès en général. Comme l’accumulation est, dans un mouvement sans
fin, inhérente au capitalisme, celui-ci pousse en avant une
croissance perpétuelle de la production, sous réserve que celle-ci corresponde
à des besoins solvables et – cette condition pouvant être encore plus
restrictive que la première – qu’elle rapporte le rendement minimum requis. On
comprend aisément que l’adéquation des besoins aux besoins solvables ne puisse
être assurée, d’autant plus que la limite des besoins est sans cesse repoussée
afin de convertir une gamme toujours plus large de désirs humains, de fantasmes
et d’angoisses en besoins objectivables. Le tour de force idéologique du capitalisme fut de
confondre cette tendance avec le « développement » et d’accréditer l’idée que
celui-ci ne pouvait aller sans celle-là.
Comment concevoir
qu’aucune culpabilité ne nous agite ?
Jean-Philippe Deranty philosophe, dans la revue Le passant ordinaire
Il nous suffit d’avoir conçu la norme morale
pour qu’elle nous apparaisse comme pleinement réalisée chez nous. C’est comme
si, ayant eu la révélation de ce que sont le droit et le juste, nous en étions
par là-même devenus leur parfaite incarnation, sans avoir davantage à nous
préoccuper des conditions de leur réalisation. L’être nous dispense de l’agir. La bonne conscience
morale permet de faire l’économie de la politique (…) La pensée que nous incarnons le droit
et la justice nous permet de nous excepter nous-mêmes, en toute bonne
conscience, de leurs commandements et de leurs interdictions. Persuadés que
nous savons mieux que les autres ce que sont le bien et le mal, nous nous
plaçons au-delà du bien et du mal, et agissons en conséquence. Notre moralisme hautain fait de
nous des nietzschéens honteux.
Avoir inventé le concept de bien nous dispense de le faire
On voit la
propension qu’ont nos sociétés modernes à générer du bien-pensant pour nous
dispenser du bien-agir.
Tout le monde peut
de fait abonder à ce discours « bien pensant » sans que cela prête à
conséquence.
Jacques Chirac discours
devant l'Assemblée plénière du Sommet mondial du développement durable
Au regard de
l'histoire de la vie sur terre, celle de l'humanité commence à peine. Et
pourtant, la voici déjà , par la faute de l'homme, menaçante pour la nature et
donc elle-même menacée. L'Homme, pointe avancée de l'évolution, peut-il devenir
l'ennemi de la Vie ? Et c'est le risque qu'aujourd'hui nous courons par égoïsme ou
par aveuglement. Il est apparu en Afrique voici plusieurs millions
d'années. Fragile et désarmé, il a su, par son intelligence et ses capacités,
essaimer sur la planète entière et lui imposer sa loi. Le moment est venu pour l'humanité, dans la
diversité de ses cultures et de ses civilisations, dont chacune a droit d'être
respectée, le moment est venu de nouer avec la nature un lien nouveau, un lien
de respect et d'harmonie, et donc d'apprendre à maîtriser la puissance et les
appétits de l'homme.
Le même individu peut, au grée des circonstances, abandonner complètement
ce thème qui semble pourtant avoir vocation à déterminer lesautres pour se
saisir de celui de la croissance (ni durable ni soutenable) et de la
performance économique.
Jacques
Chirac dans ses Vœux pour
2005
retrouver
une croissance soutenue
(…) Une société de justice, de croissance, (…), Bâtissons (…) une société de croissance. J’ai demandé au Gouvernement de lancer, en soutien
de nos
entreprises
et avec nos partenaires européens, les projets industriels qui tireront la croissance
de demain
et nous permettront d’accroître notre avance technologique. Tout faire pour la croissance. Poursuivre la hausse du
SMIC et soutenir le pouvoir d’achat. Poursuivre la
baisse de l’impôt sur le revenu et la baisse des charges. Continuer à maîtriser nos
dépenses. Encourager l’investissement en mettant en œuvre la
réforme de la taxe professionnelle. Permettre à celles et à ceux qui veulent gagner plus
de travailler plus. Donner plus de droits aux consommateurs. Développer la concurrence. Encourager l’exportation
et renforcer
notre présence sur les grands marchés émergents.
Petit
guide à l’usage des biens-pensant
La « bien pensance » (agriculture raisonnée, commerce
équitable, croissance durable, …)
est une escroquerie
intellectuelle destinée à perpétuer un système
criminel pour notre avenir.
A force de vouloir tout on n’aura rien : LE COURAGE C’EST
CHOISIR
On
voit avec quelle promptitude tous les rouages de la société s’appliquent à
mettre en œuvre un guide du bien penser quant au référendum européen. Du texte
il n’est pas question mais une norme se construit petit à petit qui veut
qu’être pour, ce soit être pour la paix, pour l’entente entre les peuples,
contre le repli identitaire, contre les extrêmes, contre le chaos, pour
l’intelligence, contre les « pulsions destructrices qui ont fait tant de
mal à l’Europe dans le passé ». N’importe quel « citoyen »
pourra y chercher quelque indulgence pour expier sa soumission à un avenir
livré au libéralisme et au marché. Pour un tel ce sera au nom de sa lutte pour
la paix , pour tel autre le refus de chaos. Pour un autre encore, le seul fait
de n’être point du coté des nationalistes pourra justifier son oui et le
dédouaner de ne pas avoir eu l’intelligence, en tant que citoyen, de comprendre
les enjeux de cette constitution.
Le oui est l’aboutissement de la « bien pensance » et des
compromissions de l’individu avec lui-même.
80% des 120 027 militants socialistes se sont
prononcés début décembre 2004 à 59% pour le oui et 41% pour le non.
54,5% des 8.808 adhérents revendiqués par les Verts
ont voté le 15 février 2005 à 52,9% pour le oui, 41,89% pour le non et 5,21% se
sont abstenus.
Compte tenu du fait que de l’avis même des
spécialistes, ce texte est une véritable usine à gaz juridique dont la compréhension n’est pas donnée à tous et que
même les experts peuvent émettre des avis contradictoires sur l’exégèse à en
faire, il semble inconcevable que les militants aient pu se prononcer en toute
connaissance de cause.
La critique de ce texte est de plus arrivée après
de source souvent externe aux partis (chercheurs, économistes, juristes, …) Le
débat est donc arrivé avant que de nouveaux regards soient portés sur le traité
ceci dans la dynamique des directives Bolkestein tout d’abord puis dans
le cadre du débat national actuellement.
Jérôme Jaffré note dans Constitution
européenne : le choix du PS : « On
a voté, me semble-t-il, en tenant compte de deux éléments principaux : d'une
part, l'enjeu européen, et ce qui a compté dans le vote, c'est la volonté de
maintenir l'orientation pro-européenne du PS et de ne pas l'isoler du reste des
partis socialistes européens. Et il me semble d'autre part que l'on a voté sur
le parti lui-même, en considérant qu'il n'était pas souhaitable de le faire
entrer dans une période de turbulences, de crise, de démission de sa direction,
juste après un congrès de l'UMP marqué par la montée de l'adversaire de droite. »
La portée réelle de ce traité commençant seulement
à apparaître à ceux qui veulent s’en donner la peine, le vote serait peut être
tout autre aujourd’hui et sera peut être tout autre espérons le dans les urnes
le 29 mai.
Le choix des militants a été un choix politique et pas un choix de
citoyen
Cela a beaucoup fait jazzé et a été abondamment
repris dans l’argumentaire du oui.
L’argument est l’argument standard. Développé par
son secrétaire général, l’anglais John Monks dans La Constitution
européenne représente un pas en avant pour les travailleurs
cela donne « Pour moi, la
Constitution représente un pas en avant pour les
travailleurs par rapport à Nice » On y retrouve aussi ici.l’illusion
que l’important est d’y être pour pouvoir en influer le cours : « Il
convient de considérer la Constitution comme un tremplin qui permettra de
progresser vers une Europe plus sociale, l’Europe
sociale ne doit pas rester un idéal, ou seulement des mots dans une
Constitution, mais elle doit véritablement se développer à partir de ce Traité »
A noter que les ambitions affichées par cette confédération sont modestes
puisque ce même John Monks indique en conclusion de son interview « Un salaire minimum européen ne me paraît donc pas réaliste ».
Le gros Hic relevé dans Constitution et syndicats : vérités et
mensonges est que « La C.E.S. n'est pas le
Parlement des syndicats européens, mais une « holding syndicale »
siégeant à Bruxelles. Elle a émis un avis favorable au texte constitutionnel,
mais n'a pas laissé la possibilité à chaque
syndicat de consulter ses adhérents. Cela relativise la portée
démocratique d'une telle décision ».
Georges Debunne, Belge et ancien président de la CES vient par ailleurs
de lancer un appel : NON à la constitution
:
Georges Debunne
ancien président de la CES
Les Traités
successifs ont été ratifiés à chaque fois sur la base de promesses d’améliorations et aussi par manque d’information des citoyen(ne)s européens.
C’est pourquoi je pousse cet ultime cri d’alarme
dans cette période de ratification où nous sommes amené(e)s à légitimer ou NON
ce texte de loi qui prévaudra sur les Constitutions nationales. La Gauche
européenne ne peut plus tergiverser. Il faut stopper cette course vers l’abîme.
Le moment est venu de dire NON à cette
hégémonie du capital, de fixer les objectifs
et d’entamer l’action pour réaliser enfin une Union
européenne démocratique et sociale fondée sur des droits fondamentaux civiques,
économiques et sociaux.
On voit dans quel sens l’histoire se
fait… et on peut appliquer la même analyse à la CGT ou
la direction s’est prononcée pour le Oui avant que le Comité
confédéral national de la Cgt aille à l’encontre de cette position en se
prononçant pour le Non et que le comité exécutif tranche dans le sens de la
plus forte représentativité.
Dans les syndicats comme ailleurs, les élites ont tendance à se
prononcer pour le oui, le citoyen éclairé pour le non
On
peut par exemple regarder la référendum interne
organisé par les écologiste indépendant (MEI) pour mesurer la mauvaise foi de Waechter :
« Faire du débat constitutionnel une question
idéologique antilibérale, c'est se tromper de scrutin. Une constitution définit
le cadre du vivre ensemble, elle ne préjuge pas des orientations politiques.
Elle précise le contenant, pas le contenu. Celui-ci est de la responsabilité
des électeurs qui décident des majorités politiques dans leur pays et à
l'assemblée de Strasbourg. »
Visiblement il n’ a lu de cette constitution que son titre et
pas son contenu…
Ou rester bouche bée devant cette
contribution de Jean Paul Gros : « ne vous en prenez pas
hypocritement au libéralisme dont la philosophie politique et sociale est, il
faut l'admettre, inhérente à la démocratie, à la social-démocratie même, et à
la modernité. » (sic !)
On a aussi dans une veine plus officielle Alain
Lipietz dans Nice ou la
Constitution, il faut choisir du Monde du 28/09/2004 :dont
la logique méandreuse laisse perplexe : « Ce
projet, c'est pour 90 % ce que nous avons aujourd'hui (Maastricht-Nice) et que
nous n'aimons pas, et 10 % de réformes que nous approuvons. Il faudra répondre
par "oui" ("Nous prenons les 10 % d'amélioration") ou par
"non" ("Nous en restons aux 90 % que nous critiquons"). Les
états d'âme des uns et des autres seront oubliés aussitôt le résultat acquis.
[…] Notre coeur se révolte à l'idée de conserver des politiques que nous
réprouvons. Mais notre raison nous dicte de les réformer plutôt que de les
laisser en l'état »
Dans
un texte qui a déjà été signé par plus de 150 responsables verts Des Verts pour un oui
européen : « Faut-il,
comme le proposent certains, rejeter ce texte parce que « la mariée ne
serait pas assez belle » ? Nous ne le croyons pas. Car on ne nous
propose pas de choisir entre ce traité imparfait et notre traité idéal, mais
entre ce traité imparfait et le statu quo qui risque d’entraîner les peuples
d’Europe dans la voie morbide de la régression nationaliste »
On
pourra considérer charitablement que les écologistes ont depuis longtemps
l’Europe chevillée au corps et que comme tout le monde le sait l’amour rend
aveugle.
Tout est dit dans Pourquoi les
socialistes votent oui au traité constitutionnel (On remarquera que
le terme les socialiste englobe démocratiquement les 42% qui se sont prononcés
pour le non), patchwork de laborieuses contre-vérités :
« Le traité constitutionnel reconnaît-il
les services publics ? Oui ! Les Etats membres pourront financer
leurs services publics en dérogation aux règles de la concurrence ».
Vrai/Faux : il suffit de lire
le texte pour s’apercevoir que le terme service public n’est même pas cité et
que sa logique constitue précisément une attaque en règle contre les services
publics.
« Le traité constitutionnel est-il
révisable ? Oui ! Le traité
constitutionnel est un traité comme les autres. Du traité de Rome au traité de
Nice, c’est la règle de l’unanimité qui s’est toujours appliquée. Jamais elle
n’a empêché l’Europe de progresser par bonds successifs. »
Faux s’agissant d’une constitution
il ne s’agit plus de la règle de l’unanimité mais de la triple unanimité (celle
de la convention puis des 25 gouvernements
plus celle des 25 parlements ou populations consultées par voie de référendum)
qui devra qui plus est être obtenue à 25 par des pays dont les intérêts sont
profondément divergents.
On y trouve également un argument surréaliste de
mauvaise foi : « Pourquoi
le traité est un rempart contre les dérives libérales type Bolkestein »
alors même que Barroso vient de rappeler l’importance qu’il accordait à
la notion de pays d’origine et que les directives de type Bolkestein ont
été conçues quasi simultanément et en symbiose avec le traité (voir à ce sujet
le chapitre spécial consacré à Bolkestein).
Pour être tout à fait honnête il faut constater que
certains articles vont dans le bon sens par rapport à le situation actuelle.
J’ai désespérément cherché sur les sites militant
pour le oui des articles qui puissent raisonnablement rendre optimiste sur les
buts de cette constitution. Des 10 articles dans la Constitution européenne pour
dire Oui promus par Raffarin et abondamment repris par les
socialistes seuls me semblent pouvoir être retenus ces 3 ci :
Art.
1-22 : Le Conseil européen élit son président à la
majorité qualifiée pour une durée de deux ans et demi, renouvelable une fois.
C’est mieux que d’avoir un président par rotation
semestrielles mais on reste loin du suffrage universel
Art.
1-47-2 : Les institutions entretiennent un dialogue
ouvert, transparent et régulier avec les associations représentatives et la
société civile
Cet article est très apprécié des syndicats et explique
en partie l’aveuglement de certains quant au reste du texte. Il y a par
ailleurs le même pour les églises et il est également très apprécié des
églises.
les autres articles
mis en avant sont strictement décoratifs comme par exemple :
Art.
1-43 : L’Union et ses États membres agissent
conjointement dans un esprit de solidarité si un État membre est l’objet d’une
attaque terroriste, ou la victime naturelle ou d’origine humaine
On n’imaginait pas qu’il puisse être du devoir de
l’union d’achever la victime
Art.
1-57 : L’Union développe avec les pays de son voisinage
des relations privilégiées, en vue d’établir un espace de prospérité et de bon
voisinage, fondées sur les valeurs de l’union et caractérisées par des
relations étroites et pacifiques reposant sur la coopération
On imaginait mal l’union s’affirmer en guerre avec
ses voisins
ou ne résistant pas à l’analyse et à la mise en perspective avec d’autres comme par exemple
Art. 1-9 : L’Union
reconnaît les droits, les libertés et les principes énoncés dans la Charte des
droits fondamentaux...
Art. II-96 :
L’union reconnaît et respecte l’accès aux services d’intérêt économique
généraux …
Ceux-là on les connaît
déjà et l’exégèse en a été effectuée par ailleurs dans ce document.
Le vote à la majorité qualifié
représente-t-il un progrès
Pour déterminer si les modalités de vote
sont un progrès comme l’affirment certains ou un recul comme l’affirment
d’autres je vous renvois au Fonctionnement
des institutions de l’Union européenne où sont expliquées en fonction des domaines
les 31
majorités différentes à appliquer au vote. Il paraît que même les
juristes s’y perdent. Ce qui est sur et important c’est que le contenu de la
constitution est verrouillé lui par la triple unanimité (voir plus haut) et
qu’on a pu mesurer par ailleurs le type de société qu’il prône.
Honnêtement on ne peut souhaiter à personne de devoir faire
campagne pour le oui le texte à la main. Ceci explique peut être le niveau du
débat actuel
Rappelons
que depuis le monde grec:
la citoyenneté est la condition de l’homme libre, pouvant
socialement et politiquement agir
Rappelons nous le vieux débat entre Platon et Aristote (voir
Planton
contre Aristote : la république contre l’oligarchie de Christine
Bierre où elle dit que « Platon fonde le courant
républicain tel qu'on le retrouve encore de nos jours ; Aristote, au
contraire, est le père de l'« oligarchisme » comme on le connaît
aussi jusqu'à nos jours » et dont on peut juger de quelle
actualité il est :
« Il [Aristote]
ne recommande pas la tyrannie car en s'opposant brutalement à la masse du
peuple, le tyran ne fait que provoquer la révolte contre lui. Il ne préconise
pas non plus l’oligarchie pure, le règne du petit nombre et de l'argent, car
lui aussi peut cristalliser les haines de tout un peuple. De l’oligarchie, il garde l'idée que ce sont les riches qui,
seuls, sont habilités à commander ; de la démocratie, l'idée que l'on doit
faire semblant de faire appel au peuple pour que celui-ci ne se révolte pas. »
« Platon [refuse …] la tyrannie (forme
dégénérée de la monarchie), l’oligarchie (forme dégénérée de l'aristocratie) et
la démocratie (forme dégénérée de la République). La tyrannie est de loin le
pire des régimes, dit-il. Il rejette totalement
l’oligarchie, le régime où les riches règnent contre les pauvres. Il
rejette également le régime démocratique, où tous
prétendent régner sur tous » Platon
décrit un état dirigé par « la sagesse, le courage, la tempérance et la
justice » ou il faut développer les qualités des individus car ce
sont les qualités des individus qui vont s'imprimer dans le type d'Etat qu'ils
créent.
Et Christine Bierre de conclure « Voici donc La
République de Platon, un gouvernement où la sagesse
commande non pas pour permettre à une petite élite figée de s'installer au
pouvoir, mais pour élever le niveau de
tous et former des citoyens et des citoyennes. La tâche qui nous
attend est immense car c'est le modèle d'Aristote
qui a été érigé en maître depuis une trentaine d'années. »
Assisterons nous à la victoire
définitive d’Aristote sur Platon ?
et
aujourd’hui ?
Une dissertation
philosophique sur le thème Peut-on être un bon citoyen sans
s'intéresser à la chose publique ? remarque
que :
La conception
moderne de la citoyenneté, avec la délégation des
pouvoirs politiques à des représentants élus, tend donc à sortir le politique du champ de la citoyenneté. »
que « la distinction entre
bons et mauvais citoyens se fait de plus en plus en fonction de deux
nouvelles notions, le civisme et la civilité.
Cette conception de la citoyenneté, qui correspond de plus en plus à l’usage
courant, est alors plus individuelle. Le bon citoyen est d’abord celui qui respecte les lois. » ? « En somme, le bon citoyen est surtout le
citoyen bon » et de citer
comme archétype du bon citoyen « le soldat héroïque … l’entrepreneur
qui sauvegarde des emplois … l’artiste renommé … le sportif qui gagne » D’où il résulte que « On a donc un
renversement complet de perspective puisque ce sont des actions apparemment purement individuelles, motivées
essentiellement par un intérêt personnel, mais qui profitent, par
ricochet, à l’ensemble du corps social, qui sont
considérées comme des preuves de bonne citoyenneté ». Et
d’enfoncer le clou « Non
seulement l’intérêt pour la chose publique n’est
pas [plus]
un critère valide pour juger de la
qualité de bon citoyen, mais on pourrait presque inverser la proposition :
Comme c’est sur la base des actions individuelles et privées que les citoyens
sont apparemment désormais jugés, l’intérêt pour la
chose publique peut sembler une perte de temps préjudiciable à son
accomplissement…
Dans nos démocraties modernes, le
« bon citoyen » est devenu le « citoyen bon »
Cette notion de citoyen bon ressort régulièrement au travers des
discours alarmistes lorsqu’il s’agit d’en appeler à son sens de la
responsabilité pour mieux épauler un pouvoir inquiet de la montées des populismes. Il devient alors de son devoir de citoyen de
défendre les « acquis de notre civilisation Européenne»,
« l’Europe », « l’image de la France au sein de l’Europe »,
« les valeurs qui nous sont chères et que nous avons mis tant de temps à
construire », « la paix »,
« d’établir un contre poids à la toute puissance
Américaine ».
Voici
une lettre d’un lecteur de Libération qui m’a semblé extrêmement pertinente:
Libé vendredi 25 mars 2005
Quel toupet !
Quelle bassesse ! Quelle démagogie irresponsable ! Ceux qui pendant des années
ont instrumentalisé l'Europe, votant dans les conseils européens ce qu'ils
dénonçaient hypocritement devant leur peuple, signant des traités «calamiteux»,
des compromis stupides, s'arrangeant de la méconnaissance des citoyens sur les
institutions de l'Union, la cultivant peut-être, se cachant derrière des directives
bruxelloises qu'ils avaient eux-mêmes promulguées pour appliquer la pire
politique de régression qu'ait jamais connue la France depuis Vichy... Ceux qui
ont fait de l'Europe cet épouvantail qu'ils accusent leurs adversaires de
brandir, cette incompréhensible architecture sans direction, sans valeurs, sans
esprit et sans âme, voilà qu'ils se proclament sauveurs de la paix et de la
prospérité, hérauts de l'intelligence face à l'obscurantisme, de l'ordre face
au chaos, de la politique face à l'économie, de la raison face à... bref, de
tout ce qu'ils ont abandonné eux-mêmes sur le chemin de leur hypocrisie.
Avons-nous des
oreilles pour entendre, des yeux pour voir ? Rêvons-nous ? Un mauvais démon
s'amuse-t-il à nous perdre ? Le ciel ne nous serait-il pas déjà tombé sur la
tête ? Ainsi, nous ne répondrions pas à la question posée, nous serions les
fossoyeurs de l'Europe, des fauteurs de guerre, des réactionnaires, des
monstres enfin, nous qui lisons les textes, nous qui argumentons, nous qui
discutons, nous qui n'oublions pas, nous qui mettons en perspective, nous qui
critiquons, nous qui avons été maintes fois trahis, humiliés, méprisés, nous
qui crions famine, nous qui en appelons à l'Europe des peuples, nous qui
croyons encore que la marchandise est au service des hommes, et non l'inverse ?
Eh bien soit ! Je
suis un monstre ignorant, irresponsable, je suis ce que vous voudrez, mais je
préfère avoir tort avec les hommes qu'avoir raison avec le marché, et je vais
voter non. Adrien Royo
Il en va de la dignité des
citoyens que de se prononcer sur la société qu‘ils désirent.
Il en va de la responsabilité des
politiques que d’œuvrer conjointement à la mise en œuvre de la société voulue
par les citoyens.
REDEVENONS DE BONS
CITOYENS !
Une des seules analyses sérieuses à ce sujet vient
curieusement d’un groupe de réflexion anglais : Center for European Reform (de centre gauche
et europhile) qui s'est penché sur les conséquences d'un non britannique. Cette
analyse est également éclairante sur les conséquences d'un non français même
s’il note qu’ « un non français créerait
effectivement une crise plus forte qu'un non britannique ». Il imagine dix scenarii consécutifs à un
non britannique et les analyse en détail. Ses conclusions résumées sur Scenarii
du non sont les suivantes : « Ce
scénario final est une combinaison des scenarii 4-5-6 : des coopérations renforcées, un ajustement du traité, la
constitution de groupes de pays souhaitant avancer sur certains points de
coopération ou d'intégration. A terme,
on peut imaginer que se constitue de facto un noyau dur de cette sorte, de
manière opérationnelle, pragmatique, et que soient mis en oeuvre certains
points du TCE, dans un nombre d'Etats plus réduits, sans une grande usine comme la constitution ».
Les
conséquence du non se traduiraient par le fait de devoir imaginer des voix
nouvelles.
Voici l’analyse qu’en fait Bernard Cassen :
Bernard Cassen directeur général du Monde Diplomatique,
professeur émérite à l’Institut d’Etudes Européennes à Paris VIII dans son article Débat truqué sur
le traité constitutionnel in le monde diplomatique :
les gouvernements ont absolument besoin d’un nouveau
traité pour que l’UE fonctionne sans trop d’encombre à
vingt-cinq, alors que ses règles actuelles avaient été prévues pour une
Communauté à six. Ce qui signifie que serait alors soumise à ratification la
seule première partie de l’actuelle Constitution, celle qui, pour l’essentiel,
fixe les règles du jeu du Meccano institutionnel. Nul ne perdrait à la
disparition de la deuxième partie, qui ne crée aucun nouveau droit social digne
de ce nom, et peu
verseraient des larmes si le manifeste libéral que constitue la troisième était
remisé dans les cartons.
Il remarque à juste titre que seule la 1ère
partie est nécessaire au fonctionnement d’une Europe à 25 et que la 3ème
partie qui concerne les politiques économiques de l’union peut être abandonnée
sans que le fonctionnement de l’Europe ne soit mis en cause.
Le non n’est pas un non à
l’Europe. C’est un non à la constitutionnalisation du libéralisme.
Ce que j’en pense :
Cela me semble
pernicieux et malsain pour la démocratie de voter en fonction des conséquences du
vote plutôt qu'en fonction du sujet du vote lui-même. Cela laisse
la porte ouverte à toutes les manipulations et toutes les instrumentalisations.
L’histoire s’est toujours faite sur la base de rapports de
forces. Cohn Bendit nous promet Sarkozy
au pouvoir, Hollande nous promet une Europe ultra libérale portée par le traité
de Nice, Chirac nous promet une France marginalisée en Europe . La méthode est
indigne et c’est
bien au contraire en saisissant ce qui
pourrait être la dernière occasion d’établir un rapport de force en disant non
à un texte inacceptable que le citoyen pourra dans le futur faire vivre un
débat et y prendre place lorsqu’il s’agira de se battre contre d’autres choses
inacceptables.
Ce texte est inacceptable.
Comment pourrons nous refuser l’inacceptable dans l’avenir si nous l’acceptions
tout en en ayant conscience ?
Cette constitution est doublement indéfendable, d'abord parce
qu'elle décrit une société dont nous ne voulons pas, ensuite parce qu'elle
verrouille toute possibilité d'en changer.
Après avoir été spolié du débat qui nous aurait permis en tant que
citoyen de lui donner du sens, nous assistons pour la faire accoucher aux
forceps, à une campagne basée sur la peur et le mensonge, qui laisse à penser
que dire non c'est dire non à l'Europe ou qu'il s'agirait d'un signe de
mécontentement envers la politique du gouvernement, une grogne sociale. C'est
prendre les citoyens pour des imbéciles. Le meilleur ennemi de la constitution
est la constitution elle-même.
Voter pour cette constitution dans le cadre d'un référendum ne
serait rien moins qu'un suicide dans lequel le citoyen abdiquerait son rôle de
contre pouvoir et se rangerait définitivement sous la bannière de
l'ultralibéralisme et du marché, une sorte de "fin de l'histoire"
dont le prix ne serait pas payé que par nous mais également par les générations
futures.
Exister en tant que citoyen c‘est
dire non !
Pour me
contacter : Emmanuel.collod@ENLEVERlaposte.net