1      Aux armes citoyens. 2

2      Le TCE dans les médias. 3

2.1       quelques échantillons de désinformation.. 3

2.2       Un cas aigu : Libération : 4

2.2.1        Une journée normale à Libération (mardi 22 mars 2005) Erreur ! Signet non défini.

3      L’Europe : une certaine idée du capitalisme.. 5

4      Le TCE : Une idole : le marché. Un exclu : le social.. 5

4.1       Que dit le texte. 7

4.1.1        Le TCE interdit toute restriction aux mouvements de capitaux : 7

4.1.2        Le TCE instaure la primauté d’un monétarisme sans contrôle : 7

4.1.3        Le TCE exclut une harmonisation européenne dans le domaine de l’emploi 7

4.1.4        Le TCE interdit à l’Union de statuer en matière de fiscalité directe ; en matière d’impôts indirects. 7

4.1.5        Le TCE exclut toute harmonisation en matière pénale : 7

4.1.6        Le TCE interdit désormais les subventions aux entreprises : 8

4.1.7        Le TCE soumet les entreprises publiques aux mêmes règles de concurrence que les entreprises privées : 8

4.1.8        Le TCE confie l’harmonisation des systèmes sociaux au fonctionnement (concurrentiel) du marché intérieur et à la coopération entre Etats ; il institutionnalise ainsi le dumping social : 8

4.1.9        Le TCE interdit toute restriction à la libre circulation des services : 8

4.1.10      Le TCE condamne les services publics à disparaître : 8

4.1.11    L’Europe privilégie la logique financière et actionnariale de l’entreprise : 9

4.2       Le TCE : une attaque contre les services publics. 9

4.3       Un exemple : l’éducation.. 11

4.4       La directive Bolkestein inacceptée ?. 12

4.5       Le TCE et Bolkestein n’ont-ils rien à voir ?. 13

4.6       Pourquoi la Turquie. 14

5      Le TCE : Une injure à la démocratie et aux valeurs républicaines. 15

5.1       Parce que le citoyen n’en n’est pas à l’origine. 15

5.2       Parce qu’il est inaccessible au citoyen.. 16

5.2.1        Comparaison du préambules et articles 1ers des constitutions de 1793, 1946, 2004. 16

5.3       Parce que le citoyen n’en n’est pas la finalité. 17

5.4       Parce que le citoyen n’y a pas voix.. 20

5.4.1    Ni directement 20

5.4.2    Ni par le biais du parlement 20

5.4.3    Ni par le biais de son gouvernement 20

5.5       Parce que tout le monde ne sera pas citoyen.. 21

5.6       Parce que des valeurs essentielles manquent à l’appel. 21

5.6.1        Droit au travail 21

5.6.2        Droit au logement 22

5.6.3        Laïcité. 22

5.6.4        Droit des femmes. 23

5.6.5        Droit des enfants. 23

5.6.6        Il légalise le Lock-out aujourd’hui non autorisé par le droit français. 24

5.6.7        Droit à un salaire minimum et à la retraite. 24

5.7       Parce que l’avenir de l’homme n’y est pas assuré. 24

6      Pourquoi ils sont pour.. 25

6.1       Pourquoi les  élites sont pour.. 25

6.1.1        L’effet Club. 25

6.1.2        Un exemple de club européen : confrontations Europe. 25

6.1.3        Un exemple de club planétaire : BILDERBERG.. 26

6.1.4        Un exemple de membre : Pascal Lamy. 27

6.1.5        Le syndrome de l’auto stoppeur. 27

6.1.6        Le complexe de surpuissance. 28

6.1.7        Le devoir de mentir. 28

6.2       Pourquoi la plupart des médias sont pour.. 29

6.3       Comment des citoyens peuvent-t-il être pour cette Europe. 30

6.3.1        La fin de l’histoire. 30

6.3.2        Le mythe du citoyen consommateur. 30

6.3.3        Le marché des indulgences. 31

6.4       Pourquoi une majorité de militants s’est prononcée pour le oui à gauche et chez les verts. 33

6.5       Pourquoi la Confédération Européenne des Syndicats (C.E.S.) a voté une motion de soutien.. 33

6.6       Comment les verts justifient leur Oui 34

6.7       Comment les socialistes  justifient leur Oui 34

7      Comment se prononcer en tant que citoyen.. 36

7.1.1        Le citoyen dépossédé : Platon contre Aristote. 36

7.1.2        Le citoyen instrumentalisé. 37

8      Les conséquences du non.. 37

9      Conclusion.. 38

10        D’autres adresses pour aller plus loin.. 38

1          Aux armes citoyens

Avertissement : Je n'adhère en aucune manière au repli nationaliste et je souhaite, quitte à ce qu’elle ne soit pas à 25, une Europe fédérale disposant d'un président élu au suffrage universel, composée de citoyens impliqués, disposant d'un parlement avec un véritable pouvoir législatif, d'une Europe qui se donne les moyens d'une véritable politique sociale, qui implémente une véritable vision des droits de l'homme, qui assume une vision de l'avenir compatible avec celui de la planète et qui exporte son modèle via une politique étrangère respectueuse de l’homme et dégagée des stricts intérêts commerciaux.

 

Cette constitution nous engage nous et nos enfants.

 

La constitution est, établie "pour une durée illimitée" (article IV-446)

 

Il n’est pas possible en tant que citoyen de se satisfaire des slogans qui fondent les débats dans les médias.

Le but ici n’est donc pas d’offrir un nième point de vue réducteur mais de  fournir une arme au sens « outil à caractère offensif » pour les citoyens qui désireraient se documenter plus avant sur la constitution européenne et la dynamique plus large dans laquelle elle s’inscrit.

 

Pour la bonne compréhension de ce qui suit lire TEC = traité établissant une constitution pour l’Europe.

 

Le TEC constituant comme il sera montré plus loin une violente atteinte aux principes démocratiques et à la citoyenneté et le ‘oui’ bénéficiant par ailleurs d’une intense campagne médiatique, l’objectif  est clairement ici de donner une visibilité aux discours du non.

Loin des slogans j’ai privilégié les textes s’attachant à une analyse rigoureuse du texte et de ses implications.

Les formidables enjeux liés au TEC ont heureusement généré de tout aussi formidables réactions de chercheurs, sociologues, philosophes, juristes, économistes qui ont trouvé en Internet un moyen de publier leurs réflexions en évitant les fourches caudines des médias officiels. Loin de moi l’idée de les concurrencer sur un terrain où je ne peux me prévaloir d’aucune expertise. Je me contenterai juste de mettre leurs travaux en perspective avec des commentaires de mon cru et dans la mesure du possible d’en permettre l’accès via un lien et d’en effectuer un modeste résumé. Ceci dit cela reste assez volumineux et je vous incite à n’y prendre que ce qui vous intéresse.

 

Vous pourrez trouver ici le texte du TCE.

 

Voici tout d’abord un rappel de la notion de citoyenneté que j’ai trouvé  ici trouvé sur le site http://www.diploweb.com/

 

« La souveraineté est la première des valeurs de la République. Il s'agit d'un système qui dit à tout citoyen, c'est à dire tout co-souverain : "Vous n'avez personne au-dessus de vous. Vous êtes collectivement responsables de vous-même, puisque vous faites la Loi. Vous devez la bien concevoir et surveiller ceux qui la mettent en œuvre. »

 

2          Le TCE dans les médias

 

Il suffit d’écouter la radio, de regarder la télévision ou d’ouvrir un journal pour s’apercevoir de l’unanimité dont les médias font preuve en faveur de la constitution les incite à se croire dispensés de prendre en compte les débats qui sont engagés dans de nombreuses strates de la société. Les médias ont abdiqué leur mission d’informateurs pour se faire acteurs.

 

Serge Halimi notait dès septembre 2004 dans Les cabris de Maastricht , le retour sur les ondes d’une campagne à sens unique : « Le rappel des outrances de la propagande passée permet de prendre la mesure de la troublante unanimité des discours présents. » et le site action-critique-médias de référencer dans un document en cours de constitution le dérapage généralisé des médias et de la communication institutionnelle. On peut aussi pour rigoler voir ici comment les sondages qui donnent le non gagnant ont pu être commentés. (ex : « Les partisans du traité se rendent compte que leurs arguments rationnels, ardus et austères, sont balayés par diverses allégations subjectives, simples et multiples. »)

 

Jean Paul Fitoussi (professeur d’études politiques et membre du conseil d’analyse économique) dans La politique de l’impuissance

 

La pensée unique est inconciliable avec l’ordre démocratique. On le voit bien aujourd’hui sur les questions européennes où jamais le débat n’a été aussi interdit. On assiste même à une vraie hallali contre ceux qui souhaitent débattre de ces questions.(….) Etrangement, ceux qui souhaitent l’Europe et la démocratie sont qualifiés d’anti-européens alors qu’on sait que, sur le long terme, l’absence de démocratie ne peut aboutir qu’à la destruction de l’Europe.  

Voici les chiffres résultant de l’observation des médias : pour la période du 1er au 14 mars trouvés par la confédération paysanne de José Bové (dans le Monde du 17 mars 2005 "Si le traité est voté, il n'y a plus d'échappatoire" par José Bové):à la télévision, si on compte les invités sur les plateaux, il y a eu 69% du temps d'audience pour le "oui" contre 31% pour le "non". A la radio, en prenant en compte les commentaires et les propos des invités, la balance est de 80% pour le "oui" et 20% pour le "non". Enfin, dans la presse écrite, avec les seuls commentaires et points de vue, on arrive à un sommet de 85% en faveur du "oui"!

2.1        quelques échantillons de désinformation

 

Pour une information honnête pendant la campagne du référendum relève par exemple les choix de France-Inter

« L’émission "Question directe", sur France Inter, depuis septembre 2004, a invité 16 fois le Parti socialiste (dont 4 membres favorables au "non") ; 15 fois l’UMP ; 6 fois l’UDF ; 2 fois le PCF ; 1 fois les Verts (dont le représentant était favorable au "oui") ; 1 fois Philippe de Villiers. Au total : 34 personnalités favorables au "oui" et 6 favorables au "non". »

L’émission "Respublica", sur France Inter, depuis mai 2004, a invité 9 fois le PS (dont 2 représentants favorables au "non") ; 11 fois l’UMP ; 3 fois l’UDF ; 2 fois le PCF ; 3 fois les Verts (tous les représentants étaient favorables au "oui") ; 1 fois le MRC ; 1 fois la LCR. Au total : 24 personnalités favorables au "oui" et 7 favorables au "non".

Une Lettre ouverte au CSA, à Radio France et au Ministère de la propagande cite en exemple le 1er des spots qui seront diffusés par 11 chaînes de radios en métropole et 5 dans les DOM-TOM :

 

Voici le texte du spot : « Article 47 ; Des citoyens de l’Union, au nombre d’un million au moins, peuvent inviter la Commission à soumettre une proposition appropriée sur des questions pour lesquelles ces citoyens considèrent qu’un acte juridique de l’Union est nécessaire. »

 

Alors que l’alinéa 4 de l’article I -47 dans sa totalité est ainsi libellé : « Des citoyens de l’Union, au nombre d’un million au moins, ressortissants d’un nombre significatif d’États membres , peuvent prendre l’initiative d’inviter la Commission, dans le cadre de ses attributions , à soumettre une proposition appropriée sur des questions pour lesquelles ces citoyens considèrent qu’un acte juridique de l’Union est nécessaire aux fins de l’application de la Constitution.  »

 

Il ne s’agit donc ni plus ni moins que d’un mensonge par omission qui augure de ce que seront les prochains spots et tout cela au frais du citoyen.

 

Mieux vaut être riche et bien portant » (par le Ministère de la propagande et ses auxiliaires) dénonce les écrans publicitaires vantant sur différents médias la constitution et qui « ont tous en commun d’extraire du projet de Traité constitutionnel une courte citation qui, parce qu’elle met en avant des déclarations d’intentions consensuelles, ne peut être qu’approuvée, comme si ces citations étaient représentatives de l’ensemble du Traité et de son ‘esprit’, » et de donner comme exemple : « l’Europe souhaite approfondir le caractère démocratique et transparent de sa vie publique et œuvrer pour la paix, la justice et la solidarité dans le monde » ou « Un niveau élevé de protection de l’environnement et l’amélioration de sa qualité doivent être intégrés dans les politiques de l’Union et assurés conformément au principe du développement durable »

 

Dans L’Europe, l’Europe...: L’impossible débat, sur France Inter, on voit que c’est « l’existence même d’un débat devient l’enjeu d’un ‘débat’ » et que « la scène vaut la peine d’être étudiée de près. »

2.2        Un cas aigu : Libération :

 

A titre personnel je me suis amusé à décrypter les positions du journal Libération auquel je suis abonné et qui en dehors du fait d’être d’une scrupuleuse malhonnêteté dès lors qu’il s’agit d’aborder la constitution européenne, doit subir de plus une terrible schizophrénie puisqu’il publie (rarement) dans ses pages tribune libre, rebond, etc.… des opinions de personnes tout à fait honorables bien qu’opposées au TCE mais se refuse à considérer que ces opinions peuvent prêter à débat puisqu’il s'acharne à longueur d’articles et d’éditoriaux à renvoyer les arguments du non à de simples postures, stratégies ou pulsions relevant d’une pathologie facilement identifiable.

 

J’ai noté de ci de là :

 

Editorial de Jean-Michel Thénard (21 février 2005): «[la] Nouvelle génération au PS, qui, avec François Hollande, a fait le choix d’un oui de raison contre le non fabiusien, synonyme d’opposition réflexe à Chirac. » 

 

Editorial de Gérard Dupuy  (lundi 07 mars 2005): « A l'intérieur de la gauche, l'hostilité à l'égard de la construction européenne appuyée sur un héritage marxisant et un nationalisme jacobin (compères intermittents), est aussi vieille, et même plus, que le traité de Rome lui-même. »

 

Editorial du même Jean-Michel Thénard (19 mars 2005) « Le oui de gauche, lui, a fait le pari que l'électorat saura en rester au sujet traité parce que l'Europe le vaut bien. Le pari du rationnel contre le passionnel »

 

Editorial de Jean-Michel Thénard (encore lui !) « Le non triomphe et il entrera [Chirac] dans l'Histoire comme le président qui a fait imploser l'Europe. Celui qui aura vu sous son règne la France quitter son rôle d'acteur majeur de la construction européenne pour se draper dans le splendide refus solitaire d'une Union «libérale» à 25. »

 

Article (demie-page titre en gros par Jean Quatremer) « Le Pacte de stabilité, nouveau symbole de souplesse » sous-titré « Sa réforme [le pacte de stabilité] prouve que les textes européens ne sont pas aussi définitifs que le dénoncent leurs détracteurs. »  tentant de démontrer que la règle de l’unanimité n’a pas bloqué cette réforme : « Les gouvernements ont une nouvelle fois fait la preuve que rien n'est jamais «inscrit dans le marbre» au sein de l'Union européenne, contrairement à ce qu'affirment les opposants au projet de Constitution, en assouplissant le pacte de stabilité et de croissance, ce corset qui contraint les politiques budgétaires »

 

Le même Jean Quatremer dont on a pu juger de l’objectivité étant en charge ces jours ci de répondre sans parti pris aux grandes questions que se posent les lecteurs sur la constitution ce qui donne en gros à gauche OUI avec une phrase d’un tenant du oui, NON à droite avec une phrase d’un tenant du non et pleine page le jugement du roi Salomon par Quatremer. Libération dont une majorité des lecteurs doivent être du coté du non ne recule devant rien pour faire campagne et surtout pas devant le fait de prendre ses lecteurs (futurs ex lecteurs) pour des imbéciles.

Le déséquilibre est d’ailleurs flagrant. Ainsi le mardi 22 mars 2005 y avait-il 5 articles en faveur du oui dont une tribune de Bernard Poignant et aucun en faveur du non.

 

On peut se rappeler à ce sujet que Noam Chomsky (voir ici) notait dans «La fabrication du consentement » en 1988 que « le rôle que s’assignent les médias n'est pas d'informer les citoyens, mais de fabriquer leur consentement. » et que « la propagande découle de la conviction qu`il appartient à une élite éclairée de conduire les masses ignorantes

 

Les conditions de délivrance par les médias d’une information complète et objective ne sont plus réunies. Le citoyen doit prendre l’habitude de se constituer ses propres canaux d’information !

 

Et suivre le conseil de Daniel Schneidermann dans Libération du 25 mars 2005 intitulée « Référendum: oui-carotte contre oui-bâton » :

Descendez sur le Net. En bas, sur la Toile, on discute pied à pied des articles du projet de Constitution. Leurs contradictions, leurs ambiguïtés, leur découpage. Oui ou non, l'article 144 ouvre-t-il la voie à la directive Bolkestein ? On plonge dans les entrailles du texte. On essaie de comprendre. Il règne un appétit de savoir, une conscience de l'enjeu, un désir forcené de ne pas voter à la légère [...] Une immersion prolongée rend surréalistes les retours à la surface [comprendre les médias officiels].

 

Internet est le recours de ceux qui veulent savoir

 

3          L’Europe : une certaine idée du capitalisme

Pour comprendre l’Europe et la dynamique dans laquelle s’inscrit le traité il me semble indispensable de commencer par La constitutionnalisation du capitalisme, analyse remarquable et passionnante de Yves Bonin qui effectue la synthèse socio-historique de la construction européenne en s’appuyant notamment sur les travaux de la chercheuse Belge Corinne Gobin.

On y lira que « L’objet même de cette construction, …est d’en finir avec le conflit politique (et syndical), de passer du gouvernement des hommes à l’administration des choses, d’instaurer le règne des experts; et pour cela de dissoudre, subvertir, noyer les instances et les lieux de débat (de conflit) et de décisions démocratiques, de les vider de leur substance, de les contourner, de les délégitimer. »

On y découvrira comment à un droit social ou droit historique issu des luttes et qui est le compromis d’intérêts contradictoire, on va substituer au sein de l’Europe un droit a-historique dit auto-référent :« [il consiste] à définir des normes supérieures d’où toutes les autres découlent. Ce Droit est autonome par rapport à la sphère politique ou sociale. Il se crée dans la seule sphère juridique, se sécrète lui-même, se «déroule» selon ses propres logiques juridiques, s’auto-engendre, et ne s’appuie pour évoluer que sur la jurisprudence et la doctrine. Parce qu’il n’est pas le produit des conflits sociaux et politiques (au moins le prétend-il, car il découle naturellement en fait d’une domination sociale et politique) , il est a-historique »

 « on ne va pas du conflit à la loi, qui en enregistre le résultat historique, mais on déduit la loi de valeurs installées a priori. Et du même coup, on ne reconnaît pas au moins symboliquement des adversaires dressés l’un contre l’autre, et qui parviennent mon an mal an à un compromis: tout le monde fait partie du même monde, on est partenaires, on fait partie du même réseau. Les classes se dissolvent au profit des multitudes d’individus, censés agir au nom des mêmes ‘valeurs’»

 

On y voit que la norme suprême qui a présidé à la construction de l’Europe et de laquelle tout le droit découle est sans surprise celle de la « libre concurrence du marché », que« la seule «valeur» qui s’impose à toutes les autres est celle de la compétitivité de l’entreprise » et que la liberté qu’on nous fait miroiter est celle du « libre renard dans le libre poulailler ».

Il démontre surtout à propos de l’Europe qu’on nous propose que :

« Il est absurde de vouloir y injecter du social, ou de détourner ce système pour le transformer en système à visée avant tout sociale: il a été bâti d’emblée pour des objectifs inverses. »

 

L’Europe qu’on nous prépare est une Europe des experts dans laquelle le citoyen n’a pas sa place

 

4          Le TCE : Une idole : le marché. Un exclu : le social

 

A LIRE:

La Constitution européenne et les services publics - Alain Lecourieux - Membre du Conseil Scientifique d’Attac

La constitutionnalisation du capitalisme, analyse remarquable et passionnante de Yves Bonin s’inspirant de Corinne Gobin

Il faut lire le projet de constitution européenne de Robert Joumard (directeur de recherche à l’INRETS)

A VOIR

Le site de l’union pour une Europe sociale

 

La constitution européenne est un gigantesque trompe l’œil qui d’un coté liste des valeurs et organise simultanément leur inconsistance juridique de telle sorte qu’il soit impossible des les opposer devant un quelconque tribunal et d’un autre coté consacre les ¾ du texte à définir de manière extrêmement précise, les principes fondateur de la libre concurrence et de l’économie de marché, ceux la même qui commencent à être contestés dans leurs effets par une frange de plus en plus importante des populations qui en sont victime. Elle compte bénéficier en ce sens de la dynamique de l’entrée des pays de l’est pour lesquels le marché et la société de consommation sont des rêves restés trop longtemps inaccessibles.

 

Robert Joumard

 

L'article I-4-1 classe sur un plan identique parmi les libertés fondamentales "la libre circulation des personnes, des services, des marchandises et des capitaux", périphrase reprise dans le préambule de la charte des droits fondamentaux (partie II). Cette exigence est le leitmotiv de tout le texte, le mot "marché" y figurant 78 fois, et le mot" concurrence" 27 fois (mais "progrès social" trois fois et "plein emploi" une seule fois). On détaillera plus loin cette sacralisation de l'ultra-libéralisme économique, auquel toutes les autres politiques sont subordonnées. La loi absolue du marché n’est plus une option à soumettre aux électeurs, mais un acquis constitutionnel, à ne pas discuter.

 

Christian Saint Etienne Pdt de l'Institut France Stratégie dans Le Figaro 08/02/05

La concurrence totalement débridée conduit au triomphe des normes les plus minimales, proches de l'absence de toute norme. Elle est la négation pure et simple de ce que les démocraties libérales modernes ont voulu construire depuis deux siècles.
La directive Bolkestein est-elle le fruit mauvais d'un passé vicié que l'actuel projet de traité constitutionnel va rendre impossible ? En réalité,
le projet de traité constitutionnel consolide la base juridique qui fonde la directive Bolkestein !
Le  corpus juridique européen nous conduit-il vers une démocratie ou vers une zone de
marchéisme débridé ? La réponse à cette question est maintenant aveuglante.  

Un réseau de 300 économistes européens  (le mémorandum-group) spécialiste de politique Européenne a étudié le projet européen et fait  dans un document de synthèse (EuroMemorandum) des critiques et des propositions

 

Ils constatent que :

 

Le projet de Constitution Européenne, signé à la fin du mois d’octobre et désormais soumis à la procédure de ratification, ne permet pas de garantir la réussite du Modèle Social Européen et s’y oppose sur de nombreux points.

En premier lieu, le déficit démocratique dont souffrent les traités européens n’est pas corrigé dans les principaux axes du texte. Le Parlement Européen ne dispose toujours pas du droit d’initiative en matière législative tandis que des domaines clés comme la fiscalité et les droits des travailleurs demeurent en dehors de son champ de compétences. Les règles de politiques économiques et sociales inscrites dans la Constitution donnent aux dispositions restrictives et préjudiciables des Traités, une valeur constitutionnelle. Elles deviendront très difficiles à modifier, même si un consensus académique venait à les remettre en cause ou si de nouvelles majorités politiques se dégagent. La partie III de la Constitution tente de protéger les orientations néolibérales pourtant controversées des critiques grandissantes théoriques et politiques, en leur conférant un statut Constitutionnel. Cela reflète une attitude ascientifique et profondément antidémocratique.
Notre principal désaccord porte sur le cadre de politique économique et sociale de ce projet de Constitution,
entièrement sous l’emprise des valeurs de la concurrence et du libre -marché. La Constitution n’accorde aucune place à un secteur public développé soumis au contrôle démocratique, bien qu’il soit indispensable à la cohésion économique et sociale. La priorité accordée par la Constitution à la libre concurrence ouvre la voie au dumping social et au nivellement par le bas des droits sociaux. Le cadre macroéconomique, extrêmement restrictif n’est pas en mesure de garantir un développement économique durable et le plein emploi. Enfin, la Constitution n’accorde à l’UE aucune compétence pour garantir la protection sociale, les droits des travailleurs et la cohésion sociale partout dans l’Union alors que les droits de employeurs sont sans cesse réévalués.

 

Et proposent  de:

 

Lutter contre la pauvreté en s’appuyant sur un budget européen accru permettant des transferts directs vers les personnes les plus touchées par ce fléau.

Mettre un coup d’arrêt à la déréglementation et à l’intensification de la concurrence. L’Union doit abandonner son projet de directive sur la mise en œuvre du marché unique dans le secteur des services et proposer un moratoire sur la privatisation des services publics tant qu’un audit indépendant et approfondi sur les conséquences économiques et sociales des précédentes vagues de libéralisation, de déréglementation et de privatisation ne sera pas effectué et débattu publiquement.

Lutter contre la détérioration des conditions de travail dans l’Union, par l’abandon du projet de directive sur la durée du travail, qui relève la durée maximale autorisée et explorer au contraire les différentes voies possibles de réduction du temps de travail

Réviser entièrement la politique économique et sociale de l’UE, avec pour ambition de promouvoir un véritable Modèle Social Européen, constituant une alternative au modèle américain, dont les éléments clés, devant faire l’objet d’un large débat public, sont les suivants :

- le plein emploi, dans le cadre de conditions de travail décentes et de rémunérations suffisantes pour permettre à chacun de mener sa vie de manière digne et indépendante

- une protection sociale permettant à chacun de se prémunir contre le risque de pauvreté et d’exclusion

- la justice sociale définie comme l’absence de discrimination et d’inégalités excessives en matière de revenu, de richesse et d’accès au biens et services publics

- le développement durable , permettant la préservation de l’environnement

- des relations internationales équilibrées et une aide au développement efficace, conditions indispensables à la paix et à la stabilité politique

4.1        Que dit le texte

 

L’essence de cette constitution peut être trouvée dès le 2ème article de la partie II (‘les objectifs de l’union)

article I-3-2
L'Union offre à ses citoyens un espace de liberté, de sécurité et de justice sans frontières intérieures, et un marché intérieur
où la concurrence est libre et non faussée.

 

Le marché et la concurrence sont ensuite déclinés, précisés et ressassés  tout du long de la partie III Les politiques et le fonctionnement de l'Union dans des articles qui vont tous dans le même sens et dont voici quelques exemples (relevés par Philippe Collod, juriste de formation et ancien directeur d’entreprise).

 

4.1.1        Le TCE interdit toute restriction aux mouvements de capitaux :

Article III–156 : les restrictions tant aux mouvements de capitaux qu’aux paiements entre les Etats membres et entre les Etats membres et les pays tiers sont interdites.

 

4.1.2        Le TCE instaure la primauté d’un monétarisme sans contrôle :

Articles III–188 : Dans l’exercice des pouvoirs et dans l’accomplissement des missions et des devoirs qui leur ont été conférés par la Constitution et le statut du Système européen de banques centrales et de la Banque centrale européenne,  ni la Banque centrale européenne, ni une banque centrale nationale, ni un membre quelconque de leurs organes de décision ne peuvent solliciter ni accepter des instructions des institutions, organes ou organismes de l’Union, des gouvernements des Etats membres ou de tout autre organisme.

 

4.1.3        Le TCE exclut une harmonisation européenne dans le domaine de l’emploi

et n’autorise que des encouragements à la coopération entre Etats en ce domaine :

Article III-207 : La loi ou loi-cadre européenne peut établir des actions d’encouragement destinées à favoriser la coopération entre les Etats membres et à soutenir leur coopération dans le domaine de l’emploi par des initiatives visant à développer les échanges d’informations et de meilleures pratiques …

La loi ou loi-cadre européenne ne comporte pas d’harmonisation des dispositions législatives et réglementaires des Etats membres.

 

4.1.4        Le TCE interdit à l’Union de statuer en matière de fiscalité directe ; en matière d’impôts indirects

elle ne peut statuer que pour éviter les distorsions de concurrence et seulement à l’unanimité.

Article III-171 : Une loi ou loi-cadre européenne du Conseil établit les mesures concernant  l’harmonisation des législations relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires, aux droits d’accises et autres impôts indirects, pour autant que cette harmonisation soit nécessaire pour assurer l’établissement ou le fonctionnement du marché intérieur et éviter les distorsions de concurrence. Le Conseil statue à l’unanimité, après consultation du Parlement européen et du Comité économique et social.

 

4.1.5        Le TCE exclut toute harmonisation en matière pénale :

Article III-272 de la section 4 ‘Coopération judiciaire en matière pénale’ : ‘La loi ou loi-cadre européenne peut établir des mesures pour encourager et appuyer l’action des Etats membres dans le domaine de la prévention du crime, à l’exclusion de toute harmonisation des dispositions législatives et réglementaires des Etats membres’.

 

4.1.6        Le TCE interdit désormais les subventions aux entreprises :

Article III-167.1 : ‘Sauf dérogations prévues par la Constitution, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats membres ou au moyen de ressources d’Etat sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions’.

 

4.1.7        Le TCE soumet les entreprises publiques aux mêmes règles de concurrence que les entreprises privées :

Article III-166 1 : Les Etats membres, en ce qui concerne les entreprises publiques et les entreprises auxquelles ils accordent des droits spéciaux ou exclusifs, n’édictent ni ne maintiennent aucune mesure contraire à la Constitution, notamment à l’article I-4, paragraphe 2, et aux articles III-161 à III-169’.

 

4.1.8        Le TCE confie l’harmonisation des systèmes sociaux au fonctionnement (concurrentiel) du marché intérieur et à la coopération entre Etats ; il institutionnalise ainsi le dumping social :

Article III-209 : L’Union et les Etats membres, conscients des droits sociaux fondamentaux, [ … ] ont pour objectif la promotion de l’emploi, l’amélioration des conditions de vie et de travail, permettant leur égalisation dans le progrès, une protection sociale adéquate, le dialogue social, le développement des ressources humaines permettant un niveau d’emploi élevé et durable, et la lutte contre les exclusions [ … ] A cette fin, l’Union et les Etats membres agissent en tenant compte de la diversité des pratiques nationales en particulier dans le domaine des relations conventionnelles, ainsi que la nécessité de maintenir la compétitivité de l’économie de l’Union. Ils estiment qu’une telle évolution résultera tant du fonctionnement du marché intérieur, qui favorisera l’harmonisation des systèmes sociaux, que des procédures prévues par la Constitution et du rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres.

 

4.1.9        Le TCE interdit toute restriction à la libre circulation des services :

Sous-section 3 Liberté de prestation de services Article III-144: Dans le cadre de la présente sous-section, les restrictions à la libre circulation des services à l’intérieur de l’Union sont interdites à l’égard des ressortissants des Etats membres établis dans un Etat membre autre que celui du destinataire de la prestation.

 

4.1.10    Le TCE condamne les services publics à disparaître :

Le terme de ‘services publics’ est banni du TCE qui retient celui de ‘Services d’intérêt économique général’.

On ne trouve aucune trace de ces SIEG dans les objectifs de l’Union ; le traité emploie à leur égard des formules ambiguës ou contradictoires pour les soumettre aux règles de la concurrence ; exemple :

Article II-96 Accès aux services d’intérêt économique général : ‘L’Union reconnaît et respecte l’accès aux services d’intérêt économique général tel qu’il est prévu par les législations et réglementations nationales, conformément à la Constitution, afin de promouvoir la cohésion sociale et territoriale de l’Union.

 

Le ‘conformément à la Constitution’ renvoie au primat de la concurrence libre et non faussée, et à ses règles.

Ce principe martelé tout au long du traité traduit la conviction des rédacteurs que ‘l’équilibre atteint par le marché est le meilleur possible’, que toute intervention publique ne peut que le détériorer, qu’il convient donc de diminuer l’influence de l’Etat en commençant par la baisse des impôts.

Pour être certain qu’il ne puisse y avoir de confusion, le praesidium est allé jusqu’à préciser : « Cet article ne crée pas de droit nouveau.. » On ne saurait être plus clair.

Rappelons également que cet article est l’un des principaux arguments du oui socialiste : François Hollande : « pour la première fois, la Constitution reconnaît les services publics »

Il suffit par ailleurs d’aller voir ce qui se dit dans les clubs (voir confrontations Europe par exemple) où se rencontrent industriels et hommes politiques pour se rendre compte qu’il n’y a pas un groupe international qui n’ait actuellement dans ses projets d’investir ces fameux SIEG.

 

Par ailleurs le TCE se borne à constater que certains droits existent dans certains états (pour le moment mais qu’en sera-t-il lorsque ces droits seront assurés par le privé et qu’il faudra confronter l’intérêt de l’entreprise avec le principe de péréquation des droits). En aucun cas il s’agit de droits reconnus au citoyen européen Ces articles excluent donc toute harmonisation !!. par  exemple :

 

Concernant la sécurité sociale:

Article II-94 . 1 L’Union reconnaît et respecte le droit d’accès aux prestations de sécurité sociale et aux services sociaux assurant une protection dans des cas tels que la maternité, la maladie, les accidents du travail, la dépendance ou la vieillesse, ainsi qu’en cas de perte d’emploi, selon les règles établies par le droit de l’Union et les législations et pratiques nationales.

 

Nous pouvons rappeler ici que la formulation « reconnaît et respecte » dégage juridiquement l’état de toute obligation en la matière et que ne pas préciser par exemple la nature du système de sécurité sociale est une porte grande ouverte aux fonds de pensions. D’ailleurs là aussi le praesidium s’est chargé de déniaiser les idéalistes : « La référence à des services sociaux vise les cas dans lesquels de tels services ont été instaurés pour assurer certaines prestations, mais n’implique aucunement que de tels services doivent être crées quand il n’en existe pas. »

 

La constitution a déjà intégré la future privatisation des services publics

 

4.1.11    L’Europe privilégie la logique financière et actionnariale de l’entreprise :

Rappelons ici, que l’Europe, renonçant à défendre son propre projet en matière de régulation des entreprises, a adopté en juillet 2003 les normes comptables de l’IASB (organisme privé filiale à 100% d’une fondation américaine basée à Londres), qui privilégient la logique de court terme des investisseurs financiers, celle de l’entreprise qui s’achète et se vend comme toute autre marchandise. L’entrepreneur est ainsi appelé à devenir spéculateur, et le concept d’entreprises socialement responsables renvoyé aux discours.

 

Les fondateurs de la Communauté Européenne avaient choisi le Marché comme instrument de  sa construction, 50 années plus tard l’Europe a le marché pour idole.

 

Certains articles frisent d’ailleurs l’obsession ou la caricature.

article III-131

Les États membres se consultent en vue de prendre en commun les dispositions nécessaires pour éviter que le fonctionnement du marché intérieur ne soit affecté par les mesures qu’un État membre peut être appelé à prendre en cas de troubles intérieurs graves affectant l’ordre public, en cas de guerre ou de tension internationale grave constituant une menace de guerre, ou pour faire face aux engagements contractés par lui en vue du maintien de la paix et de la sécurité internationale.

 

Même en cas de guerre, la constitution protège le marché...

 

4.2        Le TCE : une attaque contre les services publics

Contrairement à ce que les partisans du oui laissent à faire accroire et comme on pouvait s’y attendre, le traité se garde bien d’offrir un cadre aux services publics puisque l’objectif à terme est bien évidemment de généraliser le principe de la « concurrence libre et non faussée »

Corinne Gobin décrit ainsi la mutation de l’état social :

Nous semblons en effet passer d’une organisation politique où certains instruments ont été conçus pour fonder et réaliser des droits (comme les systèmes de sécurité sociale) à un système où ces mêmes instruments seraient avant tout au service des politiques de marché, et ne seraient plus que subsidiairement fondateurs de droits, et seulement de droits “désuniversalisés” pour répondre à la situation de marchés diversifiés.

 

Voici les liens de dépendance des articles concernant les services publics.  Si on ne prend que le 1er, l’Europe offre un socle juridique aux services publics comme le clament les partisans du oui. Si on les considère les uns par rapport aux autres, il devient flagrant qu’il s’agit à nouveau d’un trompe l’œil (de citoyen) qui définit en fait le cadre de leur démantèlement.

 

Une lecture parallèle s’impose (d’après ATTAC):

Article II-96 : Accès aux services d’intérêt économique général

L’Union reconnaît et respecte l’accès aux services d’intérêt économique général tel qu’il est prévu par les législations et pratiques nationales, conformément à la Constitution, afin de promouvoir la cohésion sociale et territoriale de l’Union.

 

Article 16 (actuellement en vigueur)

Sans préjudice des articles 73, 86 et 87, et eu égard à la place qu’occupent les services d’intérêt économique général parmi les valeurs communes de l’Union ainsi qu’au rôle qu’ils jouent dans la promotion de la cohésion sociale et territoriale de l’Union. La Communauté et ses États membres, chacun dans les limites de leurs compétences respectives et dans les limites du champ d’application du présent traité, veillent à ce que ces services fonctionnent sur la base de principes et dans des conditions qui leur permettent d’accomplir leurs missions.

 

Il suffit déjà de mettre en vis à vis cet autre article :

 

Article III.122 (nouvelle rédaction) :

Sans préjudice des articles III-238, III-166 et III-167, et eu égard à la place qu’occupent les services d’intérêt économique général en tant que services auxquels tous dans l’Union attribuent une valeur ainsi qu’au rôle qu’ils jouent dans la promotion de la cohésion sociale et territoriale de l’Union. L’Union et ses États membres, chacun dans les limites de leurs compétences respectives et dans les limites du champ d’application du présent traité, veillent à ce que ces services fonctionnent sur la base de principes et dans des conditions, notamment économiques et financières, qui leur permettent d’accomplir leurs missions. La loi européenne définit ces principes et ces conditions. sans préjudice de la compétence qu’ont les États membres, dans le respect de la Constitution, de fournir, de faire exécuter et de financer ces services.

 

Pour s’apercevoir que :

a) Les services publics « économique » restent soumis aux règles de la concurrence (III-166) et à la limitation des aides publiques (III-167). Aucun changement puisque ces articles sont la transposition mots pour mots des articles 86 et 87 qui ont servit à détruire les services publics (France Télécoms, EDF, GDF, La Poste, ANPE,etc...).
b)
La notion de « valeur commune » disparaît ce qui est un recul important.
c) La précision apportée sur les « conditions économiques et financières » du fonctionnement renforce l’idée
d’une gestion « comptable » des services publics. Pas vraiment une avancée !
d) Introduction du principe d’une loi « cadre » précisant les principes et conditions de fonctionnement des services publics. Notons que cette loi ne pourra néanmoins pas remettre en question les principes « constitutionnels » de mise en concurrence et de restrictions des aides !

Ce qui a été noté par une foultitude de personnes qui se sont attachées à effectuer l’exégèse d’un texte à 2 niveaux de lecture.

Aucune garantie pour les services publics dans le projet de Constitution, par Jean-Jacques Chavigné et Gérard Filoche
Tout d’abord, le projet de Constitution n’utilise jamais le terme de “ services publics ”. Le terme “ public ” est banni du vocabulaire de l’Union européenne. Le projet de Constitution ne veut connaître que les Services d’Intérêt Economique Général (SIEG).
Le respect de l’accès aux SIEG n’apparaît que dans l’article II-36. Mais cet article ne crée aucun droit nouveau : le projet de Constitution se contente d’affirmer que l’Union “ reconnaît et respecte l’accès aux services d’intérêt général tels qu’il est prévu dans les législations et pratiques nationales ”. Il n’implique en aucun cas la création de services d’intérêt général lorsqu’ils n’existent pas.
Ce n’est qu’à l’article III-122 que les SIEG trouve une base juridique.
Mais le contenu de cet article se contente de reprendre, sans changement significatif, ce qui était déjà inclus dans l’article 16 du Traité instituant la Communauté Européenne (TCE) : “ ... l’Union et les Etats membres... veillent à ce que ces services fonctionnent sur la base de principes et dans des conditions, notamment économiques et financières, qui leur permettent d’accomplir leurs missions ”. Rien de nouveau, donc, sous le soleil et aucune raison de se féliciter puisque cet article n’a pas apporté la moindre protection à la libéralisation des services publics des Etats membres de l’Union : transport ferroviaire, transport aérien, services postaux, télécommunications, énergie...
Et, comme dans le Traité instituant la Communauté Européenne (TCE), cet article soumet les SIEG à deux autres articles qui en fixent aussitôt les limites étroites. Dans le projet de Constitution, il s’agit des articles III-166 et III-167 qui reprennent intégralement les articles 86 et 87 du TCE.
Ces deux articles interdisent aux SIEG de bénéficier d’aides publiques qui “ faussent ou qui menacent de fausser la concurrence ” et les soumettent aux règles de la concurrence. C’est ces deux articles qui ont servi de point d’appui à l’offensive continue contre les services publics des Etats membres depuis plus de dix ans.
Le projet de Constitution par son absence de définition des “ services publics ” et par la soumission à la concurrence qu’il impose aux SIEG ne présente, contrairement à ce qu’affirment les partisans du projet de Constitution, aucune garantie contre l’un des aspects les plus négatifs de la directive Bolkestein : son attaque en règle contre les services publics.
Pire, l’article III-48 encourage la libéralisation des services :
“ Les Etats-membres s’efforcent de procéder à la libéralisation des services au-delà de la mesure qui est obligatoire... ” !

Certains d’ailleurs ne s’y sont pas trompés :

 

Ernest-Antoine Seillière, président du Medef(SIC !)

L'acquis social doit céder le pas devant la nécessité économique... 

La Constitution est un progrès pour une économie plus flexible et pour un Etat allégé. Elle bénéficiera aux entreprises. 

 

4.3        Un exemple : l’éducation

 

Depuis longtemps les entreprise sont dans l’attente d’une libéralisation de ce secteur laquelle est déjà bien avancée.

Cahier de politique économique" n°13 de l'OCDE

Si l'on diminue les dépenses de fonctionnement, il faut veiller à ne pas diminuer la quantité de service, quitte à ce que la qualité baisse. On peut réduire, par exemple, les crédits de fonctionnement aux écoles et aux universités, mais il serait dangereux de restreindre le nombre d'élèves ou d'étudiants. Les familles réagiront violemment à un refus d'inscription de leurs enfants, mais non à une baisse graduelle de la qualité de l'enseignement. Cela se fait au coup par coup, dans une école et non dans un établissement voisin, de telle sorte qu'on évite un mécontentement général de la population.

Le marché de l’enseignement Raoul Marc Jennar en 2003

l’éducation n’est plus un droit assuré par un service, ce n’est plus qu’un marché qu’il faut impérativement ouvrir à la concurrence. La grande ambition inscrite dans les textes les plus fondamentaux sur le droit pour tous au savoir est reléguée aux oubliettes. Mme Viviane Reding, commissaire européenne à l’éducation et à la culture l’affirmait dans un récent article : « il faut rendre nos universités compétitives sur le marché mondial de l’enseignement supérieur]» Elle faisait ainsi écho à une déclaration du représentant de l’Union européenne auprès de l’OMC affirmant, en juin 2000, « l’éducation et la santé sont mûres pour la libéralisation. »

dans Le traité constitutionnel et l’éducation le Collectif havrais pour le NON A LA CONSTITUTION EUROPEENNE relève que « C’est toute une conception du système éducatif qui est en cause : s’agit-il de former des citoyens ou de futurs salariés précaires ? », que « tout concorde à mettre l’éducation nationale au service du marché et de la libre concurrence. » et que « La raison d’être des services dont il est question dans ce traité n’est plus la réponse aux besoins des populations. Ces services sont tenus de présenter un intérêt économique et sont astreints à la compétitivité et à la rentabilité. ».

S’en suit une analyse des articles concernant l’éducation. Par exemple :

 

Article II-74

« 1/ Toute personne a droit à l’éducation ainsi qu’à l’accès à la formation professionnelle et continue. »

« 2/ Ce droit comporte la faculté de suivre gratuitement l’enseignement obligatoire. »

« 3/La liberté de créer des établissements d’enseignement dans le respect des principes démocratiques ainsi que le droit des parents d’assurer l’éducation et l’enseignement de leurs enfants conformément à leurs convictions religieuses, philosophiques et pédagogiques sont respectés selon les lois nationales qui en régissent l’exercice. »

 

Seul l’enseignement obligatoire étant gratuit, c’est donc la porte ouverte à la privatisation de l’enseignement supérieur prévu d’ailleurs par le même article dans La liberté de créer des établissements d’enseignement.

4.4        La directive Bolkestein inacceptée ?

Que cette directive soit inacceptable en l’état, même notre président fait mine de le découvrir maintenant. Qu’elle ne soit pas d’ors et déjà acceptée est un autre débat.

Raoul Marc JENNAR reprend dans Quelques vérités sur Bolkestein l’historique de cette directive :

-          Adoption à Lisbonne par les chefs d’état, dont le couple Chirac Jospin, d’une stratégie pour faire de l’Europe « l’économie la plus compétitive du monde. ».

-          Adoption par le parlement le 13 février 2003 d’une résolution dont : - au point 35, il « se félicite des propositions visant à créer un instrument horizontal pour garantir la libre circulation des services sous forme de reconnaissance mutuelle. » - au point 39, il considère que « les principes du pays d’origine et de la reconnaissance mutuelle sont essentiels à l’achèvement du marché intérieur des biens et des services » votée par une majorité dont des solialistes (Catherine Lalumière, Michel Rocard, Martine Roure, …) et des écologistes (Gérard Onesta, Yves Piétrasanta).

-          Adoptée le 13 janvier 2004 par la commission européenne (dont Michel Barnier UMP).

-          Passe sans encombre en examen intergouvernemental

-          Est confortée par les chefs d’état (dont Jacques  Chirac) lors du Sommet européen des 25 et 26 mars 2004, à Bruxelles qui adoptent un texte dans lequel on peut lire, à propos de la stratégie de Lisbonne : « Dans le secteur des services, qui demeure fortement fragmenté, une concurrence accrue s’impose pour améliorer l’efficacité, accroître la production et l’emploi et servir les intérêts des consommateurs. L’examen du projet de directive sur les services doit être une priorité absolue et respecter le calendrier envisagé. »

-          Une audition d’experts est organisée au Parlement européen le 11 novembre ; à la demande de Mme Patrie et du Groupe de la Gauche Unitaire Européenne (dont Raoul Marc JENNAR. Il se dégage de la majorité des interventions que cette directive va provoquer la plus formidable insécurité juridique, qu’elle rend inopérante la directive existante sur le détachement des travailleurs, qu’elle compromet gravement la Convention Rome I (respect du droit du pays dans lequel le travailleur exerce son activité), qu’elle ruine toute possibilité pour les Etats qui organisent un système de couverture des soins de santé de pouvoir maintenir une telle politique, qu’elle consacre, à l’instar du traité constitutionnel européen, l’abandon de la technique de l’harmonisation comme instrument prioritaire de l’intégration européenne.

-          La Commission européenne rejette en bloc toutes ces observations.

-          Lors du Conseil des Ministres chargé des questions de compétitivité les 25-26 novembre 2004, « la proposition de directive fait l’objet d’un accueil globalement favorable par les Etats membres. » La France indique qu’elle ne s’oppose pas à l’application du principe du pays d’origine.

-          M. Barroso déclare le 2 février 2005, que « la libéralisation des services est la première de ses priorités. » Il précise que son programme constitue « une rupture claire avec la pensée européenne d’un passé récent quand les préoccupations environnementales et l’amélioration des droits des travailleurs recevaient la même priorité que la nécessité de générer de la croissance. » (sic)

Raoul Marc JENNAR remarque enfin judicieusement que : « Les prises de position tonitruantes des autorités françaises n’ont pour seul but que de repousser l’examen de la proposition Bolkestein après le référendum. Elles ont pour effet que cet examen n’aura plus lieu sous une présidence luxembourgeoise favorable à des amendements significatifs du texte, mais sous une présidence britannique très attachée au texte initial. » 

La directive Bolkestein est l’aboutissement d’un long processus historique qui a impliqué tous les gouvernements .

 

4.5        Le TCE et Bolkestein n’ont-ils rien à voir ?

Les socialistes dans leur argumentation en faveur du oui mette en avant le fait que le TCE constituerait un rempart contre Bolkestein. (Pourquoi le traité est un rempart contre les dérives libérales type Bolkestein).Il suffit de s’intéresser un tant soit peu au sujet pour s’apercevoir qu’il ont perdu à la fois tout sens de la mesure et du ridicule. Voir à ce sujet sur l’excellent site de l’urfig, l’analyse qui en est faite dans Bolkestein : La direction du PS trompe les Français où il est rappelé que le chef de file des députés européens socialistes français, M. Bernard Poignant, est un grand défenseur de l’AGCS (voir sur son site).

On pourra noter dans Qui lit le projet de constitution y trouve Bolkestein par Jean-Jacques Chavigné que la directive Bolkestein trouve une sérieuse base juridique dans de nombreux articles du projet de Constitution :

- L’article 1-3 alinéa 2 affirme, tout d’abord que l’Union se fixe pour objectif " un marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée ".

-L’article 1-4 considère comme " libertés fondamentales " : " La libre circulation des personnes, des services, des marchandises et des capitaux, ainsi que la liberté d’établissement...garanties par l’Union... "

Il relève que « C’est, en effet, au nom de cet objectif, de la libre circulation des services et de la liberté d’établissement que la directive Bolkestein va tenter de lever tous les obstacles qui entravent ces " libertés " : les services publics, les monopoles de Sécurité sociale, les droits du travail nationaux, la protection des usagers et des consommateurs. »

L’article III-137 stipule : " les restrictions à la liberté d’établissement des ressortissants d’un Etat-membre sur le territoire d’un autre Etat membre sont interdites. "

Le projet de directive Bolkestein tire toutes les conséquences de cet article. Pour faciliter la circulation des services, il veut interdire tout obstacle administratif à l’établissement des prestataires de services. Un prestataire de services serait soumis uniquement à la loi de son pays d’origine et ne devrait donc plus se conformer à des règlements et des exigences administratives nationaux divergentes.

L’article III-144 précise " les restrictions à la libre prestation des services à l’intérieur de l’Union sont interdites à l’égard des ressortissants des Etats membres établis dans un Etat membre autre que celui du destinataire de la prestation ".

Impossible, aussi, d’imposer (en dehors de normes incontrôlables en matière de salaires minimum et de durée du travail) à des entreprises de construction polonaises ou baltes, le respect des conventions collectives ou tout simplement du droit du travail du pays destinataires. Impossible, également, d’imposer à une entreprise de construction slovaque ou lettone le respect des règles de sécurité pour les échafaudages ou les chantiers de désamiantage...

L’article III-145 donne une définition très large des " services " : " Aux fins de la Constitution, sont considérés comme services, les prestations fournies normalement contre rémunération ". Combinée à l’absence de définition des services publics et aux restrictions apportées aux SIEG au nom de la concurrence " libre et non faussée " dans le projet de Constitution, cette définition extrêmement large des services offre un solide point d’appui à l’entreprise de démolition des services publics orchestrée par la directive Bolkestein.

L’article III- 210 qui interdit toute harmonisation entre les droits du travail des Etats-membres de l’Union.

En fait, ce projet de directive arrive au moment opportun pour les libéraux : au moment où entrent dans l’Union dix pays d’Europe centrale et orientale dont les droits du travail et de protection des consommateurs sont nettement inférieurs à ceux de l’Europe des quinze. C’est donc tout à fait sciemment que la directive Bolkestein prend appui sur l’article III-210 pour organiser le dumping social entre les dix et les quinze.

L’article III-209 précise sans la moindre ambiguïté que c’est le " fonctionnement du marché qui favorisera l’harmonisation des systèmes sociaux ". C’est très exactement l’objectif de la directive Bolkestein : favoriser l’harmonisation par le bas des systèmes sociaux en les mettant en concurrence directe les uns avec les autres.

Raoul Marc JENNAR conclue dans Quelques vérités sur Bolkestein « Cette proposition illustre par anticipation les législations européennes futures une fois adopté le traité constitutionnel. Elle constitue un exemple, parmi beaucoup d’autres, des efforts de dérégulation proposés par la Commission européenne et soutenus par tous les gouvernements »

Contrairement à ce que l’on cherche à nous faire accroire, la directive Bolkestein est consubstantielle à la future constitution. Elle sera appliquée d’une manière ou d’une autre.

 

4.6        Pourquoi la Turquie

Le 14 octobre 2004, l’Assemblée nationale française a discuté, sans vote, de l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne.

Cette décision a été mûrie de longue date dans les clubs qui regroupent les puissants des 2 cotés de l’atlantique.

Elle est désormais irréversible sauf à mettre en place les conditions de renégociation de l’Europe que l’on veut.

 

Bush ouvre à la Turquie la porte de l'Europe le Figaro 13/08/2002

Sans craindre d'arriver comme un chien dans un jeu de quilles, les États-Unis ont pris hier la défense de leur poulain turc à Copenhague. Alors que s'ouvrait le Conseil européen des chefs d'État et de gouvernement consacré à l'élargissement de l'Union, les Américains ont engagé les Quinze à intégrer la Turquie le plus vite possible. Ils leur ont demandé de répondre favorablement à la requête d'Ankara, qui souhaite entamer dès 2003 des négociations.

 

Robert Badinter, ancien ministre de la justice, ancien président du Conseil constitutionnel dans un article du Monde 22/10/04 et un autre du Figaro du 13/11/2004

M. Chirac s'était indigné de ce que le président Bush se fasse le premier champion de l'entrée de la Turquie dans l'UE. Il aurait été avisé de s'interroger plus avant sur cette insistance, dont le premier motif n'était certes pas de renforcer l'Union européenne, ni de contribuer à la naissance d'une Europe-puissance, ce projet des Pères fondateurs dont, aujourd'hui, on nous invite à faire notre deuil.

Croyez-moi, si le président George W. Bush est le premier champion de l'entrée de la Turquie dans l'UE, ce n'est sûrement pas pour voir émerger une Europe plus forte !

Si les chefs d'État et de gouvernement choisissent d'ouvrir les négociations d'adhésion à la Turquie lors du prochain Conseil européen [ce qui a été fait], cela signifiera qu'inévitablement, dans quelques années, la Turquie figurera parmi les États membres de l'Union. Jamais depuis trente ans on n'a vu un candidat ne pas être reçu... Ceux qui prétendent le contraire ne le font que pour atténuer dans l'opinion la portée de l'acceptation de la candidature turque

 

Accepter la Turquie c’est abdiquer toute vocation pour l’Europe à servir de contre modèle aux américains

C'est dans la logique de cette constitution qui soumet les Européens aux USA à travers l'Otan.

L'article I,41,2 stipule: «La politique de l'Union () respecte les obligations découlant du traité de l'Atlantique Nord pour certains Etats membres qui considèrent que leur défense commune est réalisée dans le cadre de l'Otan et elle est compatible avec la politique commune de sécurité et de défense arrêtée dans ce cadre.»

 

L'article I,41,7ajoute: «Les engagements et la coopération dans ce domaine [en cas d'agression] demeurent conformes aux engagements souscrits au sein de l'Otan qui reste, pour les Etats qui en sont membres, le fondement de leur défense collective et l'instance de sa mise en oeuvre.»

 

Pascal Lamy Commissaire responsable pour le commerce de 1999 à 2004, a seulement deux arguments pour l'admettre à l'Europe. « Nous nous sommes engagés à son égard » ce qui évidemment n'a aucune valeur.et ensuite: "Elle est devenue une démocratie moderne". Cet argument à propos d’un pays où la démocratie est bafouée tous les jours masque bien entendu de coupables raisons qui ont bien été résumées dans cet article :

 

Jean-François Bayart (ancien directeur du Centre d'études et de recherches internationales -CERI-)  in Le Monde ici , 24/4/2004

Plusieurs arguments militent en faveur de l'ouverture des négociations en décembre. : La vigueur d'une économie de marché forte de 65 millions de consommateurs, reposant sur quelques groupes d'envergure internationale, sur un tissu de PME très compétitives et sur une main-d'œuvre de qualité procurerait à l'UE un potentiel de croissance d'autant plus aisé à réaliser que le niveau des investissements directs étrangers reste très faible à l'aune d'un pays émergent (0,75 % du PNB). Plus spécifiquement, Istanbul, première ville du bassin méditerranéen, représente un pôle industriel et une plaque tournante commerciale que l'UE aurait avantage à absorber.

 

Ce qu’a bien compris ce responsable UDF

Une Europe en voie d'extension indéfinie serait une Europe en voie de dissolution. Élargie demain à la Turquie, après-demain à la Russie, à l'Ukraine, au Maghreb, elle se réduirait définitivement à une zone de libre-échange. L'UDF veut une Europe défendant un modèle de société original qui porte haut et fort nos valeurs et qui soit capable de parler d'égal à égal avec les États-Unis et la Chine.

 

Accepter la Turquie dans une Europe où la concurrence est libre et non faussée c’est acter la victoire du marché sur l’Europe sociale

 

5          Le TCE : Une injure à la démocratie et aux valeurs républicaines

 

A LIRE:

L'illusion des droits fondamentaux dans la Constitution européenne par Alain Lecourieux (membre du Conseil Scientifique d'Attac France)

Constitution européenne et modèle social européen: analyse juridique d'une imposture politique de Serge Regourd , Professeur de droit public à l'Université des sciences sociales de Toulouse. (Résumé ci-après)

Coup d'état idéologique en Europe  d’Anne Robert (Le Monde diplomatique de novembre 2004)

Dire Non à la constitution Européenne pour construire l’Europe de la fondation Copernic qui se donne pour objectif de « remettre à l'endroit ce que le libéralisme fait fonctionner à l'envers »

Il faut lire le projet de constitution européenne de Robert Joumard (directeur de recherche à l’INRETS)

ET AUSSI:

L’initiative féministe européenne pour le non à la constitution qui dénonce l’orientation patriarcale et néolibérale de la construction européenne 

Au nom des droits des femmes, Non à cette Europe là  de la Commission Femmes, genre et mondialisation- ATTAC où il est démontré que la Constitution ne satisfait pas les droits des femmes et ne répond pas à l’exigence élémentaire d’égalité entre hommes et femmes.

Pourquoi le projet de Constitution Européenne est-il un piège pour les femmes d'Europe Centrale Et Orientale de Monika Karbowska qui analyse très finement en quoi «La Constitution Européenne [est] un outil de destruction de droits des femmes en Europe Occidentale, notamment de leurs droits sociaux. »

L’illusion des droits fondamentaux dans la Constitution européenne par Alain Lecourieux

La constitution européenne est-elle "bonne pour l'environnement" par Jean-Marc Jancovici, expert en environnement faisant référence en la matière (voir son site)

La commission européenne : sur pouvoir et sous démocratie de Raoul Marc JENNAR qui analyse comment « La construction européenne, depuis une dizaine d’années, a pris une orientation qui échappe aux aspirations citoyennes et au contrôle démocratique »

L’illusion des droits fondamentaux dans la constitution européenne

Une politique étrangère, de sécurité et de défense européenne soumise à l'Otan et à Washington

 

5.1        Parce que le citoyen n’en n’est pas à l’origine

Anne Cécile Robert relève que "L’autoproclamation d’une Constitution européenne, même par le subterfuge d’un traité international, masque donc une intention politique liée au contenu ultralibéral du texte lui-même. Eu égard au caractère fondateur d’une Constitution, imposer le mot sans la réalité, c’est vouloir imposer le libéralisme lui-même au mépris des règles démocratiques de base."

« l’objet essentiel d’une Constitution étant d’organiser les “pouvoirs publics” tout en laissant les choix de fond au verdict des électeurs, le recours à un “traité établissant une constitution” revient à tenter de court-circuiter la souveraineté populaire pour imposer, par un acte solennel, les principes du libéralisme économique. »

Dans Dire Non à la constitution Européenne pour construire l’Europe de la fondation Copernic, on retrouve ces 2 points :

 

« Une constitution doit émaner d’une assemblée constituante. Ce n’est pas le cas ici. Ajoutons qu’une assemblée constituante ne s’improvise pas. Elle doit s’appuyer sur la souveraineté populaire pour trouver sa légitimité. Celle-ci ne se décrète pas, elle se construit. Vu l’histoire de la construction européenne, cela suppose un débat démocratique prolongé, impliquant profondément les peuples. »

 

« Enfin une constitution doit se borner à inscrire les valeurs communes, les principes fondateurs et à organiser les institutions. Le projet de « constitution » adopté par les chefs d’Etat et de gouvernement n’est pas du tout de cette nature. Il fixe dans le détail toute sorte de choix politiques, sociaux, économiques. Choix qui devraient pouvoir être modifiés lors d’un changement de majorité politique et ne pourront plus l’être. »

 

Si les citoyens des différents pays avaient contribué à définir les valeurs qui les unis, le contenu de cette constitution serait tout autre

 

5.2        Parce qu’il est inaccessible au citoyen

 

Serge Regourd relève: « Il est d’abord permis de s’interroger sur les vertus démocratiques d’un texte de 448 articles, d’un volume quinze fois supérieur au texte de la Constitution Française, agrémenté de deux annexes, 36 protocoles, 39 déclarations, dont la complexité rédactionnelle décourage la lecture, même diagonale, de l’honnête citoyen ordinaire. »

 

5.2.1        Comparaison du préambules et articles 1ers des constitutions de 1793, 1946, 2004

 

Jugeons du préambule et du 1er article de quelques constitutions (Toutes les constitutions du monde ici)

constitution de 1793
Le peuple français
, convaincu que l'oubli et le mépris des droits naturels de l'homme sont les seules causes des malheurs du monde, a résolu d'exposer, dans une déclaration solennelle, ces droits sacrés et inaliénables, afin que tous les citoyens, pouvant comparer sans cesse les actes du gouvernement avec le but de toute institution sociale, ne se laissent jamais opprimer et avilir par la tyrannie ; afin que le peuple ait toujours devant les yeux les bases de sa liberté et de son bonheur, le magistrat la règle de ses devoirs, le législateur l'objet de sa mission.
En conséquence, il proclame, en présence de l'Être suprême, la déclaration suivante des droits de l'homme et du citoyen :
Article premier.
Le but de la société est le bonheur commun.
Le gouvernement est institué pour garantir à l'homme la jouissance de ses droits naturels et imprescriptibles.

 

Constitution de 1946

Au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d'asservir et de dégrader la personne humaine, le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés. Il réaffirme solennellement les droits et libertés de l'homme et du citoyen consacrés par la Déclaration des droits de 1789 et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République.
Il proclame, en outre, comme particulièrement nécessaires à notre temps, les principes politiques, économiques et sociaux ci-après :
La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l'homme.
Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d'asile sur les territoires de la République.
Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi. Nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances.
Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l'action syndicale et adhérer au syndicat de son choix.
Le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent.
Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises.
Tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité.
La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement.
Elle garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence.
La Nation proclame la solidarité et l'égalité de tous les Français devant les charges qui résultent des calamités nationales.
La Nation garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction, à la formation professionnelle et à la culture. L'organisation de l'enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l'État.

Article premier.
La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale.

 

Constitution Européenne de 2004

Sa Majesté le Roi des Belges, le Président de la République tchèque, Sa Majesté la Reine de Danemark, le Président de la République fédérale d'Allemagne, le Président de la République d'Estonie, le Président de la République hellénique, Sa Majesté le Roi d'Espagne, le Président de la République française, la Présidente d'Irlande, le Président de la République italienne, le Président de la République de Chypre, la Présidente de la République de Lettonie, le Président de la République de Lituanie, Son Altesse royale le Grand-Duc de Luxembourg, le Président de la République de Hongrie, le Président de Malte, Sa Majesté la Reine des Pays-Bas, le Président fédéral de la République d'Autriche, le Président de la République de Pologne, le Président de la République portugaise, le Président de la République de Slovénie, le Président de la République slovaque, la Présidente de la République de Finlande, le gouvernement du Royaume de Suède, Sa Majesté la Reine du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord,
S'inspirant des héritages culturels, religieux et humanistes de l'Europe, à partir desquels se sont développées les valeurs universelles que constituent les droits inviolables et inaliénables de la personne humaine, ainsi que la liberté, la démocratie, l'égalité et l'Etat de droit ;

Article1-1. Inspirée par la volonté des citoyens et des États d'Europe de bâtir leur avenir commun, la présente Constitution établit l'Union européenne, à laquelle les États membres attribuent des compétences pour atteindre leurs objectifs communs. L'Union coordonne les politiques des États membres visant à atteindre ces objectifs et exerce sur le mode communautaire les compétences qu'ils lui attribuent.

 

On constatera qu’on est passé de 1793 à 2004 du peuple au roi et de la recherche du bonheur à l’attribution de compétences : tout un symbole !

 

Citons également :

article 28 de la constitution de 1793 :

Un peuple a toujours le droit de revoir, de réformer et de changer sa Constitution. Une génération ne peut assujettir à ses lois les générations futures.

Qu’il suffit  de comparer avec un article pris au hasard dans la section III du TCE :

Article III-232

Lorsque, dans un État membre, un produit fait l'objet d'une organisation nationale du marché ou de toute réglementation interne d'effet équivalent affectant la position concurrentielle d'une production similaire dans un autre État membre, une taxe compensatoire à l'entrée est appliquée par les États membres à ce produit en provenance de l'État membre où l'organisation ou la réglementation existe, à moins que cet État n'applique une taxe compensatoire à la sortie. La Commission adopte des règlements ou décisions européens fixant le montant de ces taxes dans la mesure nécessaire pour rétablir l'équilibre Elle peut également autoriser le recours à d'autres mesures dont elle définit les conditions et modalités.

Ou a celui-ci :

Article III-436.2

Le Conseil, sur proposition de la Commission, peut adopter à l’unanimité une décision européenne modifiant la liste du 15 avril 1958 des produits auxquels les dispositions du paragraphe 1, point b), s’appliquent. » Paragraphe 1 b) : « Tout État membre peut prendre les mesures qu’il estime nécessaires à la protection des intérêts essentiels de sa sécurité et qui se rapportent à la production ou au commerce d’armes, de munitions et de matériel de guerre ; ces mesures ne doivent pas altérer les conditions de la concurrence dans le marché intérieur en ce qui concerne les produits non destinés à des fins spécifiquement militaires. »

Pour constater que le niveau de langage n’est pas le même.

5.3        Parce que le citoyen n’en n’est pas la finalité

Le TCE énonce (en ‘Partie I’) les valeurs communes aux Etats membres fondant l’Union et intègre (en ‘Partie II’) la Charte des Droits fondamentaux de l’Union qui nourrissent aujourd’hui la plupart des discours en faveur du traité. Mais quelle valeur leur attache-t-il ?

 

La portée juridique des droits fondamentaux se trouve annihilée par plusieurs dispositions complémentaires entre elles.

 

Les droits sont tout d’abord soumis à interprétation du praesidium

C’est annoncé dans le préambule de la charte : « la charte sera interprétée en prenant dûment en considération les explications établies sous l’autorité du Praesidium de la Convention ». Le praesidium était composé du Président de la Convention, Valéry Giscard d’Estaing et d’un représentant par Etat. Pour trouver ces explications, il faut aller fouiller dans les dizaines d’annexes qui accompagnent le projet de Constitution. Le diable se nichant souvent dans les détails et  les personnes ayant rédigé ces interprétations ne pouvant être suspectées d’humanisme éclairé le voyage semblait mériter le détour. Jugez-en :

L’article II.62. indique que « Toute personne a droit à la vie » (inspiré d’ailleurs directement par les lobbies anti-avortement pour leurs combats futurs) et que « Nul ne peut être condamné à la peine de mort, ni exécuté » mais les explications du Præsidium indiquent que  « La mort n’est pas infligée en violation de cet article dans les cas où elle résulterait d’un recours à la force rendu nécessaire :a) Pour assurer la défense de toute personne contre la violence illégale, b) Pour effectuer une arrestation régulière., c) Pour réprimer conformément à la loi, une émeute ou une insurrection » « Un État peut prévoir dans sa législation la peine de mort pour des actes commis en temps de guerre ou de danger imminent de guerre ; une telle peine ne sera appliquée que dans les cas prévus par cette législation et conformément à ses dispositions...».

 

Une police tirant à balles réelles sur des fuyards ou des émeutiers, un état exécutant des déserteurs ou des militants pacifistes respecteraient les valeurs affichées par l’union !!!.

 

L’article II.66 stipule que. : "Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté". Mais les explications du præsidium donnent des exceptions pour le moins étranges. : « Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants : … d) S’il s’agit de la détention régulière d’une personne susceptible de propager une maladie contagieuse, d’un aliéné, d’un alcoolique, d’un toxicomane ou d’un vagabond.

Pénalisation de la consommation de drogues, internement des fous et des malades, retour au délit de vagabondage : c’est  le grand bond en arrière !!!

 

L’article II.67.affirme : « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de ses communications » Mais le præsidium fixe des limites : « Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique [sauf si elle] est nécessaire (...) au bien être économique du pays, à la protection de la morale. »

Il devient maintenant possible d’espionner l’individu au nom de la morale et du  bien être économique . C’est surréaliste !!!

 

L’article II-72 cite : « Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association à tous les niveaux, notamment dans les domaines politique, syndical et civique, ce qui implique le droit de toute personne de fonder avec d’autres des syndicats et de s’y affilier pour la défense de ses intérêts. » mais (accrochez-vous) le præsidium précise « L’exercice de ces droits ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d’autrui. Le présent article n’interdit pas que des restrictions légitimes soient imposées à l’exercice de ces droits par les membres des forces armées, de la police ou de l’administration de l’État. »

Toute réunion ou association y compris politique et syndicale peut être interdite au nom de la morale, de la sécurité nationale, de la sûreté publique ou de la défense de l’ordre. C’est beau comme du Pinochet !

 

L’article II-81 stipule : « "Est interdite toute discrimination fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, les origines ethniques ou sociales, les caractéristiques, la langue, la religion ou les convictions (...)" Après cet élan humaniste, retour aux durs réalités grâce au præsidium qui explique : « le paragraphe ci-dessus ne confère aucune compétence pour adopter des lois anti-discrimination dans ces domaines ».

Traduction : il serait dommageable pour le fonctionnement du marché que des lois anti-discriminations voient le jour !

 

puis détachés de toute contrainte à charge de l’union

 

Article II-111 : Champ d’application : La présente charte n’étend pas le champ d’application du droit de l’Union ni ne crée aucune compétence ni aucune tâche nouvelles pour l’union..

 

C’est la clé de la charte puisque cet article assure aux états que cette charte n’est là que pour le décor et qu’elle ne crée aucune compétence nouvelle (pour les traduire législativement et les contrôler judiciairement notamment), ce que s’empresse de confirmer le præsidium : « le paragraphe 2 confirme que la charte ne peut avoir pour effet d’étendre les compétences et tâches conférées à l’Union. » On ne saurait être plus cynique.

La constitution organise  elle-même l’impossibilité de mettre en œuvre les droits qu’elle cite

 

puis  soumis à toutes les autres dispositions de la constitution

Article II-112.2 : Les droits reconnus par la présente Charte qui font l’objet de dispositions dans d’autres parties de la Constitution s’exercent dans des conditions et limites y définies..

 

Ce qui veut dire, en langage courant, que les droits sont subordonnés dans leur exercice aux conditions et limites fixées par toutes les autres dispositions de la Constitution. On ne saurait marquer plus clairement la subordination de l’être humain aux marchandises, services et capitaux.

 

ainsi qu’aux traditions des états membres

Article II-112.4 : Dans la mesure où la présente Charte reconnaît des droits fondamentaux tels qu’ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux Etats membres, ces droits doivent être interprétés en harmonie avec lesdites traditions.

 

Ainsi, à titre d’exemple, le principe de ‘Dignité humaine’ de l’Article II-61 : ‘Dignité humaine. La dignité humaine est inviolable. Elle doit être respectée et protégée’, devra être interprété en harmonie avec les traditions du pays concerné ! Chacun pourra se référer à ce qu’il connaît des traditions de respect de la dignité humaine dans certains pays européens pour mesurer combien l’article II-112.4 limite l’exercice de ce droit fondamental.

 

Avant d’être rendus facultatifs et non invocables en justice

Article II-112.5 : ‘Les dispositions de la présente Charte qui contiennent des principes peuvent être mises en œuvre par des actes législatifs et exécutifs pris par les institutions, organes et organismes de l’Union, et par des actes des Etats membres lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union, dans l’exercice de leurs compétences respectives. Leur invocation devant le juge n’est admise que pour l’interprétation et le contrôle de tels actes’. 

 

Ultime protection : aucun état, pas plus que l'union, n'est obligé de traduire ces fameux droits de la Charte des droits fondamentaux par des actes législatifs et aucun citoyen ne pourra en invoquer le manque devant un juge :

 

Dans Constitution européenne et modèle social européen: analyse juridique d'une imposture politique Serge Regourd (professeur de droit public à l'Université des sciences sociales de Toulouse) se livre à une analyse juridique très poussée dans laquelle il relève que :

Serge Regourd

la Charte paraît constituer un leurre juridique, n’ayant d’autre fonction que de conférer un supplément d’âme symbolique à une réalité qui en manque cruellement. D’ailleurs après que l’article I. 9 ait indiqué que « l’Union adhère à la Convention Européenne de sauvegarde des droits de l’homme » mais que cette adhésion « ne modifie pas les compétences de l’Union telles qu’elles sont définies dans la Constitution », l’article II. 111-2 précise clairement que « la présente charte ne crée aucune compétence ni aucune tâche nouvelle pour l’Union »… L’article II. 112-2 ajoute que « les droits reconnus par la présente charte » s’exercent dans « les conditions et limites » définies par les autres parties de la Constitution […]  au-delà du leurre, c’est bien d’une régression qu’il s’agit quant à la conception des droits et libertés en cause.
Selon le modèle du Préambule de la Constitution de 1946 en France, conforme à cet égard à la conception qui a fondé la Déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948, les droits consacrés en matière sociale correspondent à une conception des « droits-créances », traités comme des prestations, des garanties que la puissance publique doit assurer à ses citoyens, créances précisément constitutives de « l’Etat-providence », et opposées à une conception libérale des droits conçus comme simples facultés individuelles reconnues aux individus que la puissance publique doit respecter. Or, il est à cet égard symptomatique que dans la charte, nombre de droits à incidence sociale soit précisément présentés à partir de la formule : « L’Union reconnaît et respecte » (par exemple : le droit des personnes âgées à mener une vie digne…-art. II. 85-, idem art II. 86 pour les personnes handicapées…) qui n’exprime aucune garantie à la charge de la puissance publique.

 

La charte des droits fondamentaux est un leurre destiné à vendre un texte invendable

 

5.4        Parce que le citoyen n’y a pas voix

 

5.4.1           Ni directement

 

Article I-47 4 : Des citoyens de l’Union, au nombre d’un million au moins, ressortissants d’un nombre significatif d’Etats membres, peuvent prendre l’initiative d’inviter la Commission, dans le cadre de ses attributions, à soumettre une proposition appropriée sur des questions pour lesquelles ces citoyens considèrent qu’un acte juridique de l’Union est nécessaire aux fins de l’application de la Constitution [ … ]’.

 

Serge Regourd

Le rôle prévalent de la Commission s’exerce également à l’encontre de cette autre prétendue formidable « avancée démocratique » que constituerait le droit de pétition (Article I. 47-4). Certes un million, au moins, de citoyens ressortissants d’un nombre significatif d’Etats membres, peuvent exercer ce droit de pétition, mais celui-ci consiste seulement à « inviter la Commission à soumettre une proposition appropriée… aux fins de l’application de la Constitution » !... D’une part, il ne s’agit que d’une « invitation » à l’égard de laquelle la Commission conserve un pouvoir discrétionnaire, d’autre part et surtout, dans l’hypothèse la plus favorable où une telle invitation produirait effet, ce ne peut être que pour conforter l’application de la Constitution telle qu’elle est, et évidemment pas pour l’infléchir

 

5.4.2           Ni par le biais du parlement

 

Serge Regourd

le projet de Constitution (art I. 26-2) réaffirme le principe du monopole de l’initiative législative au profit de la Commission, l’organe intégré, expression de ce pouvoir technocratique si souvent dénoncé : « Un acte législatif de l’Union ne peut être adopté que sur proposition de la Commission […] le cœur de la « gouvernance » selon l’expression à la mode européenne, reste plus que jamais la Commission, dépourvue de toute légitimité démocratique.

 

Le Parlement ne peut émettre de projet de loi. Il peut seulement présenter des demandes laissées au bon vouloir de la Commission :

Article III-332 : ‘ Le Parlement européen peut, à la majorité des membres qui le composent, demander à la Commission de soumettre toute proposition appropriée sur les questions qui lui paraissent nécessiter l’élaboration d’un acte de l’Union pour la mise en œuvre de la Constitution. Si la Commission ne soumet pas de proposition, elle en communique les raisons au Parlement européen’.

 

Seule la commission a l’initiative des lois

Article I-34 Les actes législatifs :1. Les lois et lois-cadres européennes sont adoptées, sur proposition de la Commission, conjointement par le Parlement européen et le Conseil conformément à la procédure législative ordinaire visée à l'article III-396. Si les deux institutions ne parviennent pas à un accord, l'acte en question n'est pas adopté.

 

Cela veut dire que ni le parlement, ni le conseil des ministres  ne peuvent le faire. Ce sont pourtant les seuls organes  européens qui représentent directement ou indirectement les citoyens.

 

La commission dispose de plus d’un droit de veto sur les votes du parlement

Article III-396 1. Lorsque, en vertu de la Constitution, les lois ou lois-cadres européennes sont adoptées selon la procédure législative ordinaire, les dispositions ci-après sont applicables.
2. La Commission présente une proposition au Parlement européen et au Conseil.
3. Le Parlement européen arrête sa position en première lecture et la transmet au Conseil.
4. Si le Conseil approuve la position du Parlement européen, l'acte concerné est adopté dans la formulation qui correspond à la position du Parlement
.

 

De plus :

Le Conseil européen et le Conseil des Ministres ne sont pas censurables.

La Commission est formée de personnalités choisies et ne peut être censurée qu’à la double majorité des membres du parlement et des deux tiers des suffrages exprimés.

 

5.4.3           Ni par le biais de son gouvernement

 

Serge Regourd

La Commission dispose, par ailleurs, d’un pouvoir de blocage comparable s’agissant des « coopérations renforcées » que pourraient vouloir mettre en œuvre un tiers au moins des Etats membres (articles I. 44 et III. 419)

 

Les états s’engagent à ne pas mettre en œuvre de politique contraire aux objectifs de l’union

Article III-199 Le Conseil des ministres adopte des décisions européennes qui définissent la position de l'Union sur une question particulière de nature géographique ou thématique. Les États membres veillent à la conformité de leurs politiques nationales avec les positions de l'Union.

 

Les citoyens européens pourront-ils élire un gouvernement dont le programme ne serait pas conforme aux règles du traité ? Non puisqu’il serait condamné par la constitution à trahir son programme.

 

La constitution sera-t-elle modifiable ?

l’argument selon lequel depuis le traité de Rome, tous les traités européens ont été conclus avec une clause de révision à l’unanimité, ne peut être défendu pour les raisons suivantes :

- 6 pays étaient signataires du traité de Rome, 9, 12 puis 15 pour les suivants. On a pu mesurer au fil de l’augmentation du nombre des signataires, les inconvénients d’une telle règle,

- 10 nouveaux pays sont entrés depuis dans l’Union et leurs intérêts, phénomène nouveau, s’opposent globalement à ceux des pays fondateurs.(Ceci est très important et il ne faut pas oublier Mr Barroso qui lors du débat sur Bolkestein avertissaient les pays nantis qu’ils ne pouvaient escompter se protéger contre les attentes légitimes des nouveaux entrants),

- Il ne s’agit pas ici d’un traité, mais de la reprise de l’ensemble des traités antérieurs dans un acte visant à ‘établir une Constitution pour l’Europe’

- et s’agissant du traité constitutionnel, c’est la règle de la triple unanimité qui devra s’appliquer.

 

La constitution pourra-t-elle être amendée ? Non puisqu’il faudrait une triple unanimité : celle d’une convention qui réunirait un représentant de chaque état puis celle des gouvernements appelés à la valider puis celle liée à sa ratification par la totalité des états membres par voix parlementaire ou de référendum

 

S’agissant du même processus que celui en oeuvre pour l’établir, il suffit de constater ce qui se passe actuellement pour savoir que ce n’est pas si simple que certain voudraient le faire croire. Soyons sur que si par malheur elle devait passer, ses tenants, échaudés par le peu d’enthousiasme des peuples pour plébisciter leurs projets se garderaient bien de leur en proposer un nouveau de sitôt. Le coloriage de cette constitution en social promis par François Hollande pour 2007 s’il revient au pouvoir relève au choix d’un mensonge éhonté ou du grave délire d’un esprit perturbé.

 

Aucune constitution au monde n’est verrouillée de la sorte.
Voter pour une telle constitution serait un suicide

 

Pour comprendre comment l’Europe a peu à peu pris l’habitude de se couper des citoyens, on pourra lire également l’enquête sur l’état de la démocratie menée en Norvège sur l'état de la démocratie et qui décrypte les mécanismes qui ont mené là bas mais partout en Europe également à la « rupture du lien démocratique qui place l'exercice du pouvoir sous le contrôle des électeurs ». Cette article relève notamment que « Le déficit démocratique ne provient donc pas de la délégation du pouvoir législatif à une instance supérieure (l’Europe), mais de l'absence d'assise démocratique des institutions auxquelles est délégué ce pouvoir » Ce n’est donc pas l’Europe qui est en cause mais cette Europe-ci.

5.5        Parce que tout le monde ne sera pas citoyen

 

Le TCE dénie lui-même certains des droits fondamentaux qu’il affiche puisque  alors que l’article II-80 proclame ‘Toutes les personnes sont égales en droit’, et que l’article II-81 édicte ‘toute discrimination exercée en raison de la nationalité est interdite,

l’article I–10.1 énonce : ‘Toute personne ayant la nationalité d’un Etat membre possède la citoyenneté de l’Union’. Excluant de fait de la citoyenneté les 11 millions d’étrangers résidant en Europe.

 

5.6        Parce que des valeurs essentielles manquent à l’appel

 

5.6.1        Droit au travail

 

Dans Ce traité, une avancée sociale de Etienne Adam :

« Il [le droit au travail] est défini par des textes comme le préambule de la constitution française « art 5: chacun a le droit d'obtenir un emploi ». La charte sociale européenne de 1961 veut assurer « l'exercice effectif du droit au travail ». Dans le traité on ne trouve, dans la partie libertés, que l'art II-75 : « toute personne a le droit de travailler et d'exercer une profession librement choisie et acceptée ». On voit bien le glissement du droit au travail (garanti et assuré par la société) à la liberté de travailler qui est l'interdiction du travail forcé. En conséquence, jusqu'en 1989 le droit à une indemnisation chômage est prévu : Art. 11 :« Tout être humain qui en raison de la situation économique se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence » (Constitution de 1946), elle doit même être suffisante.Titre I, 10 : « Les personnes exclues du marché du travail [...] doivent pouvoir bénéficier de prestations et de ressources suffisantes. » (Charte des droits sociaux fondamentaux de 1989.)

Ce droit à un revenu de remplacement disparaît dans le traité qui se contente d'avaliser ce qui se fait dans les différents pays: Titre IV, art II 94 : Sécurité sociale et aide sociale « 1. l'Union reconnaît et respecte le droit d'accès aux prestations de sécurité sociale et aux services sociaux assurant une protection [...] en cas de perte d'emploi, selon les règles établies par le droit de l'Union et les législations et pratiques nationales. ». »

 

5.6.2        Droit au logement

 

 « Art. II-34 §3 : (…) Afin de lutter contre l’exclusion sociale et la pauvreté, l’Union reconnaît et respecte le droit à une aide sociale et à une aide au logement. » Seul le droit à l’aide au logement est reconnu ce qui représente un recul sur la Déclaration universelle des droits de l’homme qui, en 1948, proclamait : « Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et celui de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires » (article 25. 1).

 

Ni le droit au travail, ni le droit au logement pourtant fondateurs de la dignité humaine ne sont plus garantis par cette constitution !

 

5.6.3        Laïcité

 

Elle a fait l’objet d’une bataille féroce perdue par les tenants de la séparation nette de l’état et de la religion.

En cause notamment l’article 51 :

 

Article 51 : Statut des églises et des organisations non confessionnelles

1. L’Union respecte et ne préjuge pas du statut dont bénéficient, en vertu du droit national, les églises et les

associations ou communautés religieuses dans les Etats membres.

2. L’Union respecte également le statut des organisations philosophiques non confessionnelles.

3. Reconnaissant leur identité et leur contribution spécifique, l’Union maintient un dialogue ouvert,

transparent et régulier, avec ces églises et organisations.

 

Qui a fait l’objet des critiques suivantes :

1. L'Eglise catholique entretient des relations diplomatiques avec chacun des pays de l'Union au même titre que la Chine, l'Iraq ou les USA, et son nonce apostolique auprès de l'Union représente les intérêts du Saint Siège. En même temps, l'article 51 cherche à obtenir pour l'Eglise un statut de société civile européenne.
2. L'article 51 garantit à l'Eglise catholique des exemptions en matière de législation du travail qui contredisent le principe de non-discrimination.
3. L'article 51 garantit à l'Eglise un droit de consultation pré-législative. Pour le moment elle est consultée sans que cela soit pour autant une obligation de la part des institutions européennes.

 

William Gasparini maître de conférences à l’Université Marc Bloch, membre du Conseil scientifique d’Attac in Dans services publics et laïcité des institutions : les dommages collatéraux d’une Constitution contestée

 

D’inspiration clairement anglo-saxonne, l’article II-70 de ce Traité garantit la liberté de religion (préférée à la liberté de conscience) et autorise son expression par l’enseignement, les rites, tant dans l’espace public que privé. Aucune restriction ne s’applique aux représentants des institutions et rien n’interdirait demain, dans l’hypothèse d’une ratification, à tel ou tel investi d’une fonction, de condamner publiquement au nom de ses valeurs religieuses l’avortement, le contenu d’un enseignement, voire la loi sur l’interdiction des signes religieux à l’école récemment adoptée en France. Ainsi, le rejet de R. Buttiglione n’est pas une victoire prometteuse de la laïcité qu’aucun article ne garantit par ailleurs, mais, comme l’écrit (candidement) B. Poignant, président de la délégation socialiste française au Parlement européen : la punition « par les protestants, anglicans du péché d’arrogance, du catholicisme qui se prétend tout le christianisme ». Pauvre victoire en vérité qui prépare d’autres déconvenues et nous dessine une société où le communautarisme s’insinue dans les failles ouvertes par ce texte.

 

L’église ne s’y est d’ailleurs pas trompée :

 

Mgr Hippolyte Simon, archevêque de Clermont et vice-président de la Commission des épiscopats de la Communauté européenne Nous décentrer de nos replis gaulois et prendre de la hauteur":

 

Certes, le traité constitutionnel ne parle pas explicitement des racines chrétiennes. Mais il en parle implicitement puisqu’il est fait mention des racines religieuses de l’Europe, non seulement dans le préambule mais aussi dans l’article 52. Sur ce point encore, ce traité est donc un progrès par rapport à celui de 2000. Et puis, à partir du moment où les Églises sont pleinement reconnues comme partenaires de l’Union qui « promet d’entretenir un dialogue ouvert, transparent et régulier » avec elles, il n’y a pas lieu de s’enfermer dans des regrets.

 

Voir également le texte de Jean Paul II appelant à une constitution européenne en juin 2002

 

Les églises deviennent des partenaires de l’union européenne

 

5.6.4        Droit des femmes

 

Monika Karbowska  remarque que « L'égalité entre les femmes et les hommes ne fait pas partie des valeurs qui fondent l'Union », ni le « droit à l'avortement et à la contraception » et que « Se marier et fonder une famille sont des droits garantis dans l'article II-69 mais pas le droit de divorcer. » et note que les « femmes étrangères ou immigrées » étant exclues de la citoyenneté européenne comme toute personne n’ayant pas la nationalité d’un état membre (article I–10 ) elles « [resteront] soumises aux traditions oppressives de leur pays d'origine ».

Cette article relève également que les femmes seront les 1ères victimes d’une logique « qui accordent la suprématie à la ‘compétitivité de l'économie’ par rapport à ‘l'amélioration des conditions de vie et de travail’ (article III-209) » et note : « Les délocalisations touchent des secteurs très féminins, comme l'électronique, le textile, les centres d'appel»

Par ailleurs les filières de la prostitution seront favorisées par le fait que « Les restrictions aux mouvements de capitaux sont interdites (articles III-156 et 157) et rendent incontrôlable le blanchiment dans les paradis fiscaux de l'argent du trafic et de la prostitution. »

Il est noté que « La Convention qui a établi le projet de TCE s'est illustrée par sa composition très masculine ».,que la parité n’est pas citée et notamment pas dans l’article I-46 qui défini le principe de démocratie représentative.

Le principe de laïcité n’ayant pas droit de citer et les Eglises et les communautés religieuses étant reconnues comme interlocutrices régulières (article I-52), l’article note que cela peut amener « une menace croissante contre les droits acquis comme la contraception, l'avortement »

 

5.6.5        Droit des enfants

 

L’association Janusz KORCZAK  qui milite pour le respect de l’enfant est l’une des seules à avoir étudier l’impact de laconstitution de ce point de vue. Dans La future constitution européenne réduit les droits de l’enfant ! elle note que la constitution est en recul par rapport aux traités précédents de l'Union Européenne sur la question des droits de l’enfant. :

·         L’absence de toute référence à la Convention Internationale relative aux Droits de l’Enfant (CIDE) ou à la Convention Européenne sur l’Exercice des Droits de l’Enfant (CEEDE) dans le préambule de la partie II, soulignée depuis longtemps par DEI-France. La CIDE avait pourtant été adoptée à l’unanimité à l’O.N.U le 20 novembre 1989 et elle a été ratifiée depuis par tous les pays du monde sauf, à ce jour, deux (États-Unis et Somalie). La CEEDE avait été ratifiée par la France le 4 juin 1996.

·         La formulation de l’article II-84 qui propose une nouvelle version très réduite des droits reconnus aux enfants, en 3 alinéas de six lignes qui prêteront à toutes les interprétations.

·         Les réserves et les recours quant aux difficultés d’applications, qui sont les mêmes pour l’ensemble de la Charte des droits de la Constitution. Aux réserves d’usages (respect des compétences et tâches de l’Union et principe de subsidiarité, priorité aux traditions constitutionnelles et des obligations internationales communes mais non pas particulières, etc.), la charte sera interprétée « en prenant dûment en considération les explications établies sous l’autorité du praesidium de la Convention ». Un praesidium dont la composition n’a absolument rien de démocratique.

5.6.6        Il légalise le Lock-out aujourd’hui non autorisé par le droit français

 

Article II-88 : Droit de négociation et d’actions collectives : Les travailleurs et les employeurs, ou leurs organisations respectives, ont, conformément au droit de l’Union et aux législations et pratiques nationales, le droit de négocier et de conclure des conventions collectives aux niveaux appropriés et de recourir, en cas de conflits d’intérêts, à des actions collectives pour la défense de leurs intérêts, y compris la grève.

 

5.6.7           Droit à un salaire minimum et à la retraite

Ces droits historiquement acquis sont tout simplement abandonnés.

 

Cette constitution renie des droits acquis de haute lutte par nos ancêtres

 

5.7        Parce que l’avenir de l’homme n’y est pas assuré

 

A l’heure où de multiples questions surgissent quant à l’avenir de l’homme sur cette terre voire l’avenir de la vie sur terre, il est un besoin urgent que quelque part à travers le monde un autre modèle de société puisse rencontrer le terreau nécessaire à son émergence. La constitution stérilise tout espoir que quelque part en Europe un tel projet puisse émerger.

 

Jean-Marc Jancovici note les contradictions du texte qui

s’il cite dans ses valeurs, le développement durable, la préservation, la protection et l'amélioration de la qualité de l'environnement et l'utilisation prudente et rationnelle des ressources se fixe dans le cadre d’une politique libérale dont on sait le peu de cas qu’elle fait de ces valeurs un certain nombre d'objectifs souvent beaucoup plus concrets et parfaitement antagonistes ce qui donne dans le texte: une croissance économique équilibrée, une économie sociale de marché hautement compétitive ,  une expansion de la consommation dans l'Union, l’accroissement  de la productivité de l'agriculture, le développement de réseaux transeuropéens dans les secteurs des infrastructures du transport..

Dominique Bourg professeur de philosophie à l'université de Troyes regrette pour sa part que la Constitution fasse parfois se succéder des articles aux objectifs contradictoires. " Vouloir favoriser à la fois la croissance économique et la protection de l'environnement, c'est très sympathique, mais ce n'est pas toujours conciliable, assure-t-il, Et le texte ne dit pas comment trancher le cas échéant. " Le philosophe trouve par ailleurs dommage que le principe d'information et de participation n'ait pas été ajouté dans la section consacrée à la politique environnementale de l'Union aux côtés des principes de précaution, de prévention et du pollueur-payeur.

Raphaël Romi professeur de droit à l'université de Nantes note que les principes exposés semblent aller dans le bon sens mais que la Constitution européenne ne semble pas modifier en profondeur le droit européen de l'environnement. " Si la notion de développement durable est reprise de nombreuses fois dans le texte, elle est malheureusement bien souvent dénuée de force juridique, remarque Raphaël Romi, pour la simple et bonne raison que le développement durable n'a pas de définition juridique en tant que tel. " Celle introduite par le texte constitutionnel est sans doute trop large pour être opposable devant une juridiction. Elle lie en effet la croissance économique, la stabilité des prix, une économie sociale de marché hautement compétitive, le plein emploi et la protection de l'environnement.

Article III-239
Toute mesure dans le domaine des prix et conditions de transport, adoptée dans le cadre de la Constitution, doit tenir compte de la situation économique des transporteurs.

Que fait cet article dans une constitution ? Certes, c’est un rescapé du traité de Rome. Ça montre à l’évidence comment a été établi cette constitution. Pas d’assemblée constituante... mais une convention ouverte aux lobbies. Et le jour de cet article-là, c’était le lobby des transporteurs routiers... et quand on connaît le poids des transports dans la facture écologique…

article III-123

La politique agricole commune a pour but : a) d’accroître la productivité de l’agriculture en développant le progrès technique, en assurant le développement rationnel de la production agricole ainsi qu’un emploi optimum des facteurs de production, notamment de la main d’oeuvre,..

Que fait cet article dans une constitution ? Le jour de cet article-là, c’était le lobby des céréaliers et autres gros producteurs. Il n’y avait personne pour défendre des valeurs comme l’entretien des paysages, la préservation des sols, la solidarité avec les agriculteurs des autres pays.

Et Jean-Marc Jancovici de conclure :

 

« On peut donc regretter que le présent traité n'ait pas pris acte des travaux de nature scientifique intervenus entre temps [depuis le traité de Rome], qui montrent que de baser l'avenir sur le postulat d'une expansion indéfinie est devenu un pari très risqué »

 

6          Pourquoi ils sont pour

Pour beaucoup il peut paraître extrêmement troublant de constater qu'une majorité de la classe politique notamment  à gauche et chez les écologistes est favorable à l'Europe. La pauvreté des arguments en faveur du oui est affligeante, la mauvaise foi souvent patente, l’argument de « ça ou le chaos » omniprésent . Il faut donc chercher ailleurs les raisons de cette prise de position.

6.1        Pourquoi les  élites sont pour

Par élite il faut entendre ceux qui sont désignés ou élus pour influer sur le cours des choses : hommes politiques, banquiers, grands patrons, responsables syndicaux, intellectuels, … L’effet d’entraînement qu’elles possèdent est important.

6.1.1        L’effet Club

Ces élites se rencontrent régulièrement, les individus sont chaleureux, se tutoient, lisent les mêmes livres, mangent ensembles, parle des mêmes sujets et en viennent à partager les mêmes objectifs. Cela amène un lissage  des idées qu’en d’autres temps certains avaient dénoncés sous le terme de « pensée unique ». Leurs prises de position et leurs oppositions sont le plus souvent posturales dans le but d’asseoir l’image qui leur sert au renouvellement de leur mandat mais le sentiment qui prédomine chez eux est celui d’appartenir à un même monde : celui des puissants. C’est l’effet Club.

Cela évoque ce que Fernand Braudel, Historien des civilisations analysait dans Civilisation matérielle, économie et capitalisme. Il y découpait la société en 3 étages : le rez-de-chaussée du clan ou de la famille, reste en deçà des règles ; l'étage central qui regroupe les acteurs participant aux échanges locaux, applique les règles, ce sont les citoyens; l'étage supérieur de la macroéconomie et la macropolitique cherche à s'abstraire en permanence de l'application des règles, visant des situations de rente, oligopole ou monopole. « Ainsi, les tenants de la "grande-politique" cherchent constamment à s'abstraire des rudes exigences du débat démocratique, dont ils prônent par ailleurs, à juste titre, les vertus ».

 

Braudel nous dit qu’il est dans la nature de nos société que les élites cherchent à s’abstraire des règles. Les enjeux démocratiques consistent à ce que l’étage du milieu soit suffisamment fort pour mettre en place des contre-pouvoirs efficaces.  On est au coeur de la problématique actuelle qui voit cette Europe conçue et pilotée par des experts se détacher inexorablement des logiques citoyennes et des principes qui fondent la démocratie.

 

Les élites sont le pouvoir, les citoyens le contre pouvoir. Leurs intérêts sont antinomiques.

 

6.1.2        Un exemple de club européen : confrontations Europe

 

Il s’agit  d’un des clubs les plus actifs et des plus modérés sur l’Europe. Il se définit lui-même « mouvement civique et un lieu de travail en commun pour les dirigeants d’entreprises, les syndicalistes, les acteurs associatifs et politiques, les intellectuels et les étudiants. Elle est devenue un interface entre la société et institutions communautaires. » son conseil d’administration est composé de Philippe Herzog, député européen, ancien membre du parti communiste français, Jean-Christophe Le Duigou, ancien directeur des impôts, dirigeant de la CGT,  Jean Peyrelevade, ancien président du Crédit lyonnais, Michel Rocard, premier ministre entre 1988 et 1991 et  sa direction est composée de Jacky FAYOLLE, Michèle Debonneuil, Claude FISCHER, Jean GANDOIS, Philippe HERZOGJean-Christophe LE DUIGOU, Jacques MAIRE, Francis MER, Jean PEYRELEVADE, Franck RIBOUDJean-François TROGRLIC et son comité de parrainage d’un mélange d’hommes politique de droite (Jérôme Monod, le big boss de l'Elysée qui tire les ficelles de la Chiraquie) et de gauche (Martine Aubry, Jacques Delors, de journalistes (Alexandre Adler encore lui !), d’hommes de média (Pierre Lescure), de syndicalistes, de sociologues (Edgar Morin, Alain Touraine) et de beaucoup de grands patrons (Michel Edouard Leclerc, Francis Mer, Serge Tchuruk, …)

 

On peut discerner les intérêts en jeux lorsque, pendant que le groupe Politique industrielle et service public propose de « Débattre et proposer pour faire évoluer le statut des Services d’Intérêt Général dans l’Union Européenne et la doter d’une capacité de politiques industrielles », le groupe Identité d'entreprises européennes « cherche à apporter une contribution pour que l’entreprise devienne un sujet reconnu dans le Traité constitutionnel et soit promue comme un acteur essentiel de la société. » et se demande « Comment promouvoir les entreprises porteuses de projets d'intérêt communautaire et/ou acteurs pour des missions d'intérêt général (exemples : formation tout au long de la vie, environnement, réseaux de SIG, projets industriels pilotes)? »

 

Pendant ce temps le groupe éducation propose ce genre d’analyse qui prépare l’université à la concurrence internationale:

« l’Université européenne est en crise, sur le déclin et en voie de paupérisation. Et cela dans tous les Etats membres. La première raison est idéologique : l’attachement viscéral des acteurs du système universitaire aux deux piliers, en Europe, de l’aura universitaire – autonomie intellectuelle et démocratisation du savoir – leur interdisent d’imaginer qu’il est possible à l’université européenne de tirer son épingle du jeu du mouvement d’internationalisation et de compétition(de concurrence internationale) qui la traverse. »

 

De toutes parts des lobbies agissent pour livrer au marché les services publics.

Le lobby citoyen n’existe qu’au moment du vote. Ne l’oublions pas !

 

6.1.3        Un exemple de club planétaire : BILDERBERG

 

« le Traité de Rome de 1957, qui donna naissance au Marché Commun, a été pensé lors des réunions du groupe Bilderberg » George McGhee, ancien ambassadeur américain en RFA

 

Ce groupe regroupe la crème de l’élite des 2 bords de l’atlantique. On y retrouve des politiques, des banquiers mais aussi des journalistes… Voici comment Libération en présentait le casting dans un article  d’août 2003.

 

« Les «privilégiés» de ce raout euroaméricain sont des hommes politiques de haut rang (du numéro deux du Pentagone, Paul Wolfowitz, à Dominique de Villepin, ministre français des Affaires étrangères, en passant par Valéry Giscard d'Estaing, président de la Convention européenne) ; des patrons de multinationales (les PDG de Thales, Axa, Nokia, Daimler Chrysler, Novartis...) ; des gouverneurs de banques centrales (du Français Jean-Claude Trichet au Norvégien Svein Gjedrem) ; des journalistes acceptant la règle de l'omerta (Newsweek, The Financial Times, La Repubblica, The Economist, Nicolas Beytout pour Les Echos [rédacteur en chef] ou Alexandre Adler pour Le Figaro [Conseiller éditorial]) ; des têtes couronnées (l'Espagnol Juan Carlos, la reine Béatrix des Pays-Bas) ; des Premiers ministres (le Danois Anders Fogh Rasmussen et le Portugais José Durao Barroso) ; des experts (le juge antiterroriste Bruguière, des membres de l'Ifri ­ Institut français des relations internationales ­ ou de la Brookings Institution, un centre de recherches de Washington). »

 

On peut consulter ici la liste des participants en 2003 et donc rajouter Frits Bolkestein Commissaire européen chargé du marché intérieur, Pascal Lamy Commissaire européen chargé du commerce, Jean-François Copé, porte parole du gouvernement, Mario Monti Commissaire européen à la concurrence (membre du comité de direction de ce groupe de 1983 à 1993), Pierre Lellouche Vice-président de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN et rappeler que le  Baron Seillières fait partie du comité directeur et que l’ancien président de la Commission Européenne, Romano Prodi en faisait partie.

 

Pour situer les objectifs de ce groupe prenons 2 déclarations de son fondateur David Rockfeller (Il a également fondé la Commission trilatérale) :

 

David Rockfeller en 1991 dans un discours devant la Commission Trilatérale :

(in Tocqueville magazine : mondialisme et nouvel ordre mondial )

 

Nous sommes reconnaissants envers le Washington Post, le New York Times, Time Magazine et d’autres grands journaux, leurs directeurs ayant participé à nos rencontres et ayant respecté la promesse de discrétion pendant près de 40 ans. Il nous aurait été impossible de développer notre Plan pour le Monde toutes ces années durant si les projecteurs avaient été braqués sur nos activités. Le Monde est maintenant plus sophistiqué et plus préparé à accepter un Gouvernement Mondial. La Souveraineté Supra-Nationale d’une Elite intellectuelle et de banquiers est sûrement préférable au principe d’Autodétermination Nationale des peuples, pratiquée tout au long de ces derniers siècles.

 

David Rockfeller en 1999 à la presse :

 

Quelque chose doit remplacer les gouvernements et le pouvoir privé me semble l'entité adéquate pour le faire

 

Ce qui est en jeu c’est l’existence d’un monde où tout n’est pas marchandise

 

6.1.4        Un exemple de membre : Pascal Lamy d

On peut s’étonner de retrouver Le président de la convention  Valery Giscard D’Estaing  ainsi que 3 commissaires dans les réunions du groupe Bilderberg dont l’objectif n’est ni plus ni moins que de gouverner le monde.

 

Rappelons à ce propos que dans le serment d’indépendance que prêtent les commissaires européen on trouve: « ne sollicitent ni n'acceptent d'instructions d'aucun gouvernement ni d'aucun organisme. »  Et s’engagent à exercer leurs fonctions « en pleine indépendance, dans l’intérêt général »

 

Voyons maintenant ce qu’il en est de l’indépendance et des objectifs de Pascal Lamy commissaire européen socialiste lorsqu’il rencontre ses amis du TABD Trans Atlantic Business Dialogue, un des plus puissants lobbies d’affaires du monde (in Combien de temps encore, Pascal Lamy ? par Raoul Marc Jennar pour Oxfam)

 

Pascal Lamy à Berlin, devant l’assemblée du TABD 5 mois après sa prise de fonction à la commission

 

C‘est vraiment agréable de se retrouver dans le milieu des affaires (...) Vous voulez que nous allions de l’avant et que nous changions les politiques. Nous sommes décidés à le faire. (...) La nouvelle Commission soutiendra [les propositions du TABD] de la même manière que la précédente. Nous ferons ce que nous avons à faire d’autant plus facilement que, de votre côté, vous nous indiquerez vos priorités (...) Je crois que le monde des affaires doit aussi parler franchement et convaincre que la libéralisation du commerce et en général la globalisation sont de bonnes choses pour nos peuples... 

 

Pascal Lamy à Bruxelles devant les mêmes 8 mois plus tard

 

Les relations de confiance et les échanges d’informations entre le monde des affaires et la Commission ne seront jamais assez nombreux » (...) Nous consentons de grands efforts pour mettre en œuvre vos recommandations dans le cadre du partenariat économique transatlantique et, en particulier, il y a eu des progrès substantiels dans les nombreux domaines sur lesquels vous avez attiré notre attention. (…) En conclusion, nous allons faire notre travail sur la base de vos recommandations...

 

Les élites sont en mission commandée pour des intérêts qui ne sont pas ceux des citoyens.

 

6.1.5        Le syndrome de l’auto stoppeur.

 

Interview de Jacques Delors sur LCI le 30 juillet 2004 :

 

Jacques Delors : J’ai beaucoup de critiques contre ce texte. La première, c’est la "clause de révision". Comment peut-on accepter ça alors que si, un jour, dans quinze ans, la Turquie adhère, quatre-vingts millions d’habitants, le système de décision n’irait pas du tout, déséquilibrerait le système. Deuxièmement, on a ajouté dans ce texte, dit "Constitution", une troisième partie intitulée "les Politiques". C’est comme si, dans la Constitution française, chaque fois qu’on changeait de gouvernement, on changeait de constitution pour dire qu’on allait faire telle ou telle politique sociale. Une politique que vous appliquerez au jour le jour, ce n’est pas du ressort de la Constitution ! Troisièmement : l’Union économique et monétaire doit être rééquilibrée dans le Traité. C’est un point extrêmement important. Et quatrièmement, sur la politique sociale : même avec les réserves que j’ai dites, on peut avoir un texte amélioré. Comme par hasard, les deux groupes de travail, là, qui n’ont pas fonctionné à la Convention, c’est celui sur l’Union économique et monétaire et celui sur le social. Mais sur ces quatre points-là, il faut revenir en arrière. Il faut revoir les textes. (...)

Thierry Guerrier : (..) pour le référendum, vous votez non ?

Jacques Delors : Comment ? Ah, je voterai oui ! Je voterai oui. Je ne veux pas que l’Europe s’arrête.

 

La plupart de ces élites sont en tant qu’experts embarqués dans l’aventure Européenne. L’Europe est leur jouet. Ils y ont une histoire, des amis, des relais, un auditoire, un avenir. Pour beaucoup elle les nourris. Tel l’auto-stoppeur qui se laisse aller au confort de la voiture qui l’emmène, ils ne sont pas prêts à en descendre pour les beaux yeux de principes désuets tels que démocratie ou justice d’autant que plus d’un s’illusionne sur le fait de pouvoir influer sur le parcours de la voiture.

On retrouve par exemple cette dynamique chez les écologistes qui ont beaucoup investi dans l’Europe et squattent les places de devant.

 

Citoyens et élites ne veulent pas aller dans la même direction. Leurs intérêts sont contradictoires.

 

6.1.6        Le complexe de surpuissance.

 

Le fait de pouvoir instrumentaliser l’Europe ou la faire évoluer au bénéfice des objectifs que l’on prétend poursuivre est l’un des fantasmes les plus répandus chez ces élites. Ils se leurrent bien entendu sur la force intrinsèque du système qui les nourris. Prenons l’exemple de François Hollande qui déclare dans un interview sur le site de campagne du oui socialiste « Dès à présent, je prends d’ailleurs l’engagement, si nous revenons au pouvoir en 2007, de promouvoir un traité social qui s’ajoutera aux dispositions actuelles » Pourquoi ne s’occupe t-il pas dès maintenant de promouvoir le traité social qu’il appelle de ses vœux ? (bel aveu au passage des lacunes du traité actuel !). Sachant que la constitution une fois votée sera fossilisée par la règle de la triple unanimité et que sa dimension sociale, volontairement oubliée dans le texte actuelle n’est certainement pas ce qui a le plus de chance de susciter dans un avenir proche l’enthousiasme général, on ne voit pas bien comment Superman Hollande pourrait tenir cette promesse mais sans doute y croient-ils

 

Les élites se mentent à elles-mêmes. Ne nous fions pas à leurs discours !

 

encore que…

 

6.1.7        Le devoir de mentir.

Une vieille tentation des élites est de faire le bien des gens malgré eux. On trouve cette logique à l’œuvre actuellement aux Etats-Unis chez les néo-conservateurs américains (voir Le triomphe de la révolution néo-conservatrice américaine) qui sont « largement pessimiste quant à la capacité des masses à discerner la voie du Bien. » et qui pensent comme leur idéologue Strauss que « la solution proposée est alors celle d’un Prince – philosophe roi -  qui gouverne sans concession, qui s’octroie la capacité de dissimuler ou mentir au peuple lorsque l’opportunité le requiert ! »

On retrouve également cela à l’œuvre chez nous lorsque les élites, prétextant de la complexité du texte, font fi des moyens pour aller au plus court, à grands coups chantages (la France n’existera plus au sein de l’Europe) et de mensonges, vers le résultat escompté. Cela donne par exemple le  « Pourquoi le traité est un rempart contre les dérives libérales type Bolkestein » des socialistes et le « Il n’y a plus de directive Bolkestein » de François Hollande (réécouter ce grand moment de radio où François Hollande répond à ce sujet au téléphone sonne de France Inter à un auditeur) ou l’abandon de toute déontologie journalistique dans les médias.

 

Voir également le débat à ce sujet entre Aristote et Platon résumé plus loin.

 

Les élites nous mentent. Ne nous fions pas à leurs discours !

 

Au travers de cette constitution à laquelle le citoyen n’a pas contribué, ce qu’on nous demande maintenant n’est ni plus ni moins que d’acter et reconnaître la vocation naturelle de ces élites à déterminer la politique de l’Europe, bref à abdiquer définitivement de notre rôle de citoyen.

 

6.2        Pourquoi la plupart des médias sont pour

 

Les journalistes entretiennent une complicité malsaine avec le pouvoir.

 

Jacques Duquesne, président du conseil de surveillance de L'Express l’avoue ici:

 

Il faut le reconnaître: de graves dérives sont apparues ces dernières années dans l'exercice de notre profession. Des journalistes, qui devraient être des «contre-pouvoirs», des «watch dogs», comme aimait à le répéter Françoise Giroud, se sont liés aux hommes et aux femmes des pouvoirs politique, économique, culturel, sportif, et autres.

 

C’est l’effet club évoqué plus haut et que dénonçaient Bourdieu, Pierre Carles dans « pas vu pas pris », ou Daniel Carton dans « bien entendu c’est of » où il note que la connivence  entre journalistes politiques : Mêmes écoles, mêmes relations, même milieu social, mêmes dîners en ville, mêmes intérêts parfois, " et où il montre que l’indépendance et l’intégrité journalistiques apparaissent inéluctablement comme de belles illusions, ou tout au moins une gageure intenable pour qui veut réussir professionnellement dans le traitement de l’actualité politique. Un sociologue récents ont une vision plus compréhensive du dur travail du journaliste. Cyril Lemieux, sociologue des médias et disciple de Luc Boltanski analyse dans « mauvaise presse » les différents niveaux de grammaire dont doit user le journaliste pour sortir des infos dont la grammaire privée (le tutoiement) et s’attache à des propositions ayant pour objectif de permettre au journaliste de « résister aux séductions, intimidations et frustrations dont ils sont la cible de la part de certains interlocuteurs ou supérieurs hiérarchiques et à travers eux, par exemple, de certains actionnaires ou annonceurs »faisant le postulat d’une volonté déontologique que l’on constate de plus en plus absente.

 

Le pouvoir a acheté les médias.

 

On constatera opportunément qu’au delà des opinions de ceux qui font ces médias et qui sont très largement nourris au lait du libéralisme, une très nette majorité des médias Français appartiennent à des groupes industriels : Lagardère, Bouygues, Dassault, des fabricants d’armes (qui sont tout particulièrement intéressés à l’article. I-41-3 : «  (…) Les Etats membres s’engagent à améliorer progressivement leur capacité militaire. ») ou de béton !!!, que Libération vient de se vendre à 39% à Rothschild dont le nom seul doit se faire retourner Sartre dans sa tombe (Voir à ce sujet le dossier la concentration des médias en France).

 

Cela n’est pas sans effet. On sait depuis longtemps que publicité et indépendance éditoriale ne sont compatibles qu’à tant que cette indépendance ne s’exerce pas au détriment du donneur d’ordre. On imagine ce que l’arrivée massive d’industriels au capital et dans les conseils d’administration des grands médias peut induire en terme d’indépendance. Voir par exemple à ce sujet Comment « Le Monde » défend les intérêts du groupe Lagardère qui relève que « Au moment où le groupe Lagardère entre au capital du Monde S.A., le Monde publie, dans son numéro daté du 18 mars 2005, un article qui sélectionne et organise l’information dans un sens favorable aux intérêts du groupe Lagardère »

 

On peut en conclure comme Christian Pradié dans Les enjeux de la financiarisation des industries culturelles que « La capacité d’influence sur l’opinion et sur la décision publique amène évidemment à affaiblir l’état d’indépendance et de pluralisme des moyens nationaux d’expression » et que « l’application mal maîtrisée de politiques se réclamant du libéralisme économique en ce domaine fait peser une menace sur les règles du libéralisme politique ».

 

On constate dans le cadre de cette campagne européenne que dès lors que les intérêts en jeux deviennent importants, il n’y a plus ni indépendance, ni déontologie qui vaille.

L’appartenance des médias à des groupes industriels est une honte pour notre « démocratie »
Lorsque les enjeux sont d’importance, il faut les contourner !

 

6.3        Comment des citoyens peuvent-t-il être pour cette Europe

 

Pourquoi un texte mijoté dans des cénacles d’experts où le citoyen n’a pas voix, incapable d’exprimer les valeurs qui fonderaient une citoyenneté européenne, brutal au point de soustraire aux débats publics futurs des politiques économiques qui servent exclusivement les intérêts du marché, cynique au point de faire de ce même marché une idole vénérée à longueur de pages, rejetant l’humain dans des formules creuses et sans portée, pourquoi un tel texte recueillerait l’assentiment des citoyens ?

 

6.3.1        La fin de l’histoire

 

Francis Fukuyama a théorisé en 1988 puis en 1998 la fin de l’histoire (voir La fin de l'histoire selon Fukuyama) « Il se peut bien que ce à quoi nous assistons, ce ne soit pas seulement la fin de la Guerre Froide ou d'une phase particulière de l'Après-guerre, mais à la fin de l'Histoire en tant que telle : le point final de l'évolution idéologique de l'Humanité et l'universalisation de la Démocratie libérale occidentale comme forme finale de gouvernement humain »

 

Fukuyama estime, en effet, non seulement que la démocratie libérale est en voie de s'imposer partout dans le monde mais qu'elle constitue un acquis dont les principes sont désormais si profondément intégrés au patrimoine culturel de l'humanité pour qu’il soit raisonnable de penser qu'ils puissent être un jour oubliés et rendus inopérants.

 

Le libéralisme favorise le développement des richesses qui, à son tour, favorise la recherche scientifique et ses applications, lesquelles permettent d'accroître à nouveau la richesse. Le désir suscité par le mode de vie que rend possible de telles richesses contribuera ensuite puissamment à la diffusion des régimes économiques qui rendent possibles leur production ou leur acquisition.

 

Le philosophe économiste psychanalyste Cornélius Castoriadis, mort en 1997 disait  "Il est ahurissant de penser qu'il y a eu des idéologues et des écrivains pour parler de l'époque contemporaine comme d'une époque d'individualisme alors que précisément, ce qu'il faut surtout déplorer actuellement, c'est la disparition des individus véritables devant cette espèce de conformisme généralisé.".

 

On trouvera également dans Comment la dictature de la consommation désespère le citoyen la relation d’une conférence du philosophe Bernard Stiegler disciple de Derrida : « Que nous dit-il ? En gros ceci ! Que notre état contemporain d'individu consommateur, appartenant à une foule indifférenciée d'individus- consommateurs, reproduisant à peu près en même temps les mêmes actes de consommation, soumis aux mêmes injonctions ou aux mêmes manipulations de la part notamment des médias de masse, détruit peu à peu en nous tout sens de notre singularité, produit un sentiment irrépressible de honte, de dégoût de soi, d'où ne peut que surgir du pire. Le pire pouvant prendre de multiples visages, celui de Richard Durn ou celui de ces hommes et de ces femmes qui prêtent à Jean-Marie Le Pen le destin d'un sauveur. Ou encore celui de notre docilité. » 

 

Noam Chomsky notait que les médias fabriquaient du consentement. Il n’est pas très difficile d’imaginer quel type de consentement est recherché à travers eux par la société de marché.

La plupart des citoyens se sont soumis à la norme dominante qui est celle du marché.
Que reste t-il de la citoyenneté ?

 

6.3.2        Le mythe du citoyen consommateur

 

On voit bien que ce qui se joue sur ce référendum passe quelque part au sein de l’individu entre le citoyen et le consommateur et que le débat possède une dimension intime voire schizophrénique.

 

Dans Marchandisation et citoyenneté, Patrick MIGNARD professeur d'économie à l'IUT de Toulouse met en évidence le paradoxe qu’il y a se prétendre citoyen dans une économie de marché.

 

Patrick MIGNARD

 

Aujourd'hui c'est chose acquise et intégrée, la morale marchande nous pénètre toutes et tous et nous détermine dans notre comportement social ainsi que dans le jugement et la perception que nous avons de l'Autre.

 Remettre en question la marchandise est socialement considéré comme parfaitement irresponsable. On conteste, on fustige le marché pour ses excès, parce que « on ne le contrôle pas suffisamment », mais en aucun cas on ne remet en question son existence, son essence. Ainsi se développe une espèce de « contestation molle », de pseudo radicalité, qui donne l'impression de la radicalité à celles et ceux qui la tiennent ou qui la reçoivent, contestation qui devient l' « alibi démocratique » de la perpétuation du système marchand.

 Assimiler « citoyenneté et « économie de marché » constitue une des plus grande mystification de ces deux derniers siècles. En effet, qu'un système, qui a pour principe d'instrumentaliser l'être humain, puisse se parer, idéologiquement, du concept de citoyenneté a quelque chose d'extraordinaire. Et ça marche. Ca marche au point que le rapport marchand structure notre rapport social dans ce qu'il a de plus intime et personnel.

Ainsi, la rationalité marchande ne nous agresse plus parce que nous l'avons intégré, elle est en nous. Nous l'avons intégré comme nos ancêtres avaient intégré les valeurs de leur époque. Elle est en passe de constituer, et constitue pour la plus grande masse, l'essence de notre comportement social.

 

La plupart des citoyens ont intégré soit par résignation, soit par dépit, soit par intérêt, le postulat d’une société de consommation incontestable et éternelle. Ils ont de ce fait désinvesti la politique et abdiqué leur citoyenneté pour ne plus être que simples consommateurs.

6.3.3        Le marché des indulgences

 

Le citoyen peut de nos jour abdiquer en toute bonne conscience de son rôle de contre pouvoir aux  puissants. Le marché lui propose pour l’aider dans cette démarche toute une série de produits conçus pour.

 

Une brève parlait aujourd’hui d’une ONG (Greenfleet) proposant aux automobilistes de planter 17 arbres en Australie pour compenser leurs émissions de gaz. Voila qu’on peut même maintenant rouler en toute bonne conscience.

Il est stupéfiant de constater à quel point le système a des capacités comme dans 1984 de Georges Orwel à intégrer sa propre contestation. On l’a constaté avec le mouvement des antipubs récupéré par les publicitaires avec leurs affiches pré-taguées dans les mois qui suivaient, on le constate avec le mouvement alter-mondialiste duquel il suffirait d’être militant voire juste solidaire ou du commerce équitable où il suffirait  d’acheter quelques paquets de café ou tablettes de chocolat pour s’absoudre de son mode de vie et de son apolitisme coupables.

 

On a dénaturé à grands coups d’entreprise citoyenne, citoyen du monde et autre consommation citoyenne le terme de citoyen. Il est de la dernière mode de se dire citoyen de là ou d’ailleurs, il n’est pas un magazine branché qui n’ait inclus le militantisme alter-mondialiste dans la panoplie du jeune métropolitain au courant et les mouvements se revendiquant de la citoyenneté fleurissent. Les saisons qui viennent seront citoyennes !

En parallèle, pour donner du grain à moudre et absorber les velléités contestataires de ce nouveau citoyen « responsable », un mythe a été créé ex-nihilo : celui de la croissance soutenable qui rendrait la société de consommation vers laquelle l’Europe nous propulse compatible avec l’avenir.

 

rapport Brundtland En 1987 pour la Commission des Nations Unies sur l’Environnement et le Développement

 

Aujourd’hui, ce dont nous avons besoin, c’est d’une nouvelle ère de croissance, une croissance vigoureuse et, en même temps, socialement et environnementalement soutenable

 

Reste à se poser la question de savoir si « croissance » et « environnementalement soutenable » sont des termes compatibles alors que des milliers de scientifiques à travers la planète s’éreintent  à avertir les politiques de ce que l’activité de l’homme provoque un réchauffement catastrophique de l’atmosphère et une extinction massive des espèces animales et végétales et qu’en une fraction infinitésimale de l’histoire de l’humanité ont été pillées une bonne partie des ressources de la terre.

 

Nous avons hérité de la terre de nos ancêtre et nous l’avons volé à nos enfants

 

Le crépuscule de la croissance de Jean-Marie Harribey Professeur agrégé de sciences économiques et sociales

 

Le capitalisme est sidérant par sa propension à légitimer le calcul le plus individuel, les choix les plus conformes à l’intérêt exclusif d’une minorité, sous le couvert d’une aspiration devenue quasi universelle au progrès, le progrès matériel étant le vecteur essentiel du progrès en général. Comme l’accumulation est, dans un mouvement sans fin, inhérente au capitalisme, celui-ci pousse en avant une croissance perpétuelle de la production, sous réserve que celle-ci corresponde à des besoins solvables et – cette condition pouvant être encore plus restrictive que la première – qu’elle rapporte le rendement minimum requis. On comprend aisément que l’adéquation des besoins aux besoins solvables ne puisse être assurée, d’autant plus que la limite des besoins est sans cesse repoussée afin de convertir une gamme toujours plus large de désirs humains, de fantasmes et d’angoisses en besoins objectivables. Le tour de force idéologique du capitalisme fut de confondre cette tendance avec le « développement » et d’accréditer l’idée que celui-ci ne pouvait aller sans celle-là.

 

Comment concevoir qu’aucune culpabilité ne nous agite ?

 

Jean-Philippe Deranty philosophe, dans la revue Le passant ordinaire

 

Il nous suffit d’avoir conçu la norme morale pour qu’elle nous apparaisse comme pleinement réalisée chez nous. C’est comme si, ayant eu la révélation de ce que sont le droit et le juste, nous en étions par là-même devenus leur parfaite incarnation, sans avoir davantage à nous préoccuper des conditions de leur réalisation. L’être nous dispense de l’agir. La bonne conscience morale permet de faire l’économie de la politique (…) La pensée que nous incarnons le droit et la justice nous permet de nous excepter nous-mêmes, en toute bonne conscience, de leurs commandements et de leurs interdictions. Persuadés que nous savons mieux que les autres ce que sont le bien et le mal, nous nous plaçons au-delà du bien et du mal, et agissons en conséquence. Notre moralisme hautain fait de nous des nietzschéens honteux.

 

Avoir inventé le concept de bien nous dispense de le faire

 

On voit la propension qu’ont nos sociétés modernes à générer du bien-pensant pour nous dispenser du bien-agir.

Tout le monde peut de fait abonder à ce discours « bien pensant » sans que cela prête à conséquence.

 

Jacques Chirac discours devant l'Assemblée plénière du Sommet mondial du développement durable

 

Au regard de l'histoire de la vie sur terre, celle de l'humanité commence à peine. Et pourtant, la voici déjà , par la faute de l'homme, menaçante pour la nature et donc elle-même menacée. L'Homme, pointe avancée de l'évolution, peut-il devenir l'ennemi de la Vie ? Et c'est le risque qu'aujourd'hui nous courons par égoïsme ou par aveuglement. Il est apparu en Afrique voici plusieurs millions d'années. Fragile et désarmé, il a su, par son intelligence et ses capacités, essaimer sur la planète entière et lui imposer sa loi. Le moment est venu pour l'humanité, dans la diversité de ses cultures et de ses civilisations, dont chacune a droit d'être respectée, le moment est venu de nouer avec la nature un lien nouveau, un lien de respect et d'harmonie, et donc d'apprendre à maîtriser la puissance et les appétits de l'homme.

 

Le même individu peut, au grée des circonstances, abandonner complètement ce thème qui semble pourtant avoir vocation à déterminer lesautres pour se saisir de celui de la croissance (ni durable ni soutenable) et de la performance économique.

 

Jacques Chirac dans ses Vœux pour 2005

 

retrouver une croissance soutenue (…) Une société de justice, de croissance, (…), Bâtissons (…) une société de croissance. J’ai demandé au Gouvernement de lancer, en soutien de nos entreprises et avec nos partenaires européens, les projets industriels qui tireront la croissance de demain et nous permettront d’accroître notre avance technologique. Tout faire pour la croissance. Poursuivre la hausse du SMIC et soutenir le pouvoir d’achat. Poursuivre la baisse de l’impôt sur le revenu et la baisse des charges. Continuer à maîtriser nos dépenses. Encourager l’investissement en mettant en œuvre la réforme de la taxe professionnelle. Permettre à celles et à ceux qui veulent gagner plus de travailler plus. Donner plus de droits aux consommateurs. Développer la concurrence. Encourager l’exportation et renforcer notre présence sur les grands marchés émergents.

 

Petit guide à l’usage des biens-pensant

La « bien pensance » (agriculture raisonnée, commerce équitable, croissance durable, …)  est  une escroquerie intellectuelle destinée à perpétuer un système  criminel pour notre avenir.

A force de vouloir tout on n’aura rien : LE COURAGE C’EST CHOISIR

 

On voit avec quelle promptitude tous les rouages de la société s’appliquent à mettre en œuvre un guide du bien penser quant au référendum européen. Du texte il n’est pas question mais une norme se construit petit à petit qui veut qu’être pour, ce soit être pour la paix, pour l’entente entre les peuples, contre le repli identitaire, contre les extrêmes, contre le chaos, pour l’intelligence, contre les « pulsions destructrices qui ont fait tant de mal à l’Europe dans le passé ». N’importe quel « citoyen » pourra y chercher quelque indulgence pour expier sa soumission à un avenir livré au libéralisme et au marché. Pour un tel ce sera au nom de sa lutte pour la paix , pour tel autre le refus de chaos. Pour un autre encore, le seul fait de n’être point du coté des nationalistes pourra justifier son oui et le dédouaner de ne pas avoir eu l’intelligence, en tant que citoyen, de comprendre les enjeux de cette constitution.

Le oui est l’aboutissement de la « bien pensance » et des compromissions de l’individu avec lui-même.

 

6.4        Pourquoi une majorité de militants s’est prononcée pour le oui à gauche et chez les verts

 

80% des 120 027 militants socialistes se sont prononcés début décembre 2004 à 59% pour le oui et 41% pour le non.

54,5% des 8.808 adhérents revendiqués par les Verts ont voté le 15 février 2005 à 52,9% pour le oui, 41,89% pour le non et 5,21% se sont abstenus.

 

Compte tenu du fait que de l’avis même des spécialistes, ce texte est une véritable usine à gaz  juridique dont la compréhension n’est pas donnée à tous et que même les experts peuvent émettre des avis contradictoires sur l’exégèse à en faire, il semble inconcevable que les militants aient pu se prononcer en toute connaissance de cause.

 

La critique de ce texte est de plus arrivée après de source souvent externe aux partis (chercheurs, économistes, juristes, …) Le débat est donc arrivé avant que de nouveaux regards soient portés sur le traité ceci dans la dynamique des directives Bolkestein tout d’abord puis dans le cadre du débat national actuellement.

 

Jérôme Jaffré note dans Constitution européenne : le choix du PS : « On a voté, me semble-t-il, en tenant compte de deux éléments principaux : d'une part, l'enjeu européen, et ce qui a compté dans le vote, c'est la volonté de maintenir l'orientation pro-européenne du PS et de ne pas l'isoler du reste des partis socialistes européens. Et il me semble d'autre part que l'on a voté sur le parti lui-même, en considérant qu'il n'était pas souhaitable de le faire entrer dans une période de turbulences, de crise, de démission de sa direction, juste après un congrès de l'UMP marqué par la montée de l'adversaire de droite. »

 

La portée réelle de ce traité commençant seulement à apparaître à ceux qui veulent s’en donner la peine, le vote serait peut être tout autre aujourd’hui et sera peut être tout autre espérons le dans les urnes le 29 mai.

Le choix des militants a été un choix politique et pas un choix de citoyen

 

6.5        Pourquoi la Confédération Européenne des Syndicats (C.E.S.) a voté une motion de soutien

 

Cela a beaucoup fait jazzé et a été abondamment repris dans l’argumentaire du oui.

L’argument est l’argument standard. Développé par son secrétaire général, l’anglais John Monks dans La Constitution européenne représente un pas en avant pour les travailleurs cela donne « Pour moi, la Constitution représente un pas en avant pour les travailleurs par rapport à Nice » On y retrouve aussi ici.l’illusion que l’important est d’y être pour pouvoir en influer le cours : « Il convient de considérer la Constitution comme un tremplin qui permettra de progresser vers une Europe plus sociale, l’Europe sociale ne doit pas rester un idéal, ou seulement des mots dans une Constitution, mais elle doit véritablement se développer à partir de ce Traité » A noter que les ambitions affichées par cette confédération sont modestes puisque ce même John Monks indique en conclusion de son interview « Un salaire minimum européen ne me paraît donc pas réaliste ».

 

Le gros Hic relevé dans Constitution et syndicats : vérités et mensonges est que « La C.E.S. n'est pas le Parlement des syndicats européens, mais une « holding syndicale » siégeant à Bruxelles. Elle a émis un avis favorable au texte constitutionnel, mais n'a pas laissé la possibilité à chaque syndicat de consulter ses adhérents. Cela relativise la portée démocratique d'une telle décision ».

Georges Debunne, Belge et ancien président de la CES vient par ailleurs de lancer un appel : NON à la constitution  :

Georges Debunne ancien président de la CES

Les Traités successifs ont été ratifiés à chaque fois sur la base de promesses d’améliorations et aussi par manque d’information des citoyen(ne)s européens. C’est pourquoi je pousse cet ultime cri d’alarme dans cette période de ratification où nous sommes amené(e)s à légitimer ou NON ce texte de loi qui prévaudra sur les Constitutions nationales. La Gauche européenne ne peut plus tergiverser. Il faut stopper cette course vers l’abîme. Le moment est venu de dire NON à cette hégémonie du capital, de fixer les objectifs et d’entamer l’action pour réaliser enfin une Union européenne démocratique et sociale fondée sur des droits fondamentaux civiques, économiques et sociaux.

On voit dans quel sens l’histoire se fait… et on peut appliquer la même analyse à la CGT ou la direction s’est prononcée pour le Oui avant que le Comité confédéral national de la Cgt aille à l’encontre de cette position en se prononçant pour le Non et que le comité exécutif tranche dans le sens de la plus forte représentativité.

Dans les syndicats comme ailleurs, les élites ont tendance à se prononcer pour le oui, le citoyen éclairé pour le non

 

6.6        Comment les verts justifient leur Oui

On peut par exemple regarder la référendum interne organisé par les écologiste indépendant (MEI) pour mesurer la mauvaise foi de Waechter : « Faire du débat constitutionnel une question idéologique antilibérale, c'est se tromper de scrutin. Une constitution définit le cadre du vivre ensemble, elle ne préjuge pas des orientations politiques. Elle précise le contenant, pas le contenu. Celui-ci est de la responsabilité des électeurs qui décident des majorités politiques dans leur pays et à l'assemblée de Strasbourg. »
Visiblement il n’ a lu de cette constitution que son titre et pas son contenu…

 Ou rester bouche bée devant cette contribution de Jean Paul Gros : « ne vous en prenez pas hypocritement au libéralisme dont la philosophie politique et sociale est, il faut l'admettre, inhérente à la démocratie, à la social-démocratie même, et à la modernité. » (sic !)

On a aussi dans une veine plus officielle Alain Lipietz dans Nice ou la Constitution, il faut choisir du Monde du 28/09/2004 :dont la logique méandreuse laisse perplexe : « Ce projet, c'est pour 90 % ce que nous avons aujourd'hui (Maastricht-Nice) et que nous n'aimons pas, et 10 % de réformes que nous approuvons. Il faudra répondre par "oui" ("Nous prenons les 10 % d'amélioration") ou par "non" ("Nous en restons aux 90 % que nous critiquons"). Les états d'âme des uns et des autres seront oubliés aussitôt le résultat acquis. […] Notre coeur se révolte à l'idée de conserver des politiques que nous réprouvons. Mais notre raison nous dicte de les réformer plutôt que de les laisser en l'état »

Dans un texte qui a déjà été signé par plus de 150 responsables verts Des Verts pour un oui européen : « Faut-il, comme le proposent certains, rejeter ce texte parce que « la mariée ne serait pas assez belle » ? Nous ne le croyons pas. Car on ne nous propose pas de choisir entre ce traité imparfait et notre traité idéal, mais entre ce traité imparfait et le statu quo qui risque d’entraîner les peuples d’Europe dans la voie morbide de la régression nationaliste »

On pourra considérer charitablement que les écologistes ont depuis longtemps l’Europe chevillée au corps et que comme tout le monde le sait l’amour rend aveugle.

6.7        Comment les socialistes  justifient leur Oui

Tout est dit dans Pourquoi les socialistes votent oui au traité constitutionnel  (On remarquera que le terme les socialiste englobe démocratiquement les 42% qui se sont prononcés pour le non), patchwork de laborieuses contre-vérités :

« Le traité constitutionnel reconnaît-il les services publics ? Oui ! Les Etats membres pourront financer leurs services publics en dérogation aux règles de la concurrence ».

Vrai/Faux : il suffit de lire le texte pour s’apercevoir que le terme service public n’est même pas cité et que sa logique constitue précisément une attaque en règle contre les services publics.

« Le traité constitutionnel est-il révisable ? Oui ! Le traité constitutionnel est un traité comme les autres. Du traité de Rome au traité de Nice, c’est la règle de l’unanimité qui s’est toujours appliquée. Jamais elle n’a empêché l’Europe de progresser par bonds successifs. »

Faux s’agissant d’une constitution il ne s’agit plus de la règle de l’unanimité mais de la triple unanimité (celle de la convention puis des 25 gouvernements plus celle des 25 parlements ou populations consultées par voie de référendum) qui devra qui plus est être obtenue à 25 par des pays dont les intérêts sont profondément divergents.

On y trouve également un argument surréaliste de mauvaise foi : « Pourquoi le traité est un rempart contre les dérives libérales type Bolkestein » alors même que Barroso vient de rappeler l’importance qu’il accordait à la notion de pays d’origine et que les directives de type Bolkestein ont été conçues quasi simultanément et en symbiose avec le traité (voir à ce sujet le chapitre spécial consacré à Bolkestein).

Pour être tout à fait honnête il faut constater que certains articles vont dans le bon sens par rapport à le situation actuelle.

J’ai désespérément cherché sur les sites militant pour le oui des articles qui puissent raisonnablement rendre optimiste sur les buts de cette constitution. Des 10 articles dans la Constitution européenne pour dire Oui promus par Raffarin et abondamment repris par les socialistes seuls me semblent pouvoir être retenus ces 3 ci :

Art. 1-22 : Le Conseil européen élit son président à la majorité qualifiée pour une durée de deux ans et demi, renouvelable une fois.

C’est mieux que d’avoir un président par rotation semestrielles mais on reste loin du suffrage universel

Art. 1-47-2 : Les institutions entretiennent un dialogue ouvert, transparent et régulier avec les associations représentatives et la société civile

Cet article est très apprécié des syndicats et explique en partie l’aveuglement de certains quant au reste du texte. Il y a par ailleurs le même pour les églises et il est également très apprécié des églises.

les autres articles mis en avant sont strictement décoratifs comme par exemple :

Art. 1-43 : L’Union et ses États membres agissent conjointement dans un esprit de solidarité si un État membre est l’objet d’une attaque terroriste, ou la victime naturelle ou d’origine humaine

On n’imaginait pas qu’il puisse être du devoir de l’union d’achever la victime

Art. 1-57 : L’Union développe avec les pays de son voisinage des relations privilégiées, en vue d’établir un espace de prospérité et de bon voisinage, fondées sur les valeurs de l’union et caractérisées par des relations étroites et pacifiques reposant sur la coopération

On imaginait mal l’union s’affirmer en guerre avec ses voisins

ou ne résistant pas à l’analyse et à la mise en perspective avec d’autres comme par exemple

Art. 1-9 : L’Union reconnaît les droits, les libertés et les principes énoncés dans la Charte des droits fondamentaux...

 

Art. II-96 : L’union reconnaît et respecte l’accès aux services d’intérêt économique généraux …

Ceux-là on les connaît déjà et l’exégèse en a été effectuée par ailleurs dans ce document.

Le vote à la majorité qualifié représente-t-il un progrès

 

Pour déterminer si les modalités de vote sont un progrès comme l’affirment certains ou un recul comme l’affirment d’autres je vous renvois au Fonctionnement des institutions de l’Union européenne  où sont expliquées en fonction des domaines les 31 majorités différentes à appliquer au vote. Il paraît que même les juristes s’y perdent. Ce qui est sur et important c’est que le contenu de la constitution est verrouillé lui par la triple unanimité (voir plus haut) et qu’on a pu mesurer par ailleurs le type de société qu’il prône.

 

Honnêtement on ne peut souhaiter à personne de devoir faire campagne pour le oui le texte à la main. Ceci explique peut être le niveau du débat actuel

 

7          Comment se prononcer en tant que citoyen

 

Rappelons que depuis le monde grec:

 

la citoyenneté est la condition de l’homme libre, pouvant socialement et politiquement agir

 

7.1.1        Le citoyen dépossédé : Platon contre Aristote

 

Rappelons nous le vieux débat entre Platon et Aristote (voir Planton contre Aristote : la république contre l’oligarchie de Christine Bierre où elle dit que « Platon fonde le courant républicain tel qu'on le retrouve encore de nos jours ; Aristote, au contraire, est le père de l'« oligarchisme » comme on le connaît aussi jusqu'à nos jours » et dont on peut juger de quelle actualité il est :

 

 « Il [Aristote] ne recommande pas la tyrannie car en s'opposant brutalement à la masse du peuple, le tyran ne fait que provoquer la révolte contre lui. Il ne préconise pas non plus l’oligarchie pure, le règne du petit nombre et de l'argent, car lui aussi peut cristalliser les haines de tout un peuple. De l’oligarchie, il garde l'idée que ce sont les riches qui, seuls, sont habilités à commander ; de la démocratie, l'idée que l'on doit faire semblant de faire appel au peuple pour que celui-ci ne se révolte pas. »

 

« Platon [refuse …] la tyrannie (forme dégénérée de la monarchie), l’oligarchie (forme dégénérée de l'aristocratie) et la démocratie (forme dégénérée de la République). La tyrannie est de loin le pire des régimes, dit-il. Il rejette totalement l’oligarchie, le régime où les riches règnent contre les pauvres. Il rejette également le régime démocratique, où tous prétendent régner sur tous » Platon décrit un état dirigé par « la sagesse, le courage, la tempérance et la justice » ou il faut développer les qualités des individus car ce sont les qualités des individus qui vont s'imprimer dans le type d'Etat qu'ils créent.

 

Et Christine Bierre de conclure  « Voici donc La République de Platon, un gouvernement où la sagesse commande non pas pour permettre à une petite élite figée de s'installer au pouvoir, mais pour élever le niveau de tous et former des citoyens et des citoyennes. La tâche qui nous attend est immense car c'est le modèle d'Aristote qui a été érigé en maître depuis une trentaine d'années. »

 

Assisterons nous à la victoire définitive d’Aristote sur Platon ?

 

et aujourd’hui ?

 

Une dissertation philosophique sur le thème Peut-on être un bon citoyen sans s'intéresser à la chose publique ? remarque que :

 

La conception moderne de la citoyenneté, avec la délégation des pouvoirs politiques à des représentants élus, tend donc à sortir le politique du champ de la citoyenneté. » que « la distinction entre bons et mauvais citoyens se fait de plus en plus en fonction de deux nouvelles notions, le civisme et la civilité. Cette conception de la citoyenneté, qui correspond de plus en plus à l’usage courant, est alors plus individuelle. Le bon citoyen est d’abord celui qui respecte les lois. » ? « En somme, le bon citoyen est surtout le citoyen bon »  et de citer comme archétype du bon citoyen « le soldat héroïque … l’entrepreneur qui sauvegarde des emplois … l’artiste renommé … le sportif qui gagne »  D’où il résulte que « On a donc un renversement complet de perspective puisque ce sont des actions apparemment purement individuelles, motivées essentiellement par un intérêt personnel, mais qui profitent, par ricochet, à l’ensemble du corps social, qui sont considérées comme des preuves de bonne citoyenneté ». Et d’enfoncer le clou  « Non seulement l’intérêt pour la chose publique n’est pas [plus] un critère valide pour juger de la qualité de bon citoyen, mais on pourrait presque inverser la proposition : Comme c’est sur la base des actions individuelles et privées que les citoyens sont apparemment désormais jugés, l’intérêt pour la chose publique peut sembler une perte de temps préjudiciable à son accomplissement…

 

Dans nos démocraties modernes, le « bon citoyen » est devenu le « citoyen bon »

 

7.1.2        Le citoyen instrumentalisé

 

Cette notion de citoyen bon ressort régulièrement au travers des discours alarmistes lorsqu’il s’agit d’en appeler à son sens de la responsabilité pour mieux épauler un pouvoir inquiet de la  montées des populismes.  Il devient alors de son devoir de citoyen de défendre les « acquis de notre civilisation Européenne», « l’Europe », « l’image de la France au sein de l’Europe », « les valeurs qui nous sont chères et que nous avons mis tant de temps à construire », « la paix »,  «  d’établir un contre poids à la toute puissance Américaine ».

Voici une lettre d’un lecteur de Libération qui m’a semblé extrêmement pertinente:

Libé vendredi 25 mars 2005

Quel toupet ! Quelle bassesse ! Quelle démagogie irresponsable ! Ceux qui pendant des années ont instrumentalisé l'Europe, votant dans les conseils européens ce qu'ils dénonçaient hypocritement devant leur peuple, signant des traités «calamiteux», des compromis stupides, s'arrangeant de la méconnaissance des citoyens sur les institutions de l'Union, la cultivant peut-être, se cachant derrière des directives bruxelloises qu'ils avaient eux-mêmes promulguées pour appliquer la pire politique de régression qu'ait jamais connue la France depuis Vichy... Ceux qui ont fait de l'Europe cet épouvantail qu'ils accusent leurs adversaires de brandir, cette incompréhensible architecture sans direction, sans valeurs, sans esprit et sans âme, voilà qu'ils se proclament sauveurs de la paix et de la prospérité, hérauts de l'intelligence face à l'obscurantisme, de l'ordre face au chaos, de la politique face à l'économie, de la raison face à... bref, de tout ce qu'ils ont abandonné eux-mêmes sur le chemin de leur hypocrisie.

Avons-nous des oreilles pour entendre, des yeux pour voir ? Rêvons-nous ? Un mauvais démon s'amuse-t-il à nous perdre ? Le ciel ne nous serait-il pas déjà tombé sur la tête ? Ainsi, nous ne répondrions pas à la question posée, nous serions les fossoyeurs de l'Europe, des fauteurs de guerre, des réactionnaires, des monstres enfin, nous qui lisons les textes, nous qui argumentons, nous qui discutons, nous qui n'oublions pas, nous qui mettons en perspective, nous qui critiquons, nous qui avons été maintes fois trahis, humiliés, méprisés, nous qui crions famine, nous qui en appelons à l'Europe des peuples, nous qui croyons encore que la marchandise est au service des hommes, et non l'inverse ?

Eh bien soit ! Je suis un monstre ignorant, irresponsable, je suis ce que vous voudrez, mais je préfère avoir tort avec les hommes qu'avoir raison avec le marché, et je vais voter non. Adrien Royo

 

Il en va de la dignité des citoyens que de se prononcer sur la société qu‘ils désirent.

Il en va de la responsabilité des politiques que d’œuvrer conjointement à la mise en œuvre de la société voulue par les citoyens.

REDEVENONS DE BONS CITOYENS !

 

8          Les conséquences du non

 

Une des seules analyses sérieuses à ce sujet vient curieusement d’un groupe de réflexion anglais : Center for European Reform (de centre gauche et europhile) qui s'est penché sur les conséquences d'un non britannique. Cette analyse est également éclairante sur les conséquences d'un non français même s’il note qu’ « un non français créerait effectivement une crise plus forte qu'un non britannique ». Il imagine dix scenarii consécutifs à un non britannique et les analyse en détail. Ses conclusions résumées sur Scenarii du non sont les suivantes : « Ce scénario final est une combinaison des scenarii 4-5-6 : des coopérations renforcées, un ajustement du traité, la constitution de groupes de pays souhaitant avancer sur certains points de coopération ou d'intégration. A terme, on peut imaginer que se constitue de facto un noyau dur de cette sorte, de manière opérationnelle, pragmatique, et que soient mis en oeuvre certains points du TCE, dans un nombre d'Etats plus réduits, sans une grande usine comme la constitution ».

 

Les conséquence du non se traduiraient par le fait de devoir imaginer des voix nouvelles.

 

Voici l’analyse qu’en fait Bernard Cassen :

 

Bernard Cassen directeur général du Monde Diplomatique, professeur émérite à l’Institut d’Etudes Européennes à Paris VIII  dans son article Débat truqué sur le traité constitutionnel in le monde diplomatique :

 

les gouvernements ont absolument besoin d’un nouveau traité pour que l’UE fonctionne sans trop d’encombre à vingt-cinq, alors que ses règles actuelles avaient été prévues pour une Communauté à six. Ce qui signifie que serait alors soumise à ratification la seule première partie de l’actuelle Constitution, celle qui, pour l’essentiel, fixe les règles du jeu du Meccano institutionnel. Nul ne perdrait à la disparition de la deuxième partie, qui ne crée aucun nouveau droit social digne de ce nom, et peu verseraient des larmes si le manifeste libéral que constitue la troisième était remisé dans les cartons.

 

Il remarque à juste titre que seule la 1ère partie est nécessaire au fonctionnement d’une Europe à 25 et que la 3ème partie qui concerne les politiques économiques de l’union peut être abandonnée sans que le fonctionnement de l’Europe ne soit mis en cause.

 

Le non n’est pas un non à l’Europe. C’est un non à la constitutionnalisation du libéralisme.

 

Ce que j’en pense :

 

Cela me semble pernicieux et malsain pour la démocratie de voter en fonction des conséquences du vote plutôt qu'en fonction du sujet du vote lui-même. Cela laisse la porte ouverte à toutes les manipulations et toutes les instrumentalisations. L’histoire s’est toujours faite sur la base de rapports de forces.  Cohn Bendit nous promet Sarkozy au pouvoir, Hollande nous promet une Europe ultra libérale portée par le traité de Nice, Chirac nous promet une France marginalisée en Europe . La méthode est indigne et c’est bien au contraire en saisissant  ce qui pourrait être la dernière occasion d’établir un rapport de force en disant non à un texte inacceptable que le citoyen pourra dans le futur faire vivre un débat et y prendre place lorsqu’il s’agira de se battre contre d’autres choses inacceptables.

 

Ce texte est inacceptable. Comment pourrons nous refuser l’inacceptable dans l’avenir si nous l’acceptions tout en en ayant conscience ?

 

9          Conclusion

 

Cette constitution est doublement indéfendable, d'abord parce qu'elle décrit une société dont nous ne voulons pas, ensuite parce qu'elle verrouille toute possibilité d'en changer.

Après avoir été spolié du débat qui nous aurait permis en tant que citoyen de lui donner du sens, nous assistons pour la faire accoucher aux forceps, à une campagne basée sur la peur et le mensonge, qui laisse à penser que dire non c'est dire non à l'Europe ou qu'il s'agirait d'un signe de mécontentement envers la politique du gouvernement, une grogne sociale. C'est prendre les citoyens pour des imbéciles. Le meilleur ennemi de la constitution est la constitution elle-même.

Voter pour cette constitution dans le cadre d'un référendum ne serait rien moins qu'un suicide dans lequel le citoyen abdiquerait son rôle de contre pouvoir et se rangerait définitivement sous la bannière de l'ultralibéralisme et du marché, une sorte de "fin de l'histoire" dont le prix ne serait pas payé que par nous mais également par les générations futures.

 

 

Exister en tant que citoyen c‘est dire non !

 

10     D’autres adresses pour aller plus loin

 

Pour me contacter : Emmanuel.collod@ENLEVERlaposte.net